Assurance automobile : transposition de la directive européenne (UE) 2021/2118 du 24 novembre 2021
La transposition de la directive conduit à préciser le champ d’application de l’obligation d’assurance, à définir les modalités de contrôle du respect de cette obligation, à faciliter les conditions de la souscription de l’assurance automobile et à renforcer le régime d’indemnisation des victimes.
En application de l’article 5 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, l’ordonnance n° 2023-1138 du 6 décembre 2023 vise à transposer les dispositions de la directive (UE) 2021/2118 du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité. Les modifications apportées au code des assurances sont variées et ont essentiellement pour objectif de préciser le champ d’application de l’obligation d’assurance, de faciliter les conditions de la souscription de l’assurance automobile et de renforcer le régime d’indemnisation des victimes. Elles sont entrées en vigueur le 23 décembre 2023, à l’exception « des dispositions dont l’entrée en vigueur dépend de la date des accords entre les organismes d’indemnisation ou des actes délégués de la Commission européenne » (Ord., art. 15), conformément aux dispositions de la directive.
Préciser le champ d’application de l’obligation d’assurance
L’article 2 de l’ordonnance ajoute un alinéa à l’article L. 211-1 du code des assurances afin de préciser que « Le fauteuil roulant automoteur, dispositif médical exclusivement utilisé pour le déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas considéré comme un véhicule au sens du précédent alinéa ». Il n’est donc pas soumis à l’obligation d’assurance. Ceci ne bouleversera pas les règles applicables en la matière, la Cour de cassation s’étant prononcée en ce sens en 2021 (Civ. 2e, 6 mai 2021, n° 20-14.551, Dalloz actualité, 21 mai 2021, obs. A. Hacene-Kebir ; D. 2021. 1413
, note P. Oudot
; ibid. 1206, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre
; ibid. 1695, obs. H. Kenfack
; ibid. 1980, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon
; ibid. 2022. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz
; ibid. 1174, obs. J.-J. Lemouland et D. Noguéro
; RDSS 2021. 926, note B. de Bertier-Lestrade
; RTD civ. 2021. 660, obs. P. Jourdain
; bjda.fr 2021, n° 75, note A. Cayol).
L’absence de précision dans les textes avait cependant pu créer un doute, les critères traditionnellement posés par la jurisprudence pour qualifier un engin de « véhicule terrestre à moteur » (VTAM) étant a priori tous remplis : le fauteuil roulant semblait pouvoir être qualifié de véhicule – destiné au transport d’une personne –, circuler sur le sol et être motorisé, comme l’avait d’ailleurs relevé la cour d’appel dans l’affaire susvisée pour retenir la qualification de VTAM. C’est une interprétation téléologique de la loi Badinter qui avait conduit la deuxième chambre civile à casser sa décision pour violation de la loi, au visa des « articles 1er, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tels qu’interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 ». Elle avait alors affirmé que, « par l’instauration de ce dispositif d’indemnisation sans faute, le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap » et qu’« il en résulte qu’un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 ». Il importe donc peu que le fauteuil roulant soit ou non motorisé. Il ne s’agit, dans tous les cas, pas d’un moyen de transport au sens strict : « Plus qu’un véhicule, c’est un moyen de se mouvoir quand il n’est pas possible de le faire avec son corps » (A. Hacene-Kebir, Dalloz actualité, 21 mai 2021, préc.). La solution, désormais consacrée dans le code des assurances, ne peut qu’être pleinement approuvée.
En revanche, l’article 3 de l’ordonnance modifie le droit applicable. Rappelons que, aux termes de l’article L. 211-4 du code des assurances, l’assurance obligatoire doit comporter une garantie de la responsabilité civile s’étendant à l’ensemble des territoires des États membres de l’Union européenne. Autrement dit, les dommages occasionnés à l’étranger sont couverts. Jusqu’alors tous les dommages causés par des VTAM étaient concernés, y compris par des engins de déplacement personnels motorisés (EDPM), tels que les trottinettes électriques. Désormais, l’article L. 211-4 modifié précise que « II. Pour l’application du présent article, on entend par véhicule : « 1° Tout véhicule terrestre automoteur actionné exclusivement par une force mécanique sur le sol, sans être lié à une voie ferrée, avec : « a) Une vitesse maximale par construction supérieure à 25 km/h ; ou « b) Un poids net maximal supérieur à 25 kg et une vitesse maximale par construction supérieure à 14 km/h ; « 2° Toute remorque destinée à être utilisée avec un véhicule mentionné au 1° , qu’elle soit attelée ou non ». Il en résulte que les assureurs ne sont plus tenus de couvrir de manière obligatoire les dommages occasionnés par des EDPM à l’étranger (l’obligation d’assurance étant en revanche maintenue en France).
Faciliter les conditions de la souscription de l’assurance automobile
L’article 5 complète le chapitre Ier du titre Ier du livre II par une nouvelle section (VIII) intitulée « Transparence et comparaison des offres ». Les plateformes en ligne ou interfaces en ligne proposant gratuitement aux utilisateurs finaux un outil de comparaison des offres d’assurance pourront désormais obtenir la certification de « comparateur de prix indépendant » si plusieurs conditions sont respectées : l’indépendance à l’égard des prestataires d’assurance et la garantie d’une égalité de traitement de ces derniers dans les résultats de recherche ; l’identification des propriétaires et opérateurs ; la précision des critères clairs et objectifs de comparaison ; l’utilisation d’un langage clair et univoque ; la mise à jour régulière des résultats et la précision de la date de la dernière mise à jour ; donner une vue la plus complète possible du marché de l’assurance automobile ou, à défaut, prévenir clairement l’utilisateur sur ce point avant l’affichage des résultats ; prévoir une procédure efficace de signalement des informations correctes ; préciser que les prix mentionnés sont purement indicatifs et non contraignants pour les assureurs.
L’objectif est de permettre aux consommateurs de comparer efficacement les offres assurantielles automobiles afin que leur consentement à la souscription d’un contrat soit la plus éclairée possible.
Renforcer le régime d’indemnisation des victimes
L’article 8 de l’ordonnance remanie profondément l’article L. 421-9 du code des assurances en vue d’accroître sensiblement les missions du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Lorsqu’une entreprise d’assurance dont le siège social est situé en France perd son agrément, le FGAO sera désormais tenu d’indemniser les victimes résidant en France, et ce sans distinguer selon le fait que l’accident a eu lieu en France ou sur le territoire d’un autre État de l’Union européenne, ou selon le fait que le véhicule était habituellement stationné en France ou sur le territoire d’un autre État de l’Union européenne. Par exception, « Lorsque le dommage survient à l’occasion de la circulation d’un véhicule dans le cadre de manifestations sportives, formations ou essais, le fonds de garantie n’intervient que si le sinistre est survenu en France et est garanti par une entreprise d’assurance couvrant sur le territoire de la République française les risques de responsabilité civile de ce véhicule ». Concernant les victimes résidant dans un État membre autre que la France, le FGAO sera tenu de rembourser le fonds d’indemnisation dudit État qui aura réparé leurs préjudices à la suite de la procédure de retrait d’agrément d’un assureur français.
Tirant les conséquences de ces nouvelles missions, l’article 11 de l’ordonnance modifie l’article L. 421-10 du code des assurances relatif aux modalités de calcul de la contribution des entreprises d’assurance au financement du FGAO.
L’article 13 concerne, quant à lui, l’hypothèse de l’insolvabilité d’une entreprise d’assurance dont le siège social est situé dans un autre État membre que la France. Il est prévu (C. assur., art. L. 424-8 mod.) qu’un organisme d’indemnisation (en pratique le FGAO) répare les préjudices des victimes résidant en France (que le lieu de l’accident et celui du stationnement habituel du véhicule soient situés en France ou dans un autre État membre de l’UE). « Sans préjudice de la législation des pays tiers en matière de responsabilité civile et du droit international privé, les dispositions du présent article s’appliquent également aux personnes lésées résidant en France et ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d’accidents survenus dans un pays tiers dont le bureau national d’assurance a adhéré au régime de la carte internationale d’assurance, lorsque les accidents en question sont causés par la circulation de véhicules assurés et stationnés de façon habituelle dans un État partie à l’Espace économique européen ». Là encore une exception est prévue pour les accidents survenus lors de manifestations sportives, formations ou essais. Il est précisé que l’intervention du Fonds n’est pas subsidiaire : « L’organisme ne peut pas subordonner le paiement de l’indemnisation à la production par la personne lésée d’éléments établissant que la personne morale ou physique responsable n’est pas en mesure ou refuse de payer » (C. assur., art. L. 424-9 mod.). Une procédure impérative vise à permettre une indemnisation rapide de la victime : dans les trois mois de la demande, une offre d’indemnisation doit être adressée à la victime ou, à défaut, une réponse motivée de refus ; et en cas d’acceptation de l’offre, le versement de l’indemnisation doit avoir lieu dans un délai de trois mois (C. assur., art. L. 424-10 mod.). Il est précisé que « Lorsque le préjudice n’a été que partiellement quantifié, les exigences relatives au paiement de l’indemnisation s’appliquent à ce préjudice partiellement quantifié et à partir de l’acceptation de l’offre motivée d’indemnisation correspondante » (ibid.). Le FGAO dispose ensuite d’un recours intégral contre l’organisme d’indemnisation de l’État où est situé le siège de l’entreprise d’assurance (C. assur., art. L. 424-11 mod.).
Définir les modalités de contrôle du respect de l’obligation d’assurance
L’article L. 451-2 du code des assurances, relatif aux obligations déclaratives des assureurs au fichier des véhicules assurés, a été complété par un nouvel alinéa précisant que « Tout manquement aux obligations définies au présent article est susceptible d’entraîner l’application des sanctions mentionnées à L. 363-4 » (Ord., art. 14).
© Lefebvre Dalloz