Assurance automobile : suite de la transposition de la directive européenne (UE) 2021/2118 du 24 novembre 2021

Le décret a pour objet d’intégrer en droit français les nouvelles règles adoptées par l’Union européenne en matière de circulation de véhicules automoteurs et de l’assurance de responsabilité civile couvrant les dommages susceptibles d’être causés par leur utilisation.

Dans la continuité de l’ordonnance n° 2023-1138 du 6 décembre 2023, le décret n° 2023-1225 du 21 décembre 2023 vise à intégrer en droit interne les dispositions de la directive (UE) 2021/2118 du 24 novembre 2021 relative à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs. Il modifie, à cette fin, plusieurs articles du code des assurances.

Opposabilité des exceptions par l’assureur aux tiers victimes

« Le régime de responsabilité mis en place par la loi Badinter est étroitement lié à l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile, créée par la loi n° 58-208 du 27 février 1958 : le responsable désigné par application des règles de la première n’indemnisera pas, en pratique, la victime. Obligatoirement assuré pour les dommages causés aux tiers, sa dette doit, en principe, être réglée par son assureur automobile » (A. Cayol, Responsabilité du fait des accidents de la circulation, in R. Bigot et F. Gasnier [dir.], Encyclopédie Droit de la responsabilité civile, Lexbase, 9 mai 2022). Afin de garantir l’indemnisation des victimes, le code des assurances liste de nombreuses exceptions que l’assureur ne peut pas leur opposer : dans ces diverses hypothèses, l’assureur reste tenu de réparer les préjudices subis par les victimes (obligation à la dette), mais dispose ensuite d’un recours en remboursement contre son assuré responsable (contribution à la dette). Aux termes de l’article R. 211-13 du code des assurances, sont notamment inopposables par l’assureur à la victime ou à ses ayants droit les franchises (depuis le décr. n° 93-581 du 26 mars 1993), les déchéances, la réduction de l’indemnité applicable conformément à l’article L. 113-9, et les exclusions de garanties facultatives prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11 (depuis le décr. n° 86-21 du 7 janv. 1986). Jusqu’alors, concernant les déchéances, l’article R. 211-13 prévoyait cependant une exception : la suspension régulière de la garantie pour non-paiement de prime restait opposable aux victimes. Cette exception est supprimée par l’article 1er du décret du 21 décembre 2023, aucune déchéance de garantie ne pouvant désormais être opposée aux victimes.

Afin de garantir une indemnisation des victimes, même dans l’hypothèse où le responsable serait inconnu ou non assuré, un fonds de garantie a été créé dès 1952 (avant même que l’assurance automobile ne devienne obligatoire en 1958). Il arrive que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) indemnise les victimes d’un accident de la circulation en présence d’un contrat d’assurance automobile, lorsque l’assureur refuse sa garantie et que l’exception soulevée est opposable aux victimes. Une telle situation est prévue aux articles R. 421-4, R. 421-5 et R. 425-18 du code des assurances. Jusqu’alors ces articles envisageaient les hypothèses de nullité ou de suspension du contrat d’assurance, de non-assurance ou d’assurance partielle. L’article 3 du décret supprime toute référence à la nullité du contrat d’assurance.

Rappelons que, traditionnellement, la nullité du contrat d’assurance était considérée par la jurisprudence française comme opposable aux victimes (Civ. 1re, 23 juin 1971, n° 70-10.512, concernant la nullité résultant de l’art. L. 113-8 c. assur. en cas de fausse déclaration intentionnelle du risque), conformément au droit commun des contrats en vertu duquel une exception de nullité est en principe opposable erga omnes. En 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 20 juill. 2017, Fidelidade Companhia de Seguros, aff. C-287/16), se livrant à une « interprétation finaliste » des directives de 1972 et 1983, affirma cependant que le droit de l’Union doit « avoir pour finalité de protéger la catégorie particulièrement vulnérable des victimes en comblant les lacunes dans la couverture d’assurance » et que ces directives « s’opposent à une règlementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes (…) la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d’assurance en ce qui concerne l’identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d’assurance est conclu n’avait pas d’intérêt économique à la conclusion dudit contrat » (pt 37). La Cour de cassation s’est alignée sur cette position en 2019 (Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-14.768, Dalloz actualité, 20 sept. 2019, obs. R. Bigot ; D. 2019. 1652  ; ibid. 2020. 1205, obs. M. Bacache, D. Noguéro et P. Pierre  ; bjda.fr 2019, n° 65, obs. A. Cayol), réalisant un « déplacement de la ligne de démarcation entre la solidarité et la mutualité » (F. Leduc, L’exception de nullité inopposable : une étrangeté qui gagne du terrain dans le contrat d’assurance, RDC 2018/1. 73). Les assureurs sont désormais tenus d’indemniser les préjudices subis par la victime, avant de pouvoir exercer un recours récursoire contre l’assuré en cas de fausse déclaration intentionnelle. Le FGAO, qui indemnisait auparavant les victimes dans une telle situation, n’a plus vocation à intervenir (Civ. 2e, 16 janv. 2020, n° 18-23.381, Dalloz actualité, 29 janv. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 79  ; ibid. 1205, obs. M. Bacache, D. Noguéro et P. Pierre ). La loi Pacte du 22 mai 2019 a consacré une telle solution. Le nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances (ayant pris effet le 24 mai 2019) vise même, de manière générale, toutes les hypothèses de nullité du contrat d’assurance. La solution n’est donc pas limitée à la fausse déclaration intentionnelle.

L’article 3 du décret harmonise les textes réglementaires du code des assurances sur ce point. Il ajoute par ailleurs un alinéa à l’article R. 421-4 du code des assurances afin de préciser, qu’en revanche, « pour les dommages causés aux personnes à la suite d’un accident mentionné au II de l’article L. 421-1 [autrement dit les accidents causés par une personne circulant sur le sol ou par un animal], le fonds de garantie ne peut être appelé à payer l’indemnité allouée à la victime ou à ses ayants droit qu’en cas de nullité ou de suspension du contrat ou de la garantie de non-assurance ou d’assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit ». Une distinction claire est ainsi réalisée selon que le dommage résulte d’un accident de la circulation ou d’un autre type d’accident. C’est seulement dans le premier cas, en effet, que le FGAO n’intervient plus en cas de nullité du contrat d’assurance.

Modification des missions du FGAO

L’article 4 du décret change la formulation des articles R. 421-50 et R. 421-54 afin de faire référence au I de l’article L. 421-9, issu de l’ordonnance du 8 décembre 2023 relatif à l’intervention du FGAO à la suite du retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance.

Contrairement aux autres dispositions du décret, qui sont toutes entrées en vigueur le 23 décembre 2023, l’article 4 suppose, pour son application, que les accords mentionnés aux articles 10 bis et 25 bis de la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité telle que modifiée par la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 soient intervenus. À défaut, l’article 4 s’appliquera à compter de la date d’application des actes délégués de la Commission mentionnés aux articles 10 bis et 25 bis de cette directive.

Assurance des véhicules en circulation internationale

L’article R. 211-22 du code des assurances dispose que la carte internationale d’assurance (dite « carte verte ») permet de satisfaire à l’obligation d’assurance des véhicules qui ont leur lieu de stationnement habituel hors Union européenne et qui pénètrent sur le territoire français. L’article 2 du décret du 21 décembre 2023 précise que seuls sont concernés les véhicules « au sens du II de l’article L. 211-4 », tel que modifié par l’ordonnance n° 2023-1138 du 6 décembre 2023 (entrée en vigueur le 23 déc. 2023). Aux termes de ce dernier, « on entend par véhicule : 1° Tout véhicule terrestre automoteur actionné exclusivement par une force mécanique sur le sol, sans être lié à une voie ferrée, avec : a) Une vitesse maximale par construction supérieure à 25 km/h ; ou b) Un poids net maximal supérieur à 25 kg et une vitesse maximale par construction supérieure à 14 km/h ; 2° Toute remorque destinée à être utilisée avec un véhicule mentionné au 1°, qu’elle soit attelée ou non ». Autrement dit, sont exclus les engins de déplacement personnels motorisés (EDPM), tels que les trottinettes électriques, lesquelles ne remplissent pas les critères précédemment listés.

Commission de suivi du fichier des véhicules terrestres à moteur

Enfin, l’article 5 du décret modifie la gouvernance de la commission de suivi mentionnée à l’article L. 451-5 du code des assurances, laquelle est chargée de veiller au bon fonctionnement du fichier des véhicules terrestres à moteur assurés (FVA). Sa présidence et son secrétariat sont transférés du ministère chargé de la sécurité routière au ministère chargé de l’économie (C. assur., art. R. 451-6 mod.).
 

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