Application dans le temps des dispositions modifiant le vote requis aux assises pour ordonner le maximum de la peine encourue

La modification de l’article 362, alinéa 2, du code de procédure pénale, résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, est plus sévère en ce qu’elle permet désormais, si la peine maximale de trente ans n’a pas été prononcée, de prononcer une peine comprise entre vingt et trente ans de réclusion criminelle, ce qui n’était pas possible auparavant. Elle ne peut donc recevoir application que pour les faits commis après son entrée en vigueur, le 1er mars 2022.

En l’espèce, le 28 mai 2021, une personne majeure protégée a été mise en accusation devant la cour d’assises pour avoir volontairement donné la mort à un de ses ascendants (son père). Le 4 avril 2022, ladite juridiction, après avoir retenu l’altération du discernement de l’accusé, l’a reconnu coupable et l’a condamné à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de quinze ans, qu’elle a complémenté d’une peine de suivi socio-judiciaire. L’intéressé et le ministère public ont formé appel de ce jugement. Par arrêt du 2 mars 2023, la cour d’assises d’appel a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance, répondant « oui » sur l’altération du discernement et « non » à l’exclusion du bénéfice de la diminution de peine. L’intéressé et le procureur général près la cour d’appel ont alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. En substance, ils se rejoignaient pour critiquer le quantum de peine prononcée : « du fait de l’altération du discernement de l’intéressé, la peine maximale encourue était de trente ans et à défaut d’avoir prononcé cette peine à la majorité qualifiée, il ne pouvait être prononcé une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle » (§ 12 de la présente décision). Pour le dire autrement, la question posée à la Cour de cassation était celle de l’application dans le temps des dispositions de l’article 362, alinéa 2, du code de procédure pénale, telles qu’elles résultent de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.

Le contexte

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 2021, soit le 1er mars 2022, l’article 362, alinéa 2, imposait au jury statuant en cours d’assises d’appel un vote à la majorité de huit voix au moins pour prononcer le maximum de la peine privative de liberté encourue. Si tel n’était pas le cas, il ne pouvait être prononcé « une peine supérieure à trente ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité et une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans de réclusion criminelle » (C. pr. pén., anc. art. 362, al. 2.). L’obligation est peut-être vaste, car elle s’applique aussi aux peines correctionnelles (Crim. 29 oct. 1997, n° 96-85.230 P, D. 1998. 172 , obs. J. Pradel ), mais elle n’en est pas moins précise (la feuille de questions doit indiquer le nombre de voix obtenues en faveur du prononcé du maximum de la peine, Crim. 6 déc. 1995, n° 95-81.949, RSC 1996. 397, obs. J.-O. Dintilhac ; 3 sept. 2003, n° 03-80.578, D. 2003. 2547, et les obs. ; AJ pénal 2003. 106, obs. A. P. ; JCP 2003. IV. 2796).

Toutefois, cette limite à la liberté du choix du quantum de la peine a été modifiée. Dorénavant, la règle ne s’applique qu’à la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Pour le dire autrement, lorsque le maximum de la peine encouru est égal à trente ans de réclusion criminelle, et que la majorité permettant de prononcer le maximum de la peine encouru n’a pas été obtenue, la cour d’assises peut prononcer une peine comprise entre vingt et trente ans de réclusion criminelle (v. à titre comparatif, Crim. 10 mai 2012, n° 11-81.437, Dalloz actualité, 12 juin 2012, obs. M. Bombled ; D. 2012. 1485 ).

L’applicabilité dans le temps des dispositions nouvelles de l’article 362, alinéa 2, du code de procédure pénale

Poursuivi pour meurtre aggravé, au sens de l’article 221-4 du code pénal, l’accusé du cas d’espèce encourait une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Néanmoins, puisqu’il avait été reconnu que son discernement était altéré au moment des faits, et que la juridiction s’était abstenue de l’exclure du bénéfice de la diminution de peine, il n’encourait qu’une peine de réclusion criminelle à hauteur de de trente ans. En l’absence de majorité obtenue pour prononcer le maximum de la peine encourue, deux hypothèses devaient alors être envisagées. Si les dispositions nouvelles de l’article 362, alinéa 2, trouvaient à s’appliquer immédiatement, l’accusé pourrait, sans aucune difficulté juridique valable, être condamné à une peine comprise entre vingt et trente ans de réclusion criminelle. À l’inverse, si tel n’était pas le cas, seule une peine inférieure ou égale à vingt ans de réclusion criminelle pourrait être ordonnée.

Il semble que la résolution de cette question soit évidente. Puisqu’elles lui font encourir une peine plus lourde que ce qu’il était possible auparavant, les dispositions nouvelles de l’article 362, alinéa 2, du code de procédure pénale sont plus sévères, de sorte qu’elles ne sauraient trouver à s’appliquer immédiatement aux faits commis avant leur entrée en vigueur. En l’espèce, donc, ce sont les règles antérieures qui trouvent à s’appliquer. La cour d’assises d’appel ne pouvait alors ordonner une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, ce qui justifie la cassation (§ 22).

Le contentieux, quoique peu prolifique, semble s’atténuer par l’introduction de ces nouvelles dispositions. Jusqu’alors, il arrivait quelques fois que la Cour de cassation ait à rappeler la règle de la majorité exigée, pour ordonner le maximum de la peine encourue (v. ainsi, Crim. 10 nov. 1998, n° 98-81.490 P, D. 1999. 367 , note J. Coulon ; RSC 1999. 575, obs. B. Bouloc ).

 

Crim. 26 juin 2024, F-B, n° 23-81.962

© Lefebvre Dalloz