CEPEJ : la justice française au comparatif européen
La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) vient de rendre son rapport comparant les systèmes judiciaires des pays du Conseil de l’Europe, essentiellement sous l’angle budgétaire. Si le système judiciaire français est en progression, les retards restent importants vis-à-vis de nos voisins.
Depuis quinze ans, les rapports de la CEPEJ sont scrutés en France. Si les approches comparatives ont leurs limites (les données de la CEPEJ ne prennent pas en compte tout ce qui relève des peines et de leur exécution, mais intègrent la justice administrative), ces comparaisons montrent souvent le retard français en matière judiciaire. Si les budgets des dernières années ont permis de faire progresser notre système, le fossé reste important avec nos voisins directs. D’autant que la crise budgétaire que nous connaissons risque de peser sur l’évolution des prochaines années.
Le rapport, qui se base sur les chiffres de 2022, indique que le budget exécuté du système judiciaire par habitant en France était de 77,2 €. C’est 4,7 € de plus qu’en 2020 et 7,3 € de plus qu’en 2018. Toutefois, l’effort en pourcentage du PIB est resté constant. Surtout, en termes d’effort budgétaire global, la France reste sous la moyenne européenne, qui est de 85,4 € (la médiane des 46 pays étant à 74,8 €). Par comparaison, ces montants chez nos voisins étaient en 2022 de 96,8 € en Espagne, 100,6 € en Italie, 102,5 € en Belgique et de 136,1 € en Allemagne.
On compte en France 11,3 juges professionnels pour 100 000 habitants. C’est en deçà de la médiane européenne (17,6 juges), et encore plus loin de la médiane (21,9 juges). Le retard français n’a pas été rattrapé. Car si la situation en 2022 s’était légèrement améliorée, ce mouvement est identique dans presque tous les pays d’Europe. Par ailleurs, le nombre de personnels non-juges (greffiers, assistants, secrétaires) est aussi très inférieur à la médiane européenne (37,3 contre 57,9), signe que le déficit en personnel est global et dépasse les seuls magistrats.
D’autant que les juges français, par rapport à leurs collègues européens sont relativement mal payés : si le salaire brut des magistrats en début de carrière est proche de la médiane européenne, une fois comparée avec le salaire moyen du pays, leur situation est nettement moins avantageuse. Il est toutefois à noter que, depuis, un important rattrapage salarial a été effectué.
Le gros point noir du système français est le manque de moyens alloués aux services du ministère public. C’est 13,6 € par habitant, soit 5 € de moins que la moyenne européenne. La France se distingue par le faible nombre de procureurs : 3,2 pour 100 000 habitants, contre 11,2 pour la médiane européenne. Simultanément ces procureurs doivent faire face « à un nombre très élevé d’affaires pénales de première instance reçues, de l’ordre de 6,4 pour 100 habitants, la médiane européenne étant de 2,3 ». Et ceci, « avec un large éventail d’attributions ». La France a donc très peu de procureurs, alors qu’ils effectuent des tâches nombreuses et variées.
Une justice souvent plus lente
Le nombre d’affaires par habitant est très proche des médianes des autres pays européens, que ce soit au civil, au pénal ou en administratif.
Toutefois, en France, il y a plus d’appels au civil, et moins en matière pénale et administrative que dans les autres pays.
La France fait partie des neuf États qui ont amélioré leur efficacité globale au regard des affaires civiles et commerciales contentieuses, passant entre 2020 et 2022 de la catégorie « avertissement » à « standard ». Au civil, si la durée d’écoulement théorique du stock d’affaires reste élevée (333 jours), elle a fortement diminué par rapport à 2018 et 2020. Le calcul n’a pu être effectué en matière pénale. Le taux de classement pour défaut d’identification de l’auteur est bien plus important en France que dans le reste de l’Europe.
L’accès la justice, point fort du système français
En matière de développement informatique, la justice administrative est en avance, alors que la justice judiciaire connaît un important retard. Comme d’autres pays, la France a avancé en matière de recours à la médiation et aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD).
La France se distingue en matière d’accès à la justice. Nous sommes un des seuls pays, avec le Luxembourg et l’Espagne, qui n’exigent pas le paiement de taxes de justice. Une exception en Europe, où ce droit de timbre est une caractéristique commune des systèmes judiciaires. Notre pays est également dans la moyenne du budget consacré à l’aide judiciaire : 9,28 € par habitant, quand la moyenne européenne est à 10 €, et que dans de nombreux pays ce montant est marginal.
© Lefebvre Dalloz