Application ratione temporis de la directive Concessions
La directive 2014/23/UE du 26 février 2014 est applicable aux contrats de concession attribués avant son entrée en vigueur mais prorogés par des dispositions législatives après cette date, juge la Cour de justice de l’Union européenne, qui détaille également le régime de modification de ces contrats.
Saisie à titre préjudiciel par le Conseil d’État italien, la Cour de justice examine la compatibilité avec le droit de l’Union européenne du régime dit de « la prorogation technique » italien par lequel certaines concessions pour l’activité de gestion des jeux et de collecte de paris ont été prorogées, sans procéder à un nouvel appel d’offres.
Législation applicable
Elle commence par rappeler qu’en cas de modification d’un contrat de concession, la législation applicable est celle en vigueur au moment de cette modification, indépendamment de la date d’attribution initiale du contrat (CJUE 18 sept. 2019, aff. C-526/17, RTD eur. 2020. 362, obs. A. Lawrence Durviaux
).
L’article 43 de la directive 2014/23/UE a procédé à une harmonisation exhaustive des dispositions nationales relatives aux hypothèses dans lesquelles, d’une part, les contrats de concession peuvent être modifiés sans pour autant que l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme aux règles établies par cette directive soit nécessaire et, d’autre part, une telle procédure d’attribution est requise en cas de modification des conditions de la concession (CJUE 7 nov. 2024, aff. C‑683/22). Or, toute mesure nationale prise dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive à l’échelle de l’Union doit être appréciée au regard non pas des dispositions du droit primaire mais de celles de la mesure d’harmonisation concernée (CJUE 2 sept. 2021, Sisal e.a., aff. C‑721/19 et C‑722/19).
Ainsi, la directive 2014/23/UE s’applique ratione temporis à des contrats attribués avant son entrée en vigueur lorsqu’une prorogation législative de ceux-ci introduit de nouvelles obligations aux cocontractants après la date limite de transposition de cette directive. La directive est donc applicable à toute modification d’un contrat de concession opérée postérieurement à cette date.
Modification substantielle
La Cour de justice se prononce ensuite sur la possibilité pour le législateur national de proroger unilatéralement la durée d’une concession en contrepartie de différentes obligations. Elle rappelle que l’article 43 de la directive liste de manière exhaustive les cas où une nouvelle procédure d’attribution de concessions est nécessaire ou non lors de modifications des conditions de la concession. De plus, il ne vise pas uniquement les modifications négociées entre le concessionnaire et le pouvoir adjudicateur, mais inclut aussi celles imposées par la loi. La Cour précise qu’il faut évaluer l’ensemble des effets d’une modification pour déterminer si elle relève de l’un des cas prévus par cet article.
En l’occurrence, la Cour de justice constate qu’une modification prorogeant la durée d’une concession et introduisant une redevance mensuelle accrue, une interdiction de transfert des locaux et une obligation d’accepter les prorogations pour participer à de futures procédures rend les caractéristiques de la concession substantiellement différentes. Ainsi, cette modification ne relève pas d’un cas de modification possible sans nouvelle procédure d’attribution.
CJUE 20 mars 2025, Associazione Nazionale Italiana Bingo, aff. jtes C-728-22, C-729/22 et C-730/22
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