Arrêté de péril : en 2021, la suspension des loyers du local commercial n’allait pas de soi
Avant que la loi du 9 avril 2024 n’intervienne, le juge ne pouvait prononcer en référé la suspension du paiement des loyers du local commercial situé dans un immeuble frappé d’un arrêté de péril car celle-ci ne concernait que les logements.
 
                            Les loyers, ou toute autre somme versée en contrepartie de l’occupation, cessent d’être dus lorsque les locaux sont visés par une mesure de police (arrêté de péril, arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité), à compter du premier jour du mois suivant l’envoi de la notification de l’arrêté ou son affichage en mairie ou sur la façade du bâtiment, et jusqu’au premier jour du mois suivant l’envoi de la notification ou de l’affichage de l’arrêté de mainlevée (CCH, art. L. 521-2).
Deux réformes pour obtenir une solution explicite
Même après la réforme de la police des immeubles par l’ordonnance du 16 septembre 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, le texte de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation ne visait que les sommes payées pour l’occupation de logements. Pourtant, dès avant la réforme, la jurisprudence était partagée et certains magistrats estimaient qu’il était difficilement justifiable de maintenir une différence de traitement entre les occupants de l’immeuble selon la nature de l’occupation. Certains arrêts appliquaient la suspension du paiement des loyers à des locaux commerciaux (Paris, pôle 1 - ch. 8, 25 janv. 2019, n° 18/04120, AJDI 2019. 627  ) ou professionnels (Paris, pôle 4 - ch. 4, 20 nov. 2012, n° 11/08080), alors que d’autres décisions étaient défavorables à cette façon de voir (Civ. 3e, 11 févr. 2016, n° 14-28.152).
) ou professionnels (Paris, pôle 4 - ch. 4, 20 nov. 2012, n° 11/08080), alors que d’autres décisions étaient défavorables à cette façon de voir (Civ. 3e, 11 févr. 2016, n° 14-28.152).
C’est la loi n° 2024-322 pour la rénovation de l’habitat dégradé du 9 avril 2024, entrée en vigueur le 11 avril 2024, qui est venue indiquer expressément que la suspension s’appliquait aux locaux ou installations, qu’ils ou elles soient à usage d’habitation, professionnel ou commercial (CCH, art. L. 521-2, I, al. 2, mod. par loi n° 2024-322 du 9 avr. 2024, art. 48).
Une censure de la suspension des loyers commerciaux ordonnée en référé
Avant que cette modification ne vienne faire disparaître tout risque d’interprétation différente, le juge des référés, qui est le juge de l’évidence, et ne peut prononcer que les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend, ne pouvait ordonner la suspension des loyers d’un local objet d’un bail commercial sans constater que le bien loué comprenait un logement.
C’est ce qu’il ressort d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans une affaire où le premier jour du mois qui avait suivi l’envoi de l’arrêté de péril était le 1er mars 2021.
Reste que la censure concerne le référé. Le juge statuant sur le fond aurait-il pu appliquer la suspension aux loyers commerciaux sans encourir les foudres de la Haute juridiction ?
Civ. 3e, 3 juill. 2025, FS-B, n° 23-20.553
par Alexandra Fontin, Dictionnaire permanent Gestion immobilière
© Lefebvre Dalloz