AT/MP : les entreprises à la traîne sur les plans de prévention

Selon la huitième édition du baromètre de la gestion des accidents du travail/maladies professionnelles, dévoilée hier par le cabinet BDO, le taux d’accidents du travail et de maladie professionnelle ne faiblit pas. En cause : l’absence d’accords de prévention en dépit de l’obligation légale qui pèse sur les entreprises de plus de 50 salariés depuis le 1er janvier 2019.

Pas d’embellie sur le front de la sinistralité : huit entreprises sur 10 ont déclaré au moins un accident de travail, accident de trajet ou maladie professionnelle, en 2022. Un chiffre stable par rapport à 2020. C’est ce que révèle la huitième édition du baromètre de la gestion des accidents du travail/ maladies professionnelles dévoilée, hier, par le cabinet BDO, en partenariat avec Opinion Way auprès de quelque 300 entreprises du privé.

Six entreprises sur 10 n’ont pas d’accord de prévention

Comment inverser la tendance ? D’abord, en mettant en place un accord de prévention. Il s’agit d’ailleurs d’une obligation légale, depuis le 1er janvier 2019, pour les entreprises de plus de 50 salariés qui dépasse un taux de sinistralité de 0,25. Une disposition définie par le décret du 27 décembre 2017 pris en application de l'ordonnance du 22 septembre 2017 dédiée à la prévention des risques professionnels. Il n’empêche. Toutes les entreprises ne sont pas dans les clous : seules quatre entreprises sur 10 ont signé un tel accord permettant de réduire ou d’éliminer l’exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels.

Or, l’absence de tel accord a un coût financier. L’employeur s’expose à une pénalité de 1 % de sa masse salariale. De plus, le taux de cotisations AT/MP est calculé, chaque année, en fonction des sinistres constatés. "Autrement dit, plus il y a d’accidents, plus l’employeur cotise dans des proportions élevées", souligne Xavier Bontoux, avocat associé BDO, spécialiste en droit du travail et de la sécurité sociale.

Le risque de la faute inexcusable

Le coût est aussi juridique : car les entreprises peuvent se voir reprocher une faute inexcusable. De fait, tout manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers son salarié est sanctionné. Un contentieux qui explose, selon l’avocat. "S’il y a 20 ans, je traitais un dossier par an, aujourd’hui, c’est de l’ordre d’un par mois".

Or, la moitié des entreprises ne dispose pas d’une assurance couvrant les conséquences d’une faute inexcusable de l’employeur. Avec à la clef, le risque d’une une facture salée pour l’employeur, en compensation du préjudice subi.

"Il y a une méconnaissance évidente des employeurs là-dessus, alors qu’il s’agit du risque le plus important car la condamnation emporte le versement d’un capital qui peut être très élevé par l’entreprise, de plusieurs centaines de milliers d’euros voire de millions d’euros", regrette l’avocat.

Les entreprises à la peine sur la procédure AT/MP

Les employeurs sont aussi à la peine sur la procédure de la gestion administrative et financière des AT/MP. Certes, la plupart n’hésitent pas à déclarer l’accident du travail dans les temps impartis (48 heures). Mais huit entreprises sur 10 n’émettent pas de réserves motivées lorsqu’elles estiment que l’AT/MP n’est pas lié au travail. Autrement dit, elles ne demandent pas aux caisses d’assurance maladie d’engager une instruction contradictoire, avec envoi de questionnaires à la victime et à l’employeur, recherche de témoignages… Seules 17 % l’ont fait en 2022.

De plus, les deux tiers n’ont pas engagé de recours pour contester la prise en charge et le taux d’incapacité partielle ou permanente (IPP) ou encore la longueur des arrêts maladie. A tort, selon le cabinet BDO : 39 % des recours ont abouti de façon favorable pour l’employeur.

"Le système répressif est extrêmement fort en France mais il n’a pas d’efficience sur le terrain. Notre pays se place en fin de peloton dans le taux d’accidents du travail", conclut Xavier Bontoux.

 

Les RPS de plus en plus reconnus comme maladie professionnelle

Selon le cabinet DBO, les arrêts maladie liés aux risques psychosociaux sont en baisse : une entreprise sur 10 est confrontée à des arrêts maladie pour stress, dépression ou burn out. Elles étaient une sur deux dans ce cas en 2020. "Nous revenons aujourd’hui à une situation d’avant Covid", constate Xavier Bontoux.

Des disparités existent toutefois : le phénomène est encore plus criant dans les grandes structures. Les arrêts maladie liés aux RPS sont plus fréquents dans les structures de 200 salariés et plus (24 %) que dans celles de moins de 100 salariés (5%).

Autre tendance : 39 % de cas arrêts de travail liés à un risque psychosocial ont été qualifiés de maladie professionnelle. "Il y a désormais une reconnaissance plus importante du lien de cause à effet entre RPS et activité professionnelle", commente avocat associé BDO, spécialiste en droit du travail et de la sécurité sociale. C’est-à-dire entre maladie et/ou ses symptômes et le travail habituellement exercé. La fin d’un tabou ?

 

© Lefebvre Dalloz