Caractère non écrit d’une clause du règlement de copropriété et recevabilité de l’action

L’action tendant à voir prononcer le caractère non écrit d’une clause d’un règlement de copropriété n’est recevable que si le syndicat des copropriétaires est appelé à la cause ou entendu.

Des copropriétaires peuvent-ils soulever le caractère non écrit d’une clause du règlement de copropriété dans le cadre d’une action où le syndicat des copropriétaires n’est pas partie à l’instance ?

C’est sur cette délicate question que la Cour de cassation a dû se prononcer, apportant ici une réponse qui n’allait pas forcément de soi de prime abord, puisque l’arrêt a été rendu en formation de section et la décision publiée au Bulletin.

Dans cette affaire, deux copropriétaires en ont assigné un troisième en vue de remettre en état des combles que ce dernier se serait appropriées. En parallèle, il était demandé que soit réputée non écrite une stipulation du règlement de copropriété permettant aux copropriétaires de modifier les parties communes sans autorisation de l’assemblée générale. Dans les deux cas, les demandeurs ont été déboutés.

Appropriation de parties communes et incidence sur le délai de prescription

Le premier volet du litige concerne la supposée appropriation de parties communes par un copropriétaire et le caractère prescrit ou non de la demande. Conformément à l’article 42, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qui renvoie à l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. On notera que l’ancien délai était de dix ans avant que la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (loi ELAN) n’aligne le délai de prescription en copropriété sur celui de droit commun. En l’espèce, le délai est de dix ans, correspondant à la rédaction de l’article 42 à l’époque des faits.

Ce délai ne vise toutefois que les actions personnelles et non les actions réelles, ces dernières relevant de la prescription trentenaire (Civ. 3e, 6 mars 2002, n° 01-00.335, AJDI 2002. 615 , obs. P. Capoulade ). La difficulté réside alors dans la qualification de l’action. Ainsi, le recours du syndicat tendant à faire cesser une appropriation des parties communes s’analyse comme une action réelle ayant pour but de restituer ce qu’un copropriétaire s’est indûment approprié (Civ. 3e, 14 févr. 1996, n° 93-17.667, RDI 1996. 419, obs. P. Capoulade et C. Giverdon ; ibid. 420, obs. P. Capoulade et C. Giverdon ).

Dans l’affaire ayant débouché sur l’arrêt sous étude, les juges d’appel (Montpellier, 6 sept. 2022, n° 19/05712), ont constaté que l’état descriptif de division ne mentionnait pas la présence de combles sous la toiture et qu’il n’existait pas, selon les dires de l’expert, de combles au sens technique du terme avant les travaux opérés par le copropriétaire assigné. En l’absence d’appropriation de parties communes, l’action intentée est alors une action personnelle et non réelle. La Cour de cassation approuve ici les juges du fond en ce qu’ils ont procédé à cette qualification et pour avoir déclaré, par voie de conséquence, l’action prescrite.

Recevabilité de l’action relative à la contestation d’une clause du règlement de copropriété

Le règlement de copropriété est un document fondamental en ce qu’il fixe notamment la destination de l’immeuble, les modalités de détermination des charges et les droits et obligations des copropriétaires. Il constitue une sorte de « charte fondatrice » unissant les copropriétaires entre eux, mais également « ceux-ci et le syndicat » (C. Atias et J.-M. Roux, Guide de la copropriété des immeubles bâtis, Edilaix). Bien que de nature conventionnelle, son contenu n’est pas totalement libre dans la mesure où l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 en circonscrit les limites.

Ainsi, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. Une qualification distincte de la nullité (v. Civ. 3e, 25 janv. 2024, n° 22-22.036, Dalloz actualité, 4 mars 2024, obs. C. Dreveau ; D. 2024. 169 ; AJDI 2024. 540 , obs. P.-É. Lagraulet ; RTD civ. 2024. 97, obs. H. Barbier ), celle-ci emportant l’anéantissement rétroactif de l’acte, alors que les conséquences de la qualification d’une clause comme non écrite ne valent que pour l’avenir (Civ. 3e, 10 juill. 2013, n° 12-14.569, Dalloz actualité, 24 juill. 2013, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2014. 44 , obs. C. Atias ; RTD civ. 2013. 837, obs. H. Barbier ). De même, une action en vue de faire constater le caractère non écrit d’une clause n’est pas encadrée par un délai de prescription, l’action pouvant être intentée à tout moment par tout copropriétaire (Civ. 3e, 28 janv. 2016, n° 14-26.921, Dalloz actualité, 16 févr. 2016, obs. N. Le Rudulier ; D. 2016. 314 ; AJDI 2016. 610 , obs. D. Tomasin ).

Par ailleurs, la clause litigieuse du règlement de copropriété continue de s’appliquer tant qu’elle n’a pas été annulée par le juge (Civ. 3e, 6 juill. 2023, n° 22-18.697). Ainsi la Cour de cassation a-t-elle censuré les juges d’appel qui ont réputé une clause du règlement de copropriété non écrite, alors même qu’ils n’avaient pas été saisis d’une demande en ce sens (Civ. 3e, 22 juin 2022, n° 21-16.872, AJDI 2023. 687 , obs. P.-É Lagraulet ). Dans ce dernier cas, on notera que la Haute juridiction a rendu sa décision, non pas au visa de l’article 43 précité, mais de l’article 1103 du code civil, anciennement 1134, selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Une approche des magistrats rappelant que le règlement de copropriété est avant tout un acte conventionnel.

Dans la présente affaire n’opposant que des copropriétaires, il est demandé de déclarer non écrite la clause du règlement de copropriété permettant à tout copropriétaire de modifier les parties communes sans autorisation préalable de l’assemblée générale. Une telle qualification ne fait aucun doute dans la mesure où la stipulation litigieuse tend à priver l’assemblée générale de l’une de ses prérogatives définies à l’article 25, b, de la loi du 10 juillet 1965. Il a ainsi été jugé qu’aucune clause d’ordre général « ne peut déroger par anticipation à l’exigence d’une autorisation spécifique de l’assemblée générale des copropriétaires préalable à tous travaux modifiant l’aspect extérieur ou affectant les parties communes d’un immeuble soumis au régime de la copropriété » (Civ. 3e, 2 févr. 1999, n° 97-15.870, D. 2000. 141 , obs. P. Capoulade ; RDI 1999. 312, obs. P. Capoulade ). Saisie du litige, la Cour d’appel de Montpellier rejette la demande estimant que celle-ci était prescrite car non introduite avant l’expiration de la prescription trentenaire. La Cour de cassation va, sans surprise, censurer la décision ainsi rendue, l’action en constatation d’une clause non écrite étant imprescriptible. Toutefois, elle va y substituer un motif de pur droit et rejeter le pourvoi.

En effet, selon la Haute juridiction, « l’action tendant à voir prononcer le caractère non écrit d’une clause d’un règlement de copropriété n’est recevable que si le syndicat des copropriétaires est appelé à la cause ou entendu ». La décision est rendue sous le visa de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui est classique au regard du litige, mais également de l’article 15 de la loi de 1965. Aux termes de celui-ci, « le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ». Généralement utilisé pour déterminer si une action peut être effectuée par le seul syndicat ou un copropriétaire individuel, sa présence au visa dans une telle affaire a de quoi surprendre et justifier une décision rendue en formation de section.

Néanmoins, elle s’inscrit dans le fil des décisions antérieures, notamment celle du 22 juin 2022 précitée, rappelant la nature contractuelle du règlement de copropriété. Dès lors que l’on entend contester la clause d’un contrat, le cocontractant est appelé à la cause.

De fait, il importait ici de faire de même avec le syndicat des copropriétaires afin que celui-ci soit au minimum entendu.

La Cour de cassation apporte ainsi une précision importante d’un point de vue procédural.

 

Civ. 3e, 10 oct. 2024, FS-B, n° 22-22.649

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