Avis du Conseil d’État : l’épuisement du droit de distribution s’oppose à une rémunération sur le livre d’occasion
La règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession, telle qu’elle résulte de la directive 2001/29/CE, lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, fait obstacle à la création d’un dispositif de droit national qui prolongerait l’exploitation commerciale du droit de distribution de l’auteur en imposant la perception d’une rémunération lors du commerce ultérieur de livres imprimés d’occasion.
À la demande du Syndicat national de l’édition (SNE), le gouvernement a saisi, le 2 mai dernier, le Conseil d’État afin d’obtenir un avis sur la rémunération en droit d’auteur applicable à la vente de livres d’occasion ; l’exécutif s’interrogeant : « Le développement du marché, notamment en ligne, du livre d’occasion dans un contexte de relative stagnation du marché du livre pose la question de sa coexistence harmonieuse avec un marché du livre neuf qui est le seul à assurer la rémunération de la création ».
Quelques chiffres sur le livre neuf et le livre d’occasion
Concernant le livre neuf, si l’activité éditoriale a ralenti en 2024, le chiffre d’affaires des éditeurs (2,9 milliards d’euros) demeure légèrement supérieur à son niveau de 2019. Selon les Chiffres de l’édition 2024/2025 publiés par le SNE, le secteur enregistre toutefois un recul de 1,5 % en valeur et de 3,1 % en volume.
Concernant le livre d’occasion, les résultats d’une étude inédite sur le marché du livre d’occasion en France ont été publiés le 10 avril 2024 par le ministère de la Culture et la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA). L’étude indique que si la part de marché des livres d’occasion progresse peu à peu chaque année, elle atteint près de 20 % des livres achetés en volume (soit 80 millions), mais moins de 10 % de la valeur du marché (soit 350 millions d’euros). Le profil des acheteurs d’occasion est sensiblement le même que celui des acheteurs de livres neufs. La littérature générale est particulièrement concernée (not., le roman policier) et c’est surtout pour payer moins cher que les Français achètent d’occasion ; les considérations écologiques ne pesant pratiquement pas dans leurs motivations.
Enfin, élément important, le marché de l’occasion est massivement opéré en ligne (60 % des opérations), par des acteurs de tailles et de natures hétérogènes : plateformes de mise en relation entre particuliers, places de marché, détaillants tout en ligne, etc. Peu de librairies ont développé la vente d’occasion à côté de la vente de livres neufs.
Le gouvernement envisageait donc de mettre en place, par la loi, un mécanisme qui permettrait d’associer les auteurs et les éditeurs au développement du marché de l’occasion.
Vers un droit à rémunération sur les livres d’occasion ?
Le mécanisme envisagé posait dont la question de savoir si une telle proposition législative serait en accord avec le droit de l’Union européenne. Elle était alors ainsi formulée : « l’institution d’un principe de rémunération sur les livres d’occasion au bénéfice des auteurs, telle qu’elle est envisagée, serait-elle contraire au droit de l’Union européenne, notamment la directive 2001/29/CE, ou à une règle ou un principe de valeur constitutionnelle ? ».
Il était prévu que le mécanisme ne concerne que les titulaires de droit sur des œuvres ayant fait l’objet d’un contrat d’édition. En auraient donc été exclus les auteurs auto-édités ainsi que les auteurs signataires de contrats à compte d’auteur ou de contrat de compte à demi.
Le mécanisme impliquait de faire peser sur certains vendeurs de livres d’occasion une obligation de « déclaration de la liste des ouvrages d’occasion vendus assortie du paiement d’une contribution relevant du droit d’auteur et assise sur le chiffre d’affaires correspondant à la vente de livres d’occasion auprès des consommateurs ».
Certains vendeurs en effet, puisque le projet envisageait d’exclure de son champ d’application « les acteurs relevant de l’économie sociale et solidaire dont le commerce de livres d’occasion ne représente qu’une part minoritaire de l’activité », d’une part, et « les opérateurs économiques dont le chiffre d’affaires n’excède pas un seuil annuel fixé par décret », d’autre part.
Les montants collectés par un organisme de gestion collective seraient alors partagés à parts égales entre auteurs et éditeurs, tandis qu’une portion serait consacrée à des actions d’intérêt général au profit de l’ensemble de la filière du livre. Par ailleurs, le non-versement des sommes dues à l’organisme de gestion collective aurait été susceptible d’entraîner une sanction pénale, selon un mécanisme calqué sur ceux qui existent déjà au sein du code de la propriété intellectuelle.
D’emblée, le gouvernement pointait un risque juridique : l’atteinte portée au principe d’épuisement du droit de distribution ; le considérant 28 de la directive 2001/29/CE précisant en effet que la première vente de l’original d’une œuvre épuise le droit de contrôler la revente de cet objet dans l’Union européenne. Le Conseil d’État devait donc se prononcer sur la question de la conformité d’un tel dispositif, à la fois au regard de la Constitution et du droit de l’Union européenne.
Sans surprise, et comme le gouvernement l’avait probablement anticipé, le Conseil d’État estime que, si le mécanisme n’entraîne pas d’atteinte majeure aux principes constitutionnels, le droit de l’Union européenne, en l’état, ne permet pas sa mise en œuvre.
Pas d’atteinte à la Constitution
Le Conseil d’État estime que le dispositif n’est pas contraire à la Constitution, dès lors que ses modalités sont proportionnées et qu’elles ne créent aucune discrimination.
Premièrement, la mise en place d’un tel mécanisme ne porte pas atteinte au droit de propriété des acquéreurs successifs. Le législateur peut apporter à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi (Cons. const. 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC, D. 2006. 2157, chron. C. Castets-Renard
; ibid. 2878, chron. X. Magnon
; ibid. 2007. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino
; RTD civ. 2006. 791, obs. T. Revet
; ibid. 2007. 80, obs. R. Encinas de Munagorri
; 21 nov. 2014, n° 2014‑430 QPC, D. 2015. 306
, note F. Laffaille
; Légipresse 2015. 8 et les obs.
; JAC 2015, n° 20, p. 12, obs. P. Noual
; RTD com. 2015. 276, obs. F. Pollaud-Dulian
). Or, en renforçant la protection apportée aux titulaires de droits d’auteur (dont les droits sont aussi consacrés par les art. 2 et 17 de la Déclaration de 1789), l’atteinte qui serait ainsi portée au droit de propriété des acquéreurs successifs de l’ouvrage serait justifiée par un motif d’intérêt général tenant à la promotion de la création artistique et à la sauvegarde de la propriété intellectuelle, reconnue comme objectif de valeur constitutionnelle (Cons. const. 20 mai 2020, n° 2020-841 QPC, Dalloz actualité, 29 mai 2020, obs. N. Maximin ; Légipresse 2021. 240, étude N. Mallet-Poujol
). En résumé, la création d’un tel droit « au profit des auteurs » (pt 3) n’apparaîtrait pas, dans son principe, disproportionnée à l’objectif poursuivi.
Secondement, le fait que le mécanisme ne s’applique qu’à un type d’opérateurs économiques ne méconnaît pas le principe d’égalité, dès lors que les éventuelles différences de traitement sont objectivement justifiées. Les modalités de mise en œuvre pourraient être différenciées, par exemple en fonction des catégories d’opérateurs économiques, si des différences de situation en lien avec les buts poursuivis le justifieraient.
Il en résulte donc que le mécanisme ne contrevient pas aux dispositions de valeurs constitutionnelles. Toutefois, il ne passe pas l’étape suivante puisqu’il ne respecte pas le droit de l’Union européenne.
Obstacle du droit de l’Union européenne : l’épuisement du droit de distribution
Là en revanche, l’avis du Conseil d’État est catégorique : « la règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession, telle qu’elle résulte de la directive 2001/29/CE, lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, fait obstacle à la création d’un dispositif de droit national qui prolongerait l’exploitation commerciale du droit de distribution de l’auteur en imposant la perception d’une rémunération lors du commerce ultérieur de livres imprimés d’occasion ».
Pour fonder son avis, le Conseil rappelle qu’« aux termes de l’article 4 de la directive 2001/29/CE (…) : "1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci. / 2. Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement". Il résulte de ces dispositions, dont l’objectif est de concilier, d’une part, le droit de propriété de l’acquéreur de l’ouvrage et la libre circulation des marchandises et, d’autre, part, le droit de propriété intellectuelle de l’auteur, que le titulaire d’un droit d’auteur ne peut invoquer le droit exclusif de distribution conféré par ce droit postérieurement à l’autorisation, sur sa décision ou avec son consentement, de la première mise sur le marché légale d’un support tangible de son œuvre sur le territoire de l’Union européenne ».
Cette règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession, a pour conséquence que le titulaire ne perçoive, en principe, de rémunération au titre du droit d’auteur qu’à l’occasion de la première cession de son œuvre. Il en résulte une règle simple : si la première commercialisation relève du droit exclusif, les reventes successives échappent aux titulaires des droits ; l’objectif étant de parvenir au compromis entre le principe de liberté de circulation des marchandises et les législations nationales relatives aux propriétés intellectuelles (S. Carre, L’intérêt du public en droit d’auteur, thèse Montpellier, 2004, p. 583, nos 742 s.).
Le Conseil d’État observe que la directive ne vise que l’épuisement du droit de contrôle de l’auteur sur la commercialisation ultérieure de son œuvre et non nécessairement celui de la possibilité de percevoir une rémunération à cette occasion. Autrement dit, il s’agirait de comprendre que la directive admettrait une dissociation : le droit de contrôle serait épuisé, tandis qu’en l’absence de mention expresse, un droit à rémunération ne le serait peut-être pas de manière certaine.
Une telle dissociation est difficile à soutenir en pratique, puisque le fait de percevoir une rémunération sur chaque revente supposerait finalement d’instaurer un mécanisme obligatoire qui revient à exercer un contrôle indirect sur la circulation de l’œuvre…. Voilà pourquoi le Conseil d’État écarte l’hypothèse d’un démembrement et vise aussitôt la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’exploitation commerciale du droit d’auteur constitue à la fois une source de rémunération pour son titulaire et une forme de contrôle de la commercialisation par ce dernier (CJCE 20 janv. 1981, Musik-Vertrieb membran GmbH et K-tel International contre GEMA - Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte, aff. jtes nos 55/80 et 57/80). La règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession emporte donc à la fois épuisement du droit de contrôle sur la commercialisation et du droit de percevoir une rémunération sur les cessions ultérieures du support sur lequel l’œuvre est matérialisée.
Le Conseil d’État développe alors : « la divergence des législations nationales en matière d’épuisement du droit de distribution est susceptible d’affecter directement le bon fonctionnement du marché intérieur », c’est la raison pour laquelle les États membres n’ont pas la possibilité d’aménager une règle d’épuisement différente (v. en ce sens, CJCE, gr. ch., 12 sept. 2006, Laserdisken ApS, aff. C-479/04, D. 2006. 2398, obs. J. Daleau
; RTD com. 2007. 80, obs. F. Pollaud-Dulian
; CJUE 22 janv. 2015, Art & Allposters International BV, aff. C-419/13, D. 2015. 776
, note C. Maréchal
; Légipresse 2015. 76 et les obs.
; RTD com. 2015. 283, obs. F. Pollaud-Dulian
).
En résumé, l’auteur ne peut plus s’opposer à la revente ni percevoir une rémunération sur celle-ci.
Obstacle du droit de l’Union européenne : impacts sur les services numériques
Les obligations imposées aux plateformes se heurteraient également à la directive e-commerce n° 2000/31/CE du 8 juin 2000, ainsi qu’au régime de responsabilité atténuée des hébergeurs, renforcé par le règlement sur les services numériques (DSA).
En ce sens, le Conseil d’État relève que le dispositif envisagé impliquerait des obligations nouvelles, notamment de déclaration, de collecte et de reversement des rémunérations assises sur les transactions de livres d’occasion réalisées par leur intermédiaire. Or, la règle dite « du pays d’origine » imposée par l’article 3 la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique fait en principe obstacle à ce que des mesures de droit national restreignent la libre circulation des services de la société de l’information, dont relèvent les services de « place de marché » en ligne, en provenance d’un autre État membre.
En outre, les dispositions de l’article 14 de cette même directive, combinées à celles du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 sur les services numériques, ne permettent aux États membres, par des mesures de droit national, de restreindre le principe dit « de responsabilité atténuée des hébergeurs » que dans les conditions et limites qu’elles prévoient.
En somme, si le dispositif proposé et porté pour avis par le gouvernement devant le Conseil d’État n’est pas irrespectueux de la Constitution, il n’est pas en phase avec le droit de l’Union européenne. À ce titre, on rappellera tout de même que la France est engagée dans l’ordre juridique de l’Union européenne, donc le respect de ce droit s’impose à elle. Peu importe qu’aucune contrariété directe à la Constitution ne soit constatée. La hiérarchie des normes et la question de la souveraineté trouvent ici leur limite : il n’est pas envisageable de contourner le droit de l’Union au prétexte que la Constitution ne s’y oppose pas.
Cette décision peut être difficile à accepter pour les auteurs et les éditeurs (v. en ce sens, Communiqué commun du Conseil permanent des écrivains et du SNE, 29 juill. 2025 qui explique qu’aucune contradiction n’existe avec la directive de 2001), car elle écarte la possibilité d’une rémunération complémentaire sur le marché de l’occasion. Si le Conseil permanent des écrivains et le SNE attendent maintenant du gouvernement et du Parlement une intervention réglementaire ou législative à la hauteur des enjeux pour la création littéraire et la filière du livre, il semble que l’expression d’une volonté politique, même forte, ne saurait effacer les contraintes juridiques qui s’imposent au secteur. Du reste, il resterait à questionner l’opportunité économique de ce dispositif.
Une opportunité économique mise en doute
Au-delà de l’obstacle juridique, à supposer même qu’il puisse être levé, il reste encore à apprécier l’opportunité économique d’un tel mécanisme. Imaginons d’abord qu’il repose (comme cela était prévu dans le texte) sur un prélèvement assis sur le chiffre d’affaires du livre d’occasion : un taux de 3 % appliqué à un marché évalué à 350 millions d’euros dégagerait environ 10,5 millions (v. N. Gary, Actualitté, 12 avr. 2025). Imaginons ensuite qu’il repose sur une contribution forfaitaire de trente centimes par exemplaire, cela représenterait près de 24 millions d’euros, si l’on calcule la contribution sur les 80 millions de livres vendus chaque année. En ne comptant pas la part reversée pour le financement des actions culturelles et en décidant d’un partage égal entre auteurs et éditeurs (alors que 65 % des ouvrages concernés ont plus de 20 ans et sont peu ou plus exploités commercialement…), la masse redistribuable aux quelque 102 000 auteurs du livre (à supposer encore qu’on redistribue équitablement entre eux) se traduirait par un reversement moyen compris entre 51 € (dans la 1re hypothèse) et 117 € (dans la 2e hypothèse) par auteur et par an. Autrement dit, les retombées financières pour les auteurs demeureront très limitées, pour ne pas dire dérisoires, en regard des moyens qu’il faudra encore mobilisés pour rendre le dispositif efficace (gérer l’information et la sensibilisation, assurer le suivi et le contrôle, rendre effective la sanction…).
La situation n’est pas sans rappeler le dispositif ReLIRE, qui avait donné lieu à de vifs débats juridiques et nécessité des investissements importants, pour un retour financier discutable (CE 6 mai 2015, n° 368208, à propos du décret n° 2013-182 du 27 févr. 2013, JO 1er mars, D. 2015. 1427
, note S. Nérisson
; Légipresse 2015. 390 et les obs.
; CJUE 16 nov. 2016, aff. C-301/15, Dalloz actualité, 2 déc. 2016, obs. J. Daleau ; D. 2017. 84
, note F. Macrez
; Dalloz IP/IT 2017. 108, obs. V.-L. Benabou
; JAC 2017, n° 42, p. 6, obs. E. Scaramozzino
; Rev. UE 2017. 78, étude Lamia El Badawi
; Propr. intell. 2017, n° 62, p. 30, note J.-M. Bruguière ; CCE 2015. Repère 6, obs. C. Caron). Le montant des perceptions annuelles est en augmentation depuis 2015, mais à ce jour, 2 180 auteurs ont été identifiés, pour un montant de droits distribués de 47 000 €. C’est très peu, si on les rapporte aux coûts engendrés par la numérisation massive des livres qui dépasseraient 10 millions d’euros (N. Gary, Numérisation des livres indisponibles : après 4 ans, le véritable coût de ReLIRE, Actualitté, 28 juin 2017).
Et puis il y a aussi un autre point qu’on oublie souvent dans ce débat : c’est l’état du lectorat lui-même. Une étude récente du CNL montre une chute du nombre de lecteurs, en particulier chez les jeunes, et une baisse continue du temps de lecture. Dans ce contexte, est-ce vraiment le moment de faire peser une charge supplémentaire sur ceux qui lisent encore ? (CNL, E. Mercier, A. Tétaz et A. Leray, Baromètre. Les Français et la lecture. Résultats 2025).
Autres solutions ?
La logique serait de défendre un modèle contributif indirect, qui ne porte pas atteinte au principe de l’épuisement du droit d’auteur, mais qui reconnaît que certains opérateurs (not., les plus grosses plateformes en ligne) participent à une forme de « monétisation secondaire » du travail des auteurs sans contribuer à son renouvellement. La directive européenne, dite « SMA », a introduit des obligations nouvelles pour les services de médias audiovisuels à la demande. La directive impose aux plateformes comme Netflix ou Prime Video de contribuer financièrement à la création européenne. En pratique, l’application de cette règle n’est pas une mince affaire, mais pourrions-nous imaginer un mécanisme similaire, adapté cette fois aux plus grosses plateformes de revente de livres d’occasion qui bénéficient de la valeur culturelle des œuvres, sans y contribuer en retour ?
Au fond, plutôt que de bricoler des dispositifs à la marge, comme celui qu’on vient d’évoquer sur le livre d’occasion, il est peut-être temps de répondre à un appel plus large, plus structurant : celui d’états généraux du livre et de la lecture. Plusieurs acteurs, y compris des revendeurs de livres d’occasion, l’ont récemment proposé. Il faut les entendre. Le problème, ce n’est pas que le livre circule trop, c’est qu’il circule mal. Aujourd’hui, des ouvrages finissent au pilon à peine l’encre sèche, sans jamais rencontrer leur public. Le livre neuf est sous-exploité, et cela a des conséquences pour toute la chaîne du livre, y compris pour les petits éditeurs.
Une réflexion interprofessionnelle doit être lancée sous l’égide du ministère de la Culture. Les sujets sont nombreux : l’écologie du livre, la question du pilon, la précarité des acteurs de la chaîne du livre, mais aussi la montée de l’intelligence artificielle qui inonde de livres synthétiques les plateformes en ligne, sans contrôle ni débat, et bien sur le livre d’occasion, mais il ne doit pas être le seul sujet.
CE, avis, 17 juin 2025, n° 409596
par Stéphanie Le Cam, Maître de conférences de droit privé, Université Rennes 2
© Lefebvre Dalloz