Actions gratuites : existe-il une perte de chance indemnisable en cas de transfert du contrat de travail ?

Les salariés bénéficiaires d’actions Restricted Stocks Units (RSU), qui n’ont pas définitivement acquis les actions avant le transfert de leur contrat de travail, ne peuvent pas prétendre à une indemnisation pour perte de chance.

Les attributions gratuites d’actions, AGA, sont devenus l’instrument privilégié de l’actionnariat salarié qui s’explique par l’absence d’investissement des bénéficiaires, par des conditions plus souples (surtout depuis la loi n° 2023-1107 du 29 nov. 2023) ainsi que par son régime fiscal et social de faveur. De fait, le dispositif est largement utilisé dans les groupes de sociétés, notamment à l’international. Il est alors compréhensible que le contentieux indemnitaire de la perte de chance de bénéficier d’un plan d’AGA en cas de licenciement injustifié avant la fin de la période d’acquisition ne tarit pas (Soc. 26 févr. 2025, n° 23-15.072, inédit, RJS 5/2025, n° 272 ; 11 sept. 2024, n° 23-10.115, inédit, RJS 12/2024, n° 674). L’arrêt du 18 juin 2025 offre une nouvelle illustration inédite encore en jurisprudence en matière de transfert d’entreprise. Cet arrêt est l’occasion d’approfondir les questions de la nature juridique des AGA et de l’articulation des règles du code du commerce et du code du travail.

En l’espèce, les salariés de l’activité de recherche et développement des logiciels d’une filiale d’un groupe international ont bénéficié d’un plan d’attribution gratuite d’actions dénommées RSU de la société mère, établie à l’étranger, et mis en place par elle au profit des salariés du groupe à l’international. À la suite d’une réorganisation, l’activité R&D de la filiale a été reprise par une autre société, créée pour cette opération, appartenant à un autre groupe, au sein de laquelle les contrats de travail des salariés ont été transférés. Les salariés transférés ont engagé une action à l’encontre de la première société au motif que les actions RSU leur restaient dues, peu important le transfert de leur activité à une société appartenant à un autre groupe.

Au soutien du premier moyen, les salariés mobilisaient l’application du droit des contrats en matière de plan d’AGA. En l’espèce, comme souvent, avant l’acquisition définitive, la « promesse de don » est soumise à une condition de présence dans l’entreprise ou dans le groupe. Récemment, la Cour de cassation a conféré – de manière singulière et dérogatoire – à cette promesse de don une nature contractuelle justifiant la responsabilité contractuelle de l’employeur en cas de licenciement injustifié faisant défaillir la condition suspensive de présence (Soc. 26 févr. 2025, n° 23-15.072, préc.).

En l’occurrence, les salariés tentaient de faire valoir que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement », que le droit à rémunération, qui est acquis lorsque la période afférente à ce droit a été intégralement travaillé, ne peut pas être soumis à une condition de présence à la date postérieure de son versement et que, à tout le moins, la perte de chance devait être indemnisée dès lors que le transfert était le fait de l’employeur.

Pour rejeter le pourvoi des salariés, la Cour de cassation affirme et réaffirme trois principes majeurs d’une grande importance théorique, technique et pratique en matière d’actionnariat salarié.

Le salarié n’acquiert de manière définitive les actions attribuées gratuitement qu’à l’issue de la période d’acquisition et sous réserve de remplir la condition de présence prévue

D’une part, reprenant et résumant les termes de l’article L. 225-197-1 du code de commerce, la Cour synthétise le dispositif de la manière suivante : « l’attribution d’actions gratuites aux salariés et mandataires sociaux des sociétés par actions, intervient dans le cadre d’un plan qui doit définir, d’une part, une période d’acquisition des droits, d’une durée d’un an au minimum, au terme de laquelle le bénéficiaire devient propriétaire des actions, d’autre part, une période de conservation, d’une durée minimum de deux ans en principe, pendant laquelle le bénéficiaire ne peut pas vendre les actions, même s’il en est propriétaire ». De ce premier attendu, plusieurs observations peuvent être formulées.

Première observation, c’est la première fois que l’expression – née de la pratique – de « plan » est utilisée par la Cour de cassation, mettant en avant la source du dispositif qui, plus qu’un contrat, résulte d’une délibération collégiale issue d’un vote de l’AGE et d’une décision du conseil d’administration ou du directoire au profit de tout le personnel et des mandataires ou d’une catégorie objective d’entre eux. L’aspect institutionnel et collectif du dispositif est ainsi reconnu.

Deuxième observation, il est souligné qu’il s’agit d’un « plan annuel d’attribution des actions RSU de la société mère aux États-Unis, juridiquement distincte de l’employeur ». Il est donc étonnant d’appliquer à un plan étranger le code de commerce qui ne s’impose que pour les plans mis en place par des sociétés par actions soumises au droit français et établies en France. Sans doute, se saisissant de l’occasion pour rendre un arrêt de principe, la Cour de cassation semble s’être précipitée. Il faut peut-être en retenir que la solution retenue vaut pour tous les plans d’AGA, soumis ou non au droit national.

Troisième observation, au sein de dispositif d’AGA, sont nettement décomposées deux périodes dites « d’acquisition et de conservation ». La Cour de cassation précise que « le bénéficiaire n’acquiert définitivement les actions attribuées qu’à l’issue d’une période d’acquisition et sous réserve de remplir les conditions librement fixées par le plan d’attribution d’actions gratuites ». La première période est donc préparatoire et précaire. Ici était en cause une condition de présence prévue par le plan annuel d’attribution qui stipulait : « si votre emploi auprès de la société s’achève, pour quelque raison que ce soit (y compris en cas de cessation d’activité), volontairement ou involontairement, sauf en cas de décès, de handicap (défini ci-après) ou de retraite (définie ci-après), toutes les RSU qui n’ont pas été acquises seront annulées à la date de la fin de contrat ».

D’autre part, reprenant et affinant ces dernières solutions jurisprudentielles, la Cour de cassation déclare que « la distribution d’actions gratuites aux salariés, qui a pour objet de les fidéliser ou de leur permettre de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières, ne constitue pas la contrepartie d’un travail et n’a donc pas la nature juridique d’un élément de rémunération ». Cette solution est à mettre en parallèle avec la position retenue en 2016 jugeant que les options d’achat d’actions s’inscrivent « dans un processus d’amélioration de la rémunération » des intéressés « mais également d’association à la gestion et d’intéressement au développement de la valeur de l’entreprise, en contrepartie de [leur] activité au profit de [l’]entreprise » (Com. 7 juin 2016, n° 14-17.978 P, Dalloz actualité, 27 juin 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 2042 , note D. Baugard et N. Borga ; ibid. 2365, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki ; AJCA 2016. 391, obs. C. Coupet ; Rev. sociétés 2017. 85, note Y. Marjault ; RTD civ. 2016. 614, obs. H. Barbier ; RJS 8-9/2016, n° 539). D’un côté, l’arrêt manque en subtilité : si la distribution d’actions gratuites n’est pas une rémunération salariale, elle reste une rémunération extra-salariale. De l’autre, l’arrêt rendu met judicieusement en avant la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières, si chère aux dispositifs d’épargne salariale et de fonds communs de placement. Quoiqu’il en soit, concrètement, n’étant pas du salaire, les actions gratuites peuvent être soumises à une condition de présence postérieure à leur date d’attribution. Ce principe n’est pas nouveau. Le rapport de la conseillère référendaire rappelle en effet que la Cour de cassation « a admis depuis longtemps la licéité des clauses des règlements de plans d’option d’achat ou de souscription d’actions subordonnant le droit à levée de l’option à la présence du salarié dans les effectifs de l’entreprise » (Rapport de Mme Prieur, conseillère référendaire, p. 16, § 5-2). Juger l’inverse reviendrait à neutraliser l’objectif premier de ces dispositifs utilisés comme outil de fidélisation. La Cour de cassation prend le soin de confirmer l’opposabilité de la clause de présence qui avait été contrôlée par la cour d’appel : « les salariés avaient été informés individuellement de ce que les actions gratuites non définitivement acquises étaient annulées en cas de départ de l’entreprise ». Les salariés n’ignoraient donc pas l’impact d’un transfert d’entreprise.

Le transfert légal du contrat de travail n’ouvre pas droit à une indemnisation pour perte de chance pour le salarié de bénéficier des actions gratuites

La perte de chance est caractérisée par la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Lorsqu’elle résulte d’une faute, le juge ne peut pas refuser d’indemniser cette perte de chance, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale lui a été demandée (Cass., ass. plén., 27 juin 2025, nos 22-21.812 et 22-21.146). A contrario, lorsqu’elle résulte d’une situation non fautive, elle n’est pas réparable.

Dans cet arrêt du 18 juin 2025, la question nouvelle était de savoir si le transfert du contrat de travail empêchant la réalisation de la condition de présence est susceptible de caractériser une faute de l’employeur entrainant l’indemnisation de la perte de chance.

Au soutien de la première branche de leur premier moyen, les salariés se prévalaient d’abord des termes de l’article 1304-3 du code civil (anc. art. 1178) : « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ». Selon eux, si la condition de présence nécessaire pour bénéficier des actions gratuites a été empêchée par une faute de l’employeur, elle serait réputée accomplie, les salariés pouvant bénéficier des actions promises. L’argument ne pouvait pas prospérer pour deux raisons. D’abord, le débiteur du plan d’AGA est la société mère étrangère, « juridiquement distincte de l’employeur » ; la filiale, employeur, qui a réalisé le transfert d’entreprise, ne peut donc pas être qualifiée de « débiteur obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ». Ensuite, l’exécution forcée est incompatible avec la nature même de l’avantage que constituent les AGA avant la fin de la période d’acquisition. Seule la voie indemnitaire est ouverte, comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation au visa de l’article 1231-1 du code civil : « le salarié qui n’a pu se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu avant le terme de la période d’acquisition, ne peut pas prétendre à l’attribution des actions et à la reconnaissance de la qualité d’actionnaire, mais seulement à la réparation du préjudice résultant pour lui de la perte de chance d’acquérir définitivement les actions gratuites » (Soc. 26 févr. 2025, n° 23-15.072, préc.).

C’est la raison pour laquelle les salariés ont défendu, aussi, la théorie de la perte de chance en s’inspirant de la jurisprudence rendue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc. 1er avr. 2015, n° 13-26.706 ; 7 févr. 2018, n° 16-11.635). Dans son arrêt du 18 juin 2025, la Cour de cassation affirme que « le salarié qui n’a pu, du fait du transfert légal de son contrat de travail intervenu avant le terme de la période d’acquisition, se voir attribuer de manière définitive des actions gratuites, ne peut revendiquer aucune indemnisation pour la perte de chance d’avoir pu les acquérir, sauf à démontrer une fraude de l’employeur dans le recours à l’article L. 1224-1 du code du travail ». La solution est logique : l’opération entraînant le transfert des contrats de travail ne constitue pas en elle-même une faute de l’employeur, mais l’application d’une disposition impérative. L’avis de l’avocate générale indique d’ailleurs que « le transfert des contrats de travail consécutifs à cette cession n’est en lui-même aucunement fautif, puisque c’est la loi qui prévoit ce mécanisme dans un objectif de protection des salariés ». L’employeur n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Le salarié ne peut prétendre au paiement de dommages-intérêts du fait l’absence de réalisation de la condition suspensive de présence. La Cour de cassation a déduit donc que « l’emploi des intéressés auprès de la société s’était achevé en raison du transfert de plein droit de leur contrat de travail au nouvel employeur, la cour d’appel a exactement déduit qu’ils ne pouvaient revendiquer aucune indemnisation d’une perte de chance du fait de l’impossibilité d’acquérir les actions RSU attribuées jusqu’en 2016 ». Implicitement mais nécessairement, la solution exclut les plans AGA du régime champ d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, même si c’est un accessoire du contrat de travail justifiant la compétence du conseil de prud’hommes (Soc. 27 févr. 2013, n° 11-27.319, RJDA 5/2013, n° 422) ; le plan d’AGA ne se transmet pas avec les contrats de travail des salariés bénéficiaires.

Il est toutefois réservée l’hypothèse de la fraude. Si l’opération de restructuration ayant entrainé le transfert légal des contrats de travail est le résultat d’une fraude de l’employeur, cette faute est de nature à engager sa responsabilité contractuelle. « Il y a fraude chaque fois que le sujet parvient à se soustraire à l’exécution d’une règle obligatoire par l’emploi à dessein d’un moyen efficace, qui rend ce résultat inattaquable sur le terrain du droit positif » (J. Vidal, Essai d’une théorie générale de la fraude en droit français : le principe « fraus omnia corrumpit », thèse, Dalloz, 1957, p. 208). Selon la Cour de cassation, la fraude « s’entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive » (Com. 16 oct. 2012, n° 11-22.993 P, Dalloz actualité, 25 oct. 2012, obs. A. Lienhard ; Ouizille de Keating (Sté) c/ Flammarion (Sté), D. 2012. 2513, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2012. 730, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2012. 829, obs. D. Legeais ; 8 janv. 2020, n° 18-21.452, inédit, RJDA 4/2020, n° 227). La fraude à la loi, même non expressément envisagée par le législateur, est toujours sous-jacente pour déjouer des montages purement artificiels et atteindre les bénéficiaires réels d’une opération, l’objectif étant de dépasser l’apparence juridique pour retenir la réalité économique. Comment qualifier la fraude dans l’hypothèse d’un transfert d’entreprise faisant échec à l’attribution gratuite d’actions ? Le transfert d’entreprise frauduleux peut être caractérisé en cas de filialisation « défaisance » lorsque l’opération risque d’aboutir « progressivement mais inévitablement à la disparation de l’activité transférée » (qui était déficitaire à l’origine) et qui « pourrait notamment traduire une intention abusive des opérations économiques en cause de se soustraire aux répercussions financières négatives liées à la future liquidation » de l’activité (CJUE 13 juin 2019, Ellinika Nafpigeia AE c/ A, aff. C-664/17). C’est alors l’opération dans son ensemble qui est paralysée. Une autre hypothèse, plus difficile à imaginer et à prouver, serait l’organisation d’un transfert d’entreprise ayant pour seul but d’éviter l’acquisition des actions gratuites.

La solution laisse plusieurs zones d’ombres. D’abord, est-ce que cette solution est transposable au cas particulier d’un transfert conventionnel ou volontaire des contrats de travail ? Dès lors que l’accord du salarié est nécessaire, la perte des AGA ne saurait, à notre avis, être reprochée à l’employeur. Ensuite, reste à savoir si cette solution est applicable aux options de souscription ou d’achat d’actions lorsqu’un transfert, réalisé avant la levée d’option, emporte la caducité des options en application d’une condition de présence. À la différence des AGA qui n’offrent que des droits éventuels avant la fin de la période d’acquisition, les stock-options se caractérisent par l’octroi d’un droit de créance dès lors que les salariés sont considérés comme parties à une « promesse unilatérale faite par une société par actions […] de leur vendre sur leur demande un nombre déterminé de ses actions dans un délai et moyennant un prix définitivement fixés » (Civ. 2e, 20 sept. 2005, n° 03-30.709 P, Thales training et simulation (Sté) c/ URSSAF de Paris, D. 2005. 2706 ; RJS 12/2005, n° 1237). Nonobstant cette différence, l’Association nationale des sociétés par actions (ANSA) considère qu’en cas de scission ou apport partiel d’actif soumis au régime de la scission, les salariés affectés à la branche transférée subissent les effets de la clause de présence prévue par le plan (Comité juridique ANSA, 2 avr. 2014, n° 14-029). Quoiqu’il en soit, en cas de fusion, rien n’interdit aux parties intéressées de prévoir dans le traité de fusion que les droits des bénéficiaires sont préservés au sein de la société absorbante ; le traité réserve une quote-part du capital de l’absorbante aux titulaires des AGA ou des stock-options en tenant compte de la parité d’échange des actions des sociétés (Circ. ANSA, n° 3029-7, mai 2000 ; Comité juridique ANSA, 5 mai 1999, n° 510 ; Civ. 2e, 27 nov. 2014, n° 13-25.715, URSSAF des Pays de la Loire c/ Osiatis (Sté), D. 2014. 2467 ; Rev. sociétés 2015. 245, note R. Foy ). Enfin, dernière zone d’ombres, que décider lorsque l’opération de transfert est décidée au sein du groupe ? Il serait pour le moins paradoxal de faire perdre le bénéfice d’un plan d’actionnariat de groupe alors que les salariés sont transférés dans le cadre d’une opération intragroupe… En pratique, il serait plus cohérent et judicieux de stipuler une clause de présence dans le groupe, plutôt que dans la filiale.

Les actions gratuites n’ont pas une nature salariale

Dans cette décision, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure en jugeant que « les actions gratuites de la société mère juridiquement distincte de l’employeur ne constituaient pas une partie de la rémunération mais un avantage distinct, de sorte qu’elles n’avaient pas la nature d’un salaire ».

Ce point avait clairement été affirmé pour les actions gratuites et les stock-options en 2023 (Soc. 15 nov. 2023, n° 22-12.501, Dalloz actualité, 12 janv. 2024, obs.  J.-M. Albiol et M. Paulin ; RJS 3/2024, n° 144) et plus récemment pour les actions gratuites (Soc. 22 mai 2024, n° 22-18.182) au sujet de l’assiette de calcul des indemnités de rupture : « l’acquisition par le salarié […] d’actions gratuites attribuées par l’employeur et valorisées en fonction du seul cours de la bourse ne constituait pas la contrepartie du travail » et « la valorisation des actions gratuites attribuées au salarié, qui n’avaient pas la nature d’un salaire, ne pouvait être prise en compte pour la fixation des indemnités ».

Ces dispositifs ne constituant pas un élément de rémunération au sens strict en droit du travail, cela justifie que les conditions de présence pour en bénéficier postérieurement à leur date d’attribution soient légales. Un autre argument est retenu par la Cour de cassation : « le plan annuel d’attribution des actions RSU de la société mère aux États-Unis, juridiquement distincte de l’employeur, s’agissant non pas d’une partie de la rémunération mais d’un avantage distinct ». Cet argument décisif est repris en réponse au second moyen du pourvoi par lequel les salariés avaient tenté de faire valoir que les actions gratuites régulièrement attribuées constituaient un élément de salaire dont le versement était obligatoire. L’absence d’attribution des actions RSU en 2017, soit l’année de cession par la société de leur branche d’activité à une autre société, constituait une « faute » entrainant l’octroi de dommages-intérêts. Or, les actions gratuites délivrées par une société mère qui n’est pas l’employeur n’étant pas un élément de rémunération mais seulement un avantage discrétionnaire, le caractère répété de cette attribution n’a pas pour effet de la rendre obligatoire. Comme le souligne l’avis de l’avocate générale, « le caractère répété de son attribution ne saurait en modifier la nature d’avantage discrétionnaire non-salarial – ce n’est pas pour rien qu’il est réglementé par le code de commerce ». En creux, cet argument permettrait d’écarter la qualification d’engagement unilatéral de l’employeur ou d’usage d’entreprise (sur la question, v. Soc. 4 nov. 2021, n° 19-23.681, inédit). La Cour de cassation réserve, pour l’année 2017, l’hypothèse d’une « contractualisation » spéciale entre la société mère et les salariés des filiales pour mieux l’écarter : « pour l’année 2017 au cours de laquelle ils avaient quitté l’entreprise, les salariés n’établissaient pas que la distribution de RSU de la société mère Intel Corporation leur avait été contractuellement attribuée et soumise à leur acceptation ».

 

Soc. 18 juin 2025, FS-B, n° 23-19.748

par Quitterie Traversac, avocate, Avanty Avocats et Yannick Pagnerre, professeur à l’université Paris Saclay, agrégé des facultés de droit, conseil scientifique du Cabinet Avanty Avocats

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