Ajustement à l'objectif 55 : nouveau cadre réglementaire européen en faveur du déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs

Tous les modes de transport seront prochainement traités dans un acte juridique unique, le règlement AFIR, englobant toute une gamme de carburants alternatifs.

La loi européenne sur le climat, qui est au cœur du pacte vert pour l'Europe, fixe pour objectif que l’Union européenne (UE) réduise ses émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030. Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » est un ensemble de propositions visant à réviser et à actualiser la législation de l'UE ainsi qu'à mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l'UE soient conformes à ces objectifs. En ce sens un nouveau règlement du 13 septembre 2023, dit règlement AFIR (Alternative Fuels Infrastructure Regulation), remet à plat les exigences européennes concernant le déploiement des infrastructures pour carburants alternatifs (AFIR).

Afin de faire face à l’essor des carburants alternatifs, il fixe des objectifs de déploiement de davantage de stations de recharge et de ravitaillement d’ici 2030 ce qui permettra au secteur des transports de réduire considérablement son empreinte carbone. Il a également été pris suite à une communication de la Commission du 9 décembre 2020 intitulée « Stratégie de mobilité durable et intelligente, mettre les transports européens sur la voie de l’avenir », qui mettait en évidence le développement inégal des infrastructures de recharge et de ravitaillement dans l’Union et le manque d’interopérabilité et de facilité d’utilisation. Il fallait donc adopter une méthode commune claire afin de permettre la mise en place d’un réseau global et complet d’infrastructures pour carburants alternatifs dans l’ensemble de l’Union.

Remarque : la Commission précise toutefois que si les carburants alternatifs sont en plein essor dans le secteur routier avec une maturité des véhicules électriques à batterie, des véhicules hybrides rechargeables, des véhicules fonctionnant à l’hydrogène ; pour les petits navires électriques à batterie ou fonctionnant à l’hydrogène ; ainsi que des trains à fonctionnant à l’hydrogène ; toutefois ce n’est pas encore le cas pour les secteurs de l’aviation et du transport par voie d’eau restent tributaires des carburants liquides et gazeux. En effet, les solutions de propulsion à faibles émissions et à émissions nulles ne devraient arriver sur le marché que vers 2030 ou même plus tard, en particulier pour le secteur de l’aviation, la phase de commercialisation à grande échelle nécessitant du temps.

 

Les carburants alternatifs sont les carburants ou sources d’énergie qui servent, au moins partiellement, de substitut aux carburants fossiles dans l’énergie utilisée pour les transports et peuvent contribuer à la décarbonation de ces derniers et à améliorer la performance environnementale du secteur des transports. Ces carburants incluent :

  • les carburants alternatifs pour véhicules, trains, navires ou aéronefs à émissions nulles» à savoir l’électricité, l’hydrogène, et l’ammoniac ;
  • les carburants renouvelables à savoir les combustibles ou carburants issus de la biomasse, y compris le biogaz, et les biocarburants ;
  • les carburants de synthèse et les carburants paraffiniques, y compris l’ammoniac, produits à partir d’énergies renouvelables ;
  • les combustibles alternatifs non renouvelables et les combustibles fossiles de transition à savoir le gaz naturel, sous forme gazeuse [gaz naturel comprimé (GNC)] et sous forme liquéfiée [gaz naturel liquéfié (GNL)], le gaz de pétrole liquéfié (GPL) ;
  • ainsi que les carburants de synthèse et les carburants paraffiniques produits à partir d’énergies non renouvelables.

Focus sur les principales dispositions de ce règlement.

Objectifs nationaux contraignants

Le règlement AFIR fixe des objectifs nationaux contraignants menant au déploiement de suffisamment d’infrastructures pour carburants alternatifs dans l’Union pour :

  • les infrastructures de recharge électrique réservées aux véhicules légers électriques (art. 3) : à partir de 2024, une puissance de sortie totale d’au moins 1,3 kW devra être fournie par des stations de recharge ouvertes au public pour chaque véhicule léger électrique à batterie immatriculé dans l’Union européenne ; et une puissance de sortie totale d’au moins 0,80 kW devra être fournie par des stations de recharge ouvertes au public pour chaque véhicule léger électrique hybride rechargeable immatriculé dans l’Union européenne ;
  • les infrastructures de recharge électrique réservées aux véhicules utilitaires lourds électriques, échelonnés du 31 décembre 2025 au 31 décembre 2030 (art. 4) ;
  • les infrastructures de ravitaillement en hydrogène des véhicules routiers (art. 6) : au plus tard le 31 décembre 2030, des stations de ravitaillement en hydrogène ouvertes au public, conçues pour permettre une capacité minimale cumulée de 1 t/jour et équipées d’un distributeur d’au moins 700 bars, seront déployées à un intervalle maximal de 200 km le long du réseau central du RTE-T ;
  • l’alimentation électrique à quai dans les ports maritimes d’ici le 31 décembre 2029 (art. 9) ;
  • l’alimentation électrique à quai dans les ports de navigation intérieure (art. 10) : les États membres devront veiller à ce qu’au moins une installation fournissant une alimentation électrique à quai aux bateaux de navigation intérieure soit déployée dans tous les ports de navigation intérieure du réseau central du RTE-T au plus tard le 31 décembre 2024 ; et qu’au moins une installation fournissant une alimentation électrique à quai aux bateaux de navigation intérieure soit déployée dans tous les ports de navigation intérieure du réseau global du RTE-T au plus tard le 31 décembre 2029 ;
  • l’approvisionnement en méthane liquéfié dans les ports maritimes (art. 11) : les États membres devront veiller à ce qu’un nombre approprié de points de ravitaillement en méthane liquéfié soient déployés dans les ports maritimes du réseau central du RTE-T pour permettre la circulation des navires de mer sur l’ensemble du réseau central du RTE-T au plus tard le 31 décembre 2024 ;
  • la fourniture d’électricité aux aéronefs en stationnement (art. 12) : dans tous les aéroports du réseau central du RTE-T et du réseau global du RTE-T, la fourniture d’électricité aux aéronefs en stationnement devra être assurée au plus tard le 31 décembre 2024, à tous les postes de stationnement au contact utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d’embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises ; et au plus tard le 31 décembre 2029, à tous les postes de stationnement au large utilisés pour les opérations de transport aérien commercial d’embarquement ou de débarquement de passagers ou de chargement ou de déchargement de marchandises. De plus, à partir du 1er janvier 2030 au plus tard, les États membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’électricité fournie devra provenir du réseau électrique ou soit produite sur place sans utiliser de combustibles fossiles.

Exigences relatives aux infrastructures de recharge en électricité et hydrogène

Pour atteindre les objectifs contraignants fixés par l’UE, les infrastructures doivent répondre à certaines conditions. Aux points de recharge ouverts au public qu’ils exploitent, les exploitants doivent donner aux utilisateurs finals la possibilité d’effectuer une recharge à l’acte de leur véhicule électrique pour tout type de moyens de transport ayant des objectifs contraignants. Le règlement AFIR établit en ce sens des spécifications techniques communes et des exigences en matière d’information des utilisateurs, de fourniture des données et de paiement applicables aux infrastructures pour carburants alternatifs.

Ainsi les exploitants de points de recharge donnent aux utilisateurs finals la possibilité d’effectuer une recharge à l’acte de leur véhicule en électricité (art. 5) et en hydrogène (art. 6). Aux points de recharge ouverts au public déployés à partir du 13 avril 2024, une recharge devra être possible au moyen d’un instrument de paiement largement utilisé dans l’Union (les lecteurs de cartes de paiement, fonctionnalité sans contact et permettant au moins de lire les cartes de paiement, ou encore code QR spécifique pour la recharge des véhicules électriques). Des exigences sont également fixées concernant l’authentification automatique et l’information du public quant au prix facturé.

De plus, tous les points de recharge de véhicules électriques ouverts au public qui ont été construits après le 13 avril 2024 ou rénovés après le 14 octobre 2024 devront permettent la recharge intelligente. Et au plus tard le 14 avril 2025, tous les points de recharge en courant continu (CC) ouverts au public devront être équipés d’un câble de recharge fixe.

De plus, jusqu’au 31 décembre 2024, les États membres veillent à ce qu’un nombre approprié de points de ravitaillement en méthane liquéfié ouverts au public soient déployés, au moins tout au long du réseau central du RTE-T, afin de permettre aux véhicules utilitaires lourds utilisant du méthane liquéfié de circuler dans toute l’Union, lorsqu’il existe une demande, à moins que les coûts que cela entraîne soient disproportionnés par rapport aux avantages, y compris les avantages pour l’environnement (art. 8).

Le développement de technologies de carburants alternatifs est également important pour les chemins de fer, où l’électrification directe d’un tronçon ferroviaire peut s’avérer impossible pour des raisons de rentabilité du service. Ainsi, les États membres devront évaluer les possibilités de développement de technologies et de systèmes de propulsion au moyen de carburants alternatifs permettre au secteur ferroviaire d’abandonner les trains diesel, notamment l’électrification directe, les trains à batterie et les applications de l’hydrogène (art. 13).

Au plus tard le 31 mars 2025, puis le 31 mars de chaque année, les États membres devront communiquer à la Commission la puissance de sortie totale cumulée de recharge et le nombre de points de recharge ouverts au public déployés ainsi que le nombre de véhicules électriques à batterie et de véhicules hybrides rechargeables immatriculés sur leur territoire au 31 décembre de l’année précédente, conformément aux exigences établies à l’annexe III du règlement AFIR (art. 18).

Etablissement de cadres d’action nationaux par chaque État membre

Au plus tard le 31 décembre 2024, chaque État membre devra élaborer et transmettre à la Commission un projet de cadre d’action national pour le développement du marché relatif aux carburants alternatifs dans le secteur des transports et le déploiement des infrastructures correspondantes, prenant en compte les besoins des différents modes de transport existant sur leur territoire (art. 14). Ils devront contenir des informations obligatoires et d’autres facultatives. Par la suite, chaque projet de cadre d’action national devra être mis à disposition du public pour son information et sa participation.

Chaque cadre d’action national définitif devra être finalisé au plus tard le 31 décembre 2025, et notifié à la Commission européenne. Ces cadres d’action nationaux définitifs seront ensuite rendus publics. Ensuite, au plus tard le 31 décembre 2027 et tous les deux ans par la suite, chaque État membre devra soumettre à la Commission un rapport d’avancement national indépendant sur la mise en œuvre de son cadre d’action national, qui sera ensuite rendu public par la Commission (art. 15).

Pour se faire, la Commission devra adopter plus tard le 14 octobre 2024, des orientations et des modèles pour le contenu, la structure et le format des cadres d’action nationaux et des rapports d’avancement nationaux.

Enfin, la Commission devra évaluer les cadres d’action nationaux avant le 31 décembre 2026, et présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur leur évaluation au regard des objectifs chiffrés.

Informations des utilisateurs

Le règlement AFIR veille à ce que les utilisateurs des infrastructures de recharge soient bien informés en ce qui concerne (art. 19) :

  • les véhicules à moteur mis sur le marché qui peuvent être rechargés ou ravitaillés régulièrement ;
  • la compatibilité des véhicules et des infrastructures ou des carburants et des véhicules en application de certaines spécifications techniques et notamment via l’étiquetage ;
  • les prix des carburants.

Fourniture de données sur les infrastructures de recharge

Les exploitants de points de recharge et de points de ravitaillement en carburants alternatifs ouverts au public ou, selon les modalités convenues entre eux, les propriétaires de ces points, devront veiller à ce que les données statiques et les données dynamiques concernant les infrastructures pour carburants alternatifs qu’ils exploitent ou les services intrinsèquement liés à ces infrastructures qu’ils fournissent ou externalisent, soient disponibles sans frais au plus tard le 14 avril 2025.

Cela concerne la localisation géographique des points de recharge et des points de ravitaillement en carburants alternatifs, le nombre de connecteurs et leur type, le nombre de places de stationnement réservées aux personnes handicapées, les coordonnées du propriétaire et de l’exploitant de la station de recharge et de la station de ravitaillement, les horaires d’ouverture, les codes ID, au moins de l’exploitant du point de recharge, le type de courant (CA/CC), la puissance de sortie maximale (kW) de la station de recharge, la puissance de sortie maximale (kW) du point de recharge, la compatibilité avec les types de véhicules, le statut opérationnel (opérationnel/hors service), la disponibilité (en cours d’utilisation/libre), le prix ad hoc, le caractère 100 % renouvelable de l’électricité fournie (oui/non).

Pour cela, chaque exploitant ou propriétaire de ces points de recharge devra mettre en place une interface de programmation d’application (API) qui donne accès sans frais et sans restriction aux données et communique des informations sur cette API aux points d’accès nationaux. Ces données devront être rendues accessibles sur une base ouverte et non discriminatoire à tous les utilisateurs de données par l’intermédiaire de leur point d’accès national au plus tard le 31 décembre 2024.

Les États membres devront désigner une organisation chargée de l’enregistrement de l’identification (IDRO), qui délivrera et gèrera des codes d’identification unique (codes ID) permettant d’identifier au moins les exploitants des points de recharge et les prestataires de services de mobilité.

Rapport sur la maturité technologique et commerciale des véhicules utilitaires lourds

Au plus tard le 31 décembre 2024, la Commission devra présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur la maturité technologique et commerciale des véhicules utilitaires lourds. Il devra tenir compte des premières indications des préférences du marché, du progrès technique, de l’évolution des spécifications techniques élaborées à cette date, ainsi que des évolutions attendues à court terme, en particulier en ce qui concerne les technologies et les normes en matière de recharge et de ravitaillement, comme les normes de recharge à haute puissance et les réseaux routiers électriques, et l’utilisation d’hydrogène liquide (art. 24).

Réexamen quinquennal du règlement AFIR

Le règlement devra être réexaminé par la Commission en premier lieu avant le 31 décembre 2026, puis tous les cinq ans par la suite.

Abrogation de la directive de 2014

Ces nouvelles dispositions seront applicables à compter du 13 avril 2024. À cette date seront abrogés :

  • la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs ;
  • le règlement délégué (UE) 2019/1745 de la Commission du 13 août 2019 complétant et modifiant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les points de recharge pour les véhicules à moteur de catégorie L, l’alimentation électrique à quai des bateaux de la navigation intérieure, l’alimentation en hydrogène pour le transport routier et l’alimentation en gaz naturel pour le transport routier et par voie d’eau ;
  • et le règlement délégué (UE) 2021/1444 de la Commission du 17 juin 2021 complétant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes relatives aux points de recharge pour les bus électriques.

 

© Lefebvre Dalloz