Aides covid des professionnels de santé : compétence des caisses primaires pour la récupération de l’indu

Le recouvrement de l’indu au titre du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité doit suivre la procédure prévue par l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale que les caisses primaires d’assurance maladie ou les caisses générales ont compétence pour mettre en œuvre.

À l’instar des entreprises « normales » (Ord. n° 2020-317 du 25 mars 2020, Dalloz actualité, 1er avr. 2020, obs. X. Delpech, portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation), les professionnels de santé qui subirent les contrecoups économiques de la crise – il y en eut – bénéficièrent de l’intervention de l’État. L’ordonnance n° 2020-505 du 2 mai 2020 institua une aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19. Chaque aide était versée à la demande individuelle des professionnels ; son montant était fixé en tenant compte « du niveau moyen des charges fixes de la profession, en fonction le cas échéant, de la spécialité médicale et des conditions d’exercice et du niveau de la baisse d’activité » (Ord. n° 2020-505 du 2 mai 2020, art. 2). Point important au regard de la décision commentée, les aides ainsi prévues étaient tirées d’un fonds financé par l’assurance maladie et géré par la Caisse nationale d’assurance maladie (ibid., art. 1), et étaient, aux termes précis de la loi, versées par cette même caisse nationale (ibid., art. 1 ter).

En l’espèce, alors que la crise s’estompait, la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion notifia un indu à un généraliste libéral conventionné ayant perçu l’aide prévue par l’ordonnance n° 2020-505. Pour échapper à cette inopportune réclamation, le médecin saisit le Tribunal judiciaire de Saint-Denis et invoqua l’incompétence de la caisse « locale » pour diriger la répétition, l’ordonnance désignant, selon le professionnel, la Caisse nationale comme unique gestionnaire de l’aide. À propos spécialement du montant définitif octroyé, l’article 3 de l’ordonnance disposait en effet : « la Caisse nationale de l’assurance maladie arrête le montant définitif de l’aide au vu de la baisse des revenus d’activité effectivement subie par le demandeur et procède, s’il y lieu, au versement du solde ou à la récupération du trop-perçu selon la procédure prévue à l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale au plus tard le 1er décembre 2022 ». L’argument échoua (TJ Saint-Denis de la Réunion, 7 déc. 2022, n° 22/00074) ; le professionnel forma un pourvoi.

Peine perdue selon la Cour de cassation qui, plutôt que de déduire de l’article 3 la compétence exclusive de la Caisse nationale, lit dans celui-ci un renvoi au droit commun : « le recouvrement de l’indu au titre du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité doit suivre la procédure prévue [par l’art. L. 133-4 CSS] que les caisses primaires d’assurance maladie ou les caisses générales ont compétence pour mettre en œuvre ».

Ledit article L. 133-4 du code de la sécurité sociale fixe les conditions dans lesquelles s’exerce la répétition de l’indu à l’égard des professionnels de santé, et décide que celle-ci est exercée non par la Caisse nationale, mais par l’« organisme de prise en charge », à savoir les caisses primaires d’assurance maladie ou, en l’espèce, la Caisse générale de la sécurité sociale de la Réunion. Impérative (Civ. 2e, 8 oct. 2015, n° 14-23.464), quoiqu’elle n’interdise pas aux caisses d’exercer par la voie pénale l’action en réparation du préjudice éventuel subi (Crim. 16 janv. 2019, n° 17-86.581, Dalloz actualité, 19 févr. 2019, obs. C. Fonteix ; D. 2019. 128  ; AJ pénal 2019. 218, obs. J. Hennebois ), la procédure permet – outre la répétition des sommes versées dans le cadre de l’aide covid-19 spécialement prévue par l’ordonnance du 2 mai 2020 – la récupération des sommes liées à la violation des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits médicaux et des frais de transport. L’action s’ouvre par l’envoi au professionnel de santé ou à l’établissement concerné d’une notification de payer les sommes réclamées ou de produire des observations. En cas de non-paiement ou de silence gardé, la caisse peut imputer sur les versements à venir les montants réclamés ; lorsque des observations ont été produites, ou bien celles-ci sont prises en considération, ou bien elles sont rejetées, et une mise en demeure de payer dans un délai d’un mois est signée du directeur de la caisse. À défaut de règlement, la loi autorise la délivrance d’une contrainte qui, sauf à être contestée avec succès, produit « tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire ». 

 

Civ. 2e, 26 juin 2025, FS-B, n° 23-12.778

par Vincent Roulet, Avocat

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