Bail rural nul : pas d’indemnités au titre des améliorations
Le preneur dont le bail a été annulé et est censé n’avoir jamais existé ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds.
Cette affaire arrive pour la seconde fois devant la Cour de cassation. Dans un premier arrêt, elle s’était prononcée sur la sanction frappant un bail rural conclu par l’usufruitier sans le consentement du nu-propriétaire. Cette fois, elle est saisie des effets de la nullité du bail, le preneur sollicitant les indemnités en raison des améliorations apportées aux fonds sur le fondement de l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime.
Au cas particulier, un couple donne la nue-propriété de différents biens agricoles à leur fils. Après le décès de son épouse, le conjoint survivant les donne à bail sans le consentement du nu-propriétaire. Ce dernier saisit le tribunal aux fins d’annulation de ces actes. Pour écarter cette demande, une cour d’appel retient que l’usufruitier s’était comporté en propriétaire apparent des biens, le preneur a pu en toute bonne foi croire en cette qualité de son cocontractant. L’arrêt est censuré, la Cour de cassation reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé les circonstances autorisant le preneur à croire en cette qualité de son cocontractant (Civ. 3e, 6 févr. 2020, n° 18-23.457, AJDI 2020. 628
).
Après avoir prononcé la nullité du bail, et faisant suite à une demande subsidiaire du preneur, la cour d’appel de renvoi ordonne avant dire droit une expertise judiciaire afin d’évaluer l’éventuelle indemnité due aux preneurs sortants visée à l’article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime. Elle estime que même en cas d’annulation d’un bail rural signé par l’usufruitier sans le consentement du nu-propriétaire, le preneur est recevable à solliciter le bénéfice cet article.
L’arrêt est censuré au visa des articles 1304 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et L. 411-69, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime. La Cour de cassation rappelle, d’une part, que la nullité emporte l’effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale et, d’autre part que, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Elle en déduit que le preneur, dont le bail a été annulé et est donc censé n’avoir jamais existé, ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds prévue à l’article L. 411-69, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime.
La solution est logique. Le contrat n’ayant jamais existé, il ne peut pas produire d’effets, y compris légaux. C’est le régime des restitutions qui trouve à s’appliquer. Depuis la réforme du droit des obligations, il est précisé par les articles 1352 à 1352-9 du code civil. Le preneur peut également demander réparation du préjudice subi du fait de l’annulation du contrat sur le fondement délictuel (Civ. 3e, 18 mai 2011, n° 10-11.721, Dalloz actualité, 1er juin 2011, obs. D. Chenu).
Civ. 3e, 11 juill. 2024, FS-B, n° 23-11.688
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