Clap de fin pour la saisie des rémunérations judiciaire, le décret est enfin publié ! (Deuxième partie)
Le 14 février 2025 a été publié au Journal officiel le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations.
Ce décret, pris en application de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, organise la nouvelle procédure déjudiciarisée de la saisie des rémunérations. La réforme opérée consiste, pour partie, en un transfert des règles du code du travail vers le code des procédures civiles d’exécution, sans modification substantielle de leur contenu. Toutefois, certaines évolutions notables méritent d’être soulignées, notamment en ce qui concerne la suppression de la conciliation obligatoire, l’intervention renforcée du commissaire de justice, l’intervention résiduelle du juge de l’exécution ou encore la création d’un registre numérique des saisies des rémunérations (v. la 1re partie, Dalloz actualité, 5 mars 2025).
Le procès-verbal de saisie
En cas de refus du débiteur de tenter une conciliation ou d’échec, la procédure de saisie est mise en œuvre par le créancier. Toutefois, préalablement à tout acte de saisie, le créancier doit demander à la Chambre nationale des commissaires de justice de désigner un commissaire de justice répartiteur. Deux possibilités apparaissent alors : soit le commissaire de justice – mandataire du créancier – a satisfait à la formation requise et mise en place par la Chambre nationale des commissaires de justice pour devenir commissaire de justice répartiteur et il est désigné ; soit il n’a pas satisfait à la formation, auquel cas la Chambre nationale des commissaires de justice doit désigner un commissaire de justice inscrit sur la liste de ceux ayant suivi cette formation. La désignation se fait au moyen d’un système automatisé au registre numérique des saisies des rémunérations. Il s’agit d’une fonction à monopole territorial, car ne peut être commissaire de justice répartiteur qu’un commissaire de justice ayant son office dans le ressort de la cour d’appel du lieu du domicile du débiteur (C. pr. exéc., art. L. 212-9 et R. 212-1-10).
Deux observations s’imposent.
En premier lieu, pour assurer l’indépendance du commissaire de justice répartiteur et la protection du débiteur, ne conviendrait-il pas de privilégier systématiquement la désignation d’un commissaire de justice répartiteur distinct du commissaire de justice instigateur de la mesure ?
En second lieu, si le commissaire répartiteur désigné n’a pas son office au sein de la cour d’appel du lieu du domicile du débiteur, le moyen de défense à soulever est une nullité pour vice de forme. En effet, la liste des nullités pour vice de fond étant limitative, et sauf en cas de défaut de pouvoir ou de capacité d’une partie ou de son représentant, un tel vice relève nécessairement d’un vice de forme (Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026, D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes
; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot
). S’il est possible de considérer les règles relatives à la profession des commissaires de justice comme étant d’ordre public, le débiteur devra néanmoins démontrer l’existence d’un grief (C. pr. civ., art. 114).
À la lecture des textes, le procès-verbal de saisie ne peut intervenir moins d’un mois et plus de trois mois après la signification du commandement de payer (C. pr. exéc., art. L. 212-2 et R. 212-1-11).
Le dépassement du délai de trois mois est sanctionné par la caducité du commandement de payer (C. pr. exéc., art. L. 212-6). En revanche, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect du délai minimal d’un mois. Il est possible d’hésiter entre deux solutions : la nullité, qui supposerait d’admettre qu’en l’absence de texte, le respect de ce délai constitue une formalité substantielle ou d’ordre public, et l’irrecevabilité de la saisie. En effet, il ne peut s’agir de la caducité, celle-ci devant être obligatoirement prévue par un texte.
En tout état de cause, le procès-verbal de saisie est accompagné d’un certificat établi par le commissaire de justice instigateur de la mesure, attestant que le débiteur n’a soulevé aucune contestation dans le délai d’un mois – obligation qui ne semble pas être assortie d’une sanction (C. pr. exéc., art. R. 212-1-11). Il doit comporter des mentions à peine de nullité pour vice de forme (C. pr. exéc., art. R. 212-1-12) et être inscrit, le jour de la signification ou le premier jour ouvrable suivant, sur le registre numérique des saisies des rémunérations, à peine de caducité du procès-verbal (C. pr. exéc., art. R. 212-1-13). Cette inscription emporte une conséquence majeure : elle rend opposable l’acte de saisie aux autres créanciers.
À compter de la signification du procès-verbal de saisie, deux obligations s’imposent. D’une part, l’acte doit être dénoncé au débiteur dans un délai de huit jours à peine de caducité (C. pr. exéc., art. R. 212-1-15). D’autre part, l’employeur – tiers saisi – doit faire connaître au commissaire de justice répartiteur la situation de droit existante entre lui et le débiteur, le montant de la rémunération versée au débiteur le mois suivant la signification, et les cessions, les saisies, le paiement direct des pensions alimentaires et les saisies administratives à tiers détenteurs en cours d’exécution (C. pr. exéc., art. L. 212-8 et R. 212-1-14). En cas d’absence de déclaration ou de déclaration mensongère, l’employeur peut être condamné à une amende civile ne pouvant excéder 10 000 € (C. pr. exéc., art. R. 212-1-41, cet art. renvoie à l’art. L. 212-13, mais il faut y comprendre l’art. L. 212-14) et à des dommages et intérêts (C. pr. exéc., art. L. 212-14).
L’intervention d’autres créanciers
La saisie des rémunérations n’ayant pas d’effet attributif immédiat, d’autres créanciers peuvent intervenir à la mesure pour participer à la répartition des sommes. Pour ce faire, le créancier intervenant doit avoir un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et doit intervenir un mois après la notification du commandement de payer (C. pr. exéc., art. L. 212-2 et R. 212-1-16). L’intervention doit être notifiée au commissaire de justice répartiteur – à moins, nous dit le texte, que le commissaire répartiteur soit aussi le mandataire du créancier intervenant – et, s’il n’est pas désigné, la notification se fait au premier créancier saisissant inscrit sur le registre numérique des saisies des rémunérations. Afin de sauvegarder les intérêts du débiteur, l’intervention doit lui être dénoncée dans un délai de huit jours à compter de la notification au commissaire de justice répartiteur ou au premier créancier saisissant, et être inscrite le jour même ou le premier jour ouvrable suivant sur le registre numérique des saisies des rémunérations. La dénonciation ainsi que l’inscription sont requises à peine de caducité de l’acte d’intervention (C. pr. exéc., art. R. 212-1-17). L’inscription sur le registre numérique des saisies des rémunérations emporte deux conséquences. D’une part, elle rend l’acte opposable aux autres créanciers et, d’autre part, la répartition des sommes versées par le tiers saisi prendra en compte cette intervention (C. pr. exéc., art. R. 212-1-19). Il est par ailleurs possible de contester l’intervention à tout moment devant le juge de l’exécution (C. pr. exéc., art. R. 212-1-20).
Lorsqu’une cession de salaire a été mise en œuvre avant la saisie des rémunérations, le cessionnaire vient en concours avec le créancier saisissant et participe à la répartition des sommes versées par le tiers saisi par le biais d’une intervention (C. trav., art. R. 3252-48 et R. 3252-49).
Le paiement
En l’absence d’effet attributif immédiat, la saisie des rémunérations ne permet pas au créancier de se faire payer directement par le tiers saisi. Ainsi, ce dernier, tous les mois, doit adresser au commissaire de justice répartiteur une somme égale à la fraction saisissable de la rémunération. En présence d’un seul créancier, le commissaire de justice répartiteur reverse les sommes tous les mois ; en présence de plusieurs créanciers, le versement se fait au moins une fois toutes les six semaines (C. pr. exéc., art. R. 212-1-23). En raison du montant résiduel de la créance fixé à 500 € (C. pr. exéc., art. L. 212-10, al. 2 et D. 212-1-24), certains créanciers sont payés par priorité dans l’ordre croissant du montant de la créance.
En cas de pluralité de créanciers, le commissaire de justice répartiteur leur notifie un projet de répartition (C. pr. exéc., art. R. 212-1-26). La notification ouvre un délai de huit jours aux créanciers pour adresser au commissaire de justice répartiteur des observations, qui devront être mentionnées dans le projet de répartition à peine de nullité. Au vu des observations, il dresse un état de répartition qui est notifié aux créanciers et adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au débiteur – ce qui constitue une dérogation à l’article R. 212-1-1 du code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc., art. R. 212-1-27). Dans les huit jours de la notification de l’état de répartition, les créanciers ou le débiteur peuvent le contester devant le juge de l’exécution, même si le texte ne l’énonce pas explicitement (C. pr. exéc., art. R. 212-1-28). À peine d’irrecevabilité, la contestation devra être dénoncée le jour même ou le premier jour ouvrable suivant au commissaire de justice répartiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ce qui l’oblige à consigner les sommes à la Caisse des dépôts et consignations ; sommes qui seront déconsignées sur production de la décision de justice (C. pr. exéc., art. R. 212-1-29). Une observation : le décret ne prévoit aucune sanction pour le non-respect des deux délais de huit jours. En ce qui concerne les observations hors délai, le commissaire de justice répartiteur pourra a priori les écarter, et pour le recours devant le juge de l’exécution hors délai, la demande sera irrecevable ; le moyen de défense à soulever sera donc une fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 122). Au regard de l’article 125, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge de l’exécution aura une obligation de soulever la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.
par Kévin Castanier, Maître de conférences à l’Université de Rouen (CUREJ UR 4703 – Membre associé de l’IODE UMR CNRS 6262)
Décr. n° 2025-125, 12 févr. 2025, JO 14 févr.
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