Action individuelle d’un copropriétaire : portée de l’obligation d’information du syndic
Si le copropriétaire, qui agit seul pour la défense de la propriété ou de la jouissance de son lot, doit en informer le syndic, en application de l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, cette formalité n’est pas requise à peine d’irrecevabilité de la demande.
 
                            En matière de copropriété, la question de savoir qui, du syndicat des copropriétaires ou de l’un de ses membres a qualité pour agir en justice est envisagée à l’article 15, alinéas 1er et 2, de la loi du 10 juillet 1965.
Tout va, en la matière, dépendre de l’objet du litige.
Que celui-ci revête un aspect collectif et il incombe au syndicat des copropriétaires, détenteur de la personnalité morale (L. du 10 juill. 1965, art. 14, al. 1er) de porter l’affaire devant les tribunaux.
Que l’objet du litige, à l’inverse, concerne la propriété ou la jouissance du lot d’un copropriétaire et il appartient à ce dernier de saisir individuellement la justice.
Cette ligne de partage doit toutefois être nuancée, puisque, dans certaines hypothèses, une action conjointe du syndicat et d’un copropriétaire individuel est recevable.
C’est ainsi que l’alinéa 1er de l’article 15 précité envisage le cas du syndicat agissant conjointement avec un ou plusieurs copropriétaires en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble (jugeant que le syndicat a qualité pour agir en réparation des dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d’un ou de plusieurs lots, v. Civ. 3e, 23 juin 2004, n° 03-10.475, D. 2004. 2009, et les obs.  ; AJDI 2005. 139
 ; AJDI 2005. 139  , obs. C. Giverdon
, obs. C. Giverdon  ; RDI 2004. 453, obs. P. Malinvaud
 ; RDI 2004. 453, obs. P. Malinvaud  ).
).
Par ailleurs, en matière de trouble de jouissance, trouble qui concerne au premier chef les copropriétaires et non la collectivité, il a été jugé que l’action du syndicat peut prospérer sous réserve que les nuisances affectent par leur nature et leur intensité, d’une manière indivisible, les parties communes et les parties privatives de l’immeuble et présentent un caractère collectif (CE 9 mai 2005, n° 272071, Lebon  ; AJDA 2005. 1702
 ; AJDA 2005. 1702  ; AJDI 2005. 841
 ; AJDI 2005. 841  , obs. P. Capoulade
, obs. P. Capoulade  ). Cette solution doit être saluée, puisque, comme il a été fort justement observé, le syndicat est suffisamment lié à l’immeuble pour que le droit d’agir lui soit, en premier, reconnu (Atias, cité par P. Lebatteux in La copropriété, Dalloz Action 2025/2026, n° 511.12 ; sur les domaines respectifs et complexes des actions syndicales et des actions individuelles, v. P. Lebatteux, La copropriété, op. cit., chap. 512 et 513)
). Cette solution doit être saluée, puisque, comme il a été fort justement observé, le syndicat est suffisamment lié à l’immeuble pour que le droit d’agir lui soit, en premier, reconnu (Atias, cité par P. Lebatteux in La copropriété, Dalloz Action 2025/2026, n° 511.12 ; sur les domaines respectifs et complexes des actions syndicales et des actions individuelles, v. P. Lebatteux, La copropriété, op. cit., chap. 512 et 513)
Défaut d’information du syndic
Au cas particulier, il était précisément question d’un trouble de jouissance, puisque des copropriétaires en avaient assigné un autre en indemnisation du trouble causé par la mise à disposition de son appartement à une clientèle de passage dans le cadre de locations meublées de courte durée (meublé de tourisme, type Airbnb).
Le litige dont la Cour a eu à connaître portait sur le non-respect de l’obligation d’information du syndic qui pèse sur le copropriétaire ayant intenté une action en justice, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 15 de la loi de 1965.
Ce texte précise que si tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, c’est à charge d’en informer le syndic.
Les modalités de cette obligation d’information sont précisées à l’article 51 du décret du 17 mars 1967, indiquant que copie de toute assignation délivrée par un copropriétaire qui, en vertu de l’article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, exerce seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, est adressée par le commissaire de justice au syndic par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Dans l’arrêt sous étude, le copropriétaire-bailleur estimait les demandeurs irrecevables dans leur action en indemnisation, faute pour eux, d’avoir averti le syndic de la procédure.
Il échoue tant en appel (Grenoble, 23 mai 2023, n° 21/03445) que devant la Haute juridiction, cette dernière estimant que c’est « à bon droit » que le juge isérois a énoncé que, si le copropriétaire, qui agit seul pour la défense de la propriété ou de la jouissance de son lot, doit en informer le syndic, en application de l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, cette formalité n’était pas requise à peine d’irrecevabilité de la demande.
Cette solution participe d’une jurisprudence ancienne et constante (v. par ex., Civ. 3e, 26 nov. 1975, Rev. loyers 1976. 102 ; 30 mars 1978, D. 1978. IR 430 ; 28 janv. 1981, Rev. loyers 1981. 210 ; Paris, 17 sept. 2012, n° 07/19861, Administrer 5/2013. 42, obs. J.-R. Bouyeure ; Aix-en-Provence, 16 janv. 2014, n° 2014/35, Loyers et copr. 2014, n° 184, obs. G. Vigneron).
Convergence entre la lettre et l’esprit
Elle se justifie :
- d’une part, par la lettre des textes, ni l’article 15 de la loi ni l’article 51 du décret ne précisant la sanction qui doit être attachée à la méconnaissance de cette obligation d’information ;
- et d’autre part, compte tenu de la finalité même de cette obligation d’information, qui n’est érigée que pour permettre au syndicat de se joindre à l’action s’il estime que l’intérêt collectif est en jeu
Civ. 3e, 16 oct. 2025, FS-B, n° 23-19.843
par Yves Rouquet, Rédacteur en chef, Département immobilier Lefebvre Dalloz
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