Absence injustifiée de l'accusé appelant : la procédure de défaut criminel ne s'applique pas

Lorsqu'un accusé appelant est en fuite, sans avoir fait le choix d'un conseil, ni sollicité la désignation d'un avocat, le président de la cour d'assises doit lui désigner d'office un défenseur : l'arrêt rendu, qui ne relève pas de la procédure de défaut en matière criminelle, est qualifié de contradictoire à signifier.

Historiquement, les règles de jugement par défaut en matière criminelle ont relevé d'une procédure écrite dite de « contumace », autorisant la cour d'assises à statuer sans jury, hors la présence d'un avocat et sans égard pour les garanties élémentaires d'un procès équitable. Sous l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH 23 nov. 1993, n° 14032/88, Poitrimol c. France, D. 1994. 187 , obs. J. Pradel ; RSC 1994. 362, obs. R. Koering-Joulin ; 13 févr. 2001, n° 29731/96, Krombach c. France, D. 2001. 3302, et les obs. , note J.-P. Marguénaud ; RSC 2001. 429, obs. F. Massias ; JCP 2001. I. 432, obs. Sudre ; RSC 2001. 429, obs. Massias ; 31 mars 2005, n° 43640/98, Mariani c. France, RSC 2006. 431, obs. F. Massias ; ibid. 662, chron. F. Massias ), ce cadre procédural a été réformé avec l'adoption de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II ».

Principale innovation de cette réforme, la cour d'assises est depuis lors tenue d'entendre l'avocat qui se présenterait pour assurer la défense d'un accusé absent sans excuse valable (C. pr. pén., art. 379-3), que celui-ci soit en fuite ou sans domicile connu, qu'il ne se présente pas à l'interrogatoire préalable du président, qu'il soit absent à l'ouverture des débats ou, sous certaines conditions, absent au cours des débats sans qu'il soit possible pour le président de les suspendre. La procédure de défaut en matière criminelle aboutit sur une décision qui n'est pas susceptible d'appel (C. pr. pén., art. 379-5), mais, si l'accusé condamné par défaut se constitue prisonnier ou est arrêté, l'arrêt de la cour d'assises est non avenu dans toutes ses dispositions et il est procédé à son égard à un nouvel examen de son affaire, sauf acquiescement de l'accusé à l'arrêt rendu par la cour (C. pr. pén., art. 379-4).

Limitation contre les éventuels recours dilatoires

En vertu de l'article 380-11 du code de procédure pénale, le président de la cour d'assises d'appel a longtemps été tenu de constater la caducité du recours exercé par l'accusé absent, lorsque celui-ci avait pris la fuite entre la décision de première instance et l'audience d'appel. Néanmoins, cette disposition a été abrogée par les Sages de la rue de Montpensier : jugée contraire à la Constitution, elle privait le justiciable du droit de faire réexaminer son affaire et, partant, portait une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif (Cons. const., 13 juin 2014, n° 2014-403 QPC, D. 2014. 1277 ; Dr. pénal 2014. Étude 9, n° 3, obs. Teissèdre ; Procédures 2014. comm. 279, n° 10, obs. Buisson).

En réponse à cette censure, depuis une loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, l'article 379-7 du code de procédure pénale répute désormais contradictoire la décision rendue lorsque l'accusé, appelant, a pris la fuite à l'occasion de son procès d'appel. En effet, le défaut criminel « n'est pas applicable lorsque l'absence de l'accusé, sans excuse valable, est constatée à l'ouverture de l'audience ou, à tout moment, au cours des débats, devant la cour d'assises désignée à la suite de l'appel formé par l'accusé. Dans ce cas, le procès se déroule ou se poursuit jusqu'à son terme, conformément aux chapitres VI et VII du présent titre, à l'exception des dispositions relatives à l'interrogatoire et à la présence de l'accusé, en présence de l'avocat de l'accusé qui assure la défense de ses intérêts […] ».

De fait, afin d'éviter qu'un accusé délibérément en fuite puisse tirer un profit trop avantageux des règles de jugement par défaut, cette procédure ne s'applique donc, à hauteur d'appel, que si le recours émane du ministère public.

L'arrêt commenté vient précisément illustrer l'application de cette règle, lorsqu'aucun avocat n'a été mandaté pour représenter l'accusé appelant et que le président de la cour d'assises procède à une commission d'office.

Les absents – non excusés – ont toujours tort

Condamné à vingt-deux années de réclusion criminelle, l'accusé avait interjeté appel principal, avant de prendre la fuite. Visé par un mandat d'arrêt, il ne comparaissait pas devant la cour d'assises statuant en appel, devant laquelle sa défense était assurée par un avocat commis d'office par le président : in fine, la réclusion criminelle était portée à vingt-cinq années.

Le pourvoi critiquait spécialement le fait que la défense de l'accusé ait été organisée à son insu, sans qu'aucun mandat de représentation n'ait été confié à l'avocat commis d'office, ce d'autant plus que la procédure aboutissait sur une décision qui ne pouvait être contestée que par la voie d'un recours en cassation.

Par l'arrêt commenté, la Cour de cassation confirme que la procédure de défaut en matière criminelle n'avait pas ici vocation à s'appliquer – l'absence de l'accusé, sans excuse valable, ayant été constatée à l'ouverture de l'audience d'appel, à la suite d'un recours qu'il avait lui-même exercé. Partant, l'arrêt rendu par la cour d'assises devait nécessairement être qualifié de contradictoire à signifier et ne pouvait faire l'objet que d'un pourvoi en cassation.

Aux visas des articles 274 et 317 du code de procédure pénale, la chambre criminelle ajoute que le président de la cour d'assises était tenu de désigner d'office un avocat à l'accusé en fuite, qui n'avait ni fait le choix ni sollicité la désignation d'un défenseur : « Cette désignation d'office, sans effet sur la qualification de l'arrêt, ne prive pas l'accusé du bénéfice d'une voie de recours, elle a, loin de porter une atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, au contraire pour objet d'en garantir l'effectivité, dans toute la mesure rendue possible par la fuite de l'accusé » – raisonnement au bénéfice duquel la chambre criminelle avait déjà pu rejeter la QPC dont elle avait été saisie, dans ce même pourvoi, arguant de l'inconstitutionnalité de ce régime de traitement procédural de l'accusé appelant en fuite (Crim. 11 janv. 2023, n° 22-84.280).

 

Crim. 8 févr. 2023, F-B, n° 22-84.280

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