Calcul de l’indemnité conventionnelle de treizième mois : précisions sur les éléments de rémunération à prendre en compte

L’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de treizième mois, telle que prévue par la convention collective de Pôle emploi, doit-elle prendre en compte les sommes issues du compte épargne-temps (CET) et celles versées au titre de la médaille du travail ?

C’est la question posée à la Cour de cassation ayant mené à l’arrêt du 6 novembre 2024. Cet arrêt au-delà d’interroger les méthodes d’interprétation des conventions collectives, revient sur la spécificité des deux dispositifs de rémunération suivants : le compte épargne-temps et la prime médaille du travail.

Contexte. Un litige est né entre Pôle emploi, aux droits duquel venait France Travail, et un syndicat concernant l’assiette de calcul de l’indemnité conventionnelle de treizième mois telle que prévue par la convention collective Pôle emploi, et plus précisément son article 13 aux termes duquel : « une indemnité dite de 13e mois, égale à 1/12e de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l’année précédente et le 30 novembre de l’année en cours, est attribuée en fin d’année. Elle ne peut être inférieure au montant du salaire normal du dernier mois de l’année ». La question se posant, en l’espèce, était de savoir si le terme de « rémunération » utilisé à l’article 13 de la convention collective incluait la monétisation des droits affectés au CET et la prime médaille du travail intervenue ou versée pendant la période dite de « référence ».

Le syndicat soutenait que l’ensemble des éléments de rémunération versé au salarié durant la période de référence doit constituer l’assiette de l’indemnité de treizième mois, ce qui inclut les sommes perçues au titre des droits issus du CET, et la prime médaille du travail versée pendant la période concernée. La cour d’appel n’avait pas suivi les arguments du syndicat jugeant (i) que les sommes correspondant aux droits épargnés au sein du CET n’étaient pas relatives à la période de référence de calcul de la prime de treizième mois et (ii) que la prime médaille du travail est une gratification qui ne constitue pas un salaire et est donc exclue de l’assiette précitée.

La Cour de cassation tout en validant la position retenue par la cour d’appel concernant les sommes perçues au titre des droits issus du CET, infirme l’arrêt concernant la prime médaille du travail.

Avant de revenir sur le raisonnement de la Haute juridiction, il faut relever que cette dernière applique au cas d’espèce sa jurisprudence constante concernant les méthodes d’interprétation des conventions collectives, aux termes de laquelle elle invite les juges du fond a d’abord privilégier la lettre du texte, puis à tenir compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et en dernier recours, à utiliser la méthode téléologique qui consiste à rechercher l’objet social du texte (Soc. 14 déc. 2022, n° 21-15.805 P, D. 2023. 12 ).

La solution concernant les sommes issues du CET. Dans son arrêt du 6 novembre 2024, la Haute juridiction juge que la cour d’appel a justifié sa décision en considérant que la monétisation des droits issus du CET, non rattachable à la rémunération d’un travail accompli pendant la période de référence, n’entre pas dans l’assiette de la prime conventionnelle de treizième mois. Une telle position s’explique par l’objet du CET et son régime.

Pour mémoire, le CET créé par la loi du 25 août 1994, et remanié par celle du 20 août 2008, était initialement conçu comme une « épargne-temps » permettant au salarié de rémunérer un congé lié à ses besoins personnels. Mais le dispositif est progressivement devenu un outil d’épargne permettant au salarié de bénéficier d’une rémunération immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris, comme en dispose l’article L. 3151-2 du code du travail aux termes duquel le CET « permet au salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu’il y a affectées ». Les salariés peuvent donc, sous réserve des termes de la convention ou de l’accord le mettant en place, épargner sur leur compte des jours de congés, de repos, de temps de travail ou d’éléments en argent qu’ils le veulent. L’utilisation et la liquidation des droits du CET, sous la même réserve, des termes de la convention ou de l’accord le mettant en place, a également lieu librement. La liberté d’utilisation du CET par les salariés a été rappelée à plusieurs reprises par la Haute juridiction qui a notamment jugé qu’un employeur ne peut imposer aux salariés d’utiliser les jours affectés sur leur CET, même si l’entreprise connaît une baisse d’activité (Soc. 18 mars 2015, n° 13-19.206 P, Dalloz actualité, 10 avr. 2015, obs. J. Cortot ; D. 2015. 736 ; RDT 2015. 336, obs. M. Véricel ) ou leur interdire d’alimenter leur compte (Soc. 8 juin 2011, n° 10-11.979, Dalloz actualité, 7 juill. 2011, obs. B. Ines).

C’est sur la base de ces constats, et de la distinction devant être réalisée entre, d’une part, les sources et la période d’alimentation et, d’autre part, l’utilisation du CET que la Cour de cassation, reprenant les termes d’arrêts antérieurs (Soc. 22 juin 2016, n° 14-18.675, Dalloz actualité, 13 juill. 2016, obs. J. Cortot ; D. 2016. 1503 ; 10 juill. 2013, n° 12-18.273, Dalloz actualité, 9 sept. 2013, obs. C. Fleuriot), juge en l’espèce que « les sommes issues de l’utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps, ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d’une part, le salarié et l’employeur décident librement de l’alimentation de ce compte et, d’autre part, la liquidation du compte épargne-temps ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables ».

Sur la base de ce constat, elle valide la position de la cour d’appel qui a jugé que les sommes correspondant au rachat des droits épargnés ne répondent à aucune périodicité, et ne peuvent en conséquence être incluses dans l’assiette de calcul de l’indemnité de treizième mois, n’étant pas relatives à la période de référence permettant de réaliser le calcul. Permettant de mieux comprendre cette position, l’avis de l’avocat général référendaire précise que « Si les droits épargnés ont été acquis dans le cadre d’un contrat de travail, ils ne peuvent être conçus comme la contrepartie d’une période de travail déterminée et constituent, même lorsqu’ils proviennent de jours de congés ou de repos, de simples unités de compte pouvant être remployées dans une période lointaine et sous une forme purement monétaire. Réciproquement, un versement d’éléments monétaires, par ailleurs limités aux seuls augmentations ou compléments du salaire de base – et non ouverts à celui-ci –, peuvent être convertis a posteriori en congés sans lien avec une période donnée. ». La seule situation qui pourrait conduire à considérer que la monétisation des droits issus du CET entre dans l’assiette de la prime conventionnelle de treizième mois, serait l’hypothèse d’une stipulation expresse de la convention rattachant l’assiette de ladite prime à la prise en compte de ces droits.

Cette position est en ligne avec les arrêts cités ci-avant de la Cour de cassation ayant notamment exclu les droits monétisés au titre du CET de l’assiette de calcul de l’indemnité de congé de reclassement ou de l’indemnité conventionnelle de licenciement (Soc. 10 juill. 2013, n° 12-18.273, préc. ; 22 juin 2016, n° 14-18.675, Dalloz actualité, 13 juill. 2013, obs. J. Cortot ; D. 2016. 1503 ). La position retenue permet également d’éviter les solutions opportunistes visant à favoriser les déblocages au titre du CET en vue d’augmenter l’assiette de telles primes, si ces sommes pouvaient être prises en compte dans le calcul de celles-ci.

La solution concernant la prime médaille de travail. Au-delà des droits issus de la monétisation issue du CET, la Cour de cassation devait également répondre à la question suivante : la médaille du travail doit-elle être intégrée dans l’assiette du treizième mois si elle est versée pendant la période de référence ?

En l’espèce, l’article 15 de la convention collective Pôle emploi du 21 novembre 2009 prévoit que l’agent qui obtient la médaille d’honneur du travail bénéficie d’une gratification d’un vingt-quatrième de salaire brut annuel pour la médaille d’argent, d’un seizième de salaire brut annuel pour la médaille de vermeil, d’un douzième de salaire brut annuel pour la médaille d’or et d’un huitième de salaire brut annuel pour la grande médaille d’or. La cour d’appel avait jugé que de telles primes étant des gratifications elles ne doivent pas être prises en compte pour calculer l’indemnité conventionnelle de treizième mois.

Mais, constitue un élément de salaire les primes instituées par accord ou convention lui conférant un caractère obligatoire pour l’employeur (Soc. 27 janv. 1994, n° 91-17.528, RDSS 1995. 130, obs. G. Vachet ). Or, en l’espèce, une obligation pesait sur l’employeur de verser la gratification si le salarié obtenait la médaille d’honneur du travail, en application de l’article 15 de la convention concernée. La gratification versée a donc une nature salariale. Sur la base de ces constats la Haute juridiction infirme l’arrêt d’appel jugeant que ces sommes ont bien la nature de rémunération et doivent entrer dans l’assiette de calcul de la prime conventionnelle de treizième mois, dès lors qu’elles sont perçues pendant la période conventionnelle de référence.

En conclusion, par cet arrêt portant sur l’analyse spécifique de l’article 13 de la convention collective de Pôle emploi du 21 novembre 2019, la Cour de cassation apporte des confirmations sur le CET et les gratifications versées par l’employeur.

 

Soc. 6 nov. 2024, F-B, n° 22-23.689

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