Clap de fin pour la saisie des rémunérations judiciaire, le décret est enfin publié ! (Troisième partie)
Le 14 février 2025 a été publié au Journal officiel le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations.
 
                            Ce décret, pris en application de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, organise la nouvelle procédure déjudiciarisée de la saisie des rémunérations. La réforme opérée consiste, pour partie, en un transfert des règles du code du travail vers le code des procédures civiles d’exécution, sans modification substantielle de leur contenu. Toutefois, certaines évolutions notables méritent d’être soulignées, notamment en ce qui concerne la suppression de la conciliation obligatoire, l’intervention renforcée du commissaire de justice, l’intervention résiduelle du juge de l’exécution ou encore la création d’un registre numérique des saisies des rémunérations (v. la 1re partie, Dalloz actualité, 5 mars 2025 et la 2e partie, Dalloz actualité, 6 mars 2025).
Le rôle résiduel du juge de l’exécution
La réforme de la saisie des rémunérations réduit de manière assez conséquente l’intervention du juge de l’exécution, « conditionnée à la volonté potestative du débiteur » (A. Yatera, La nouvelle procédure de saisie des rémunérations ou une nouvelle mesure d’exécution mobilière extrajudiciaire ?, Gaz. Pal. 2024, n° 5, spéc. p. 14).
Une première observation : antérieurement à la réforme et conformément à l’article L. 3252-11 du code du travail, la procédure était sans représentation obligatoire devant le juge de l’exécution. Ce texte, ayant été abrogé par la loi n° 2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, l’article L. 121-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que la représentation sera obligatoire devant le juge de l’exécution en cas de contestation, sauf si la demande « a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme qui n’excède pas un montant » de 10 000 € (C. pr. exéc., art. R. 121-6). Et la procédure sera orale (C. pr. exéc., art. R. 121-8).
L’intervention du juge de l’exécution est donc en aval de la procédure de la saisie des rémunérations.
En premier lieu, sous réserve d’une nouvelle loi au 1er juillet 2025, qui pourrait réattribuer la compétence au juge de l’exécution à la suite de l’abrogation partielle de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire (K. Castanier, En matière de contestation de saisie mobilière, le juge de l’exécution est mort, vive le tribunal judiciaire !, Dalloz actualité, 3 déc. 2024 ; C. Bléry et C. Roth, La mort du JEX : une annonce tout à fait exagérée, Dalloz actualité, 17 déc. 2024), c’est bien le juge de l’exécution qui sera compétent pour trancher toutes les contestations relatives à la saisie. Il s’agira du juge du lieu où demeure le débiteur ou, s’il réside à l’étranger, celui du lieu où demeure le tiers saisi ; la règle étant d’ordre public (C. pr. exéc., art. R. 221-7).
Ainsi, contrairement à la saisie-vente, où les contestations relatives à la saisissabilité des biens doivent être soulevées dans le mois de l’acte de saisie (C. pr. exéc., art. R. 221-53), et à la saisie-attribution, où les contestations doivent être soulevées dans le mois de la dénonciation (C. pr. exéc., art. R. 211-11), dans le cadre de la saisie des rémunérations, le juge de l’exécution peut être saisi à tout moment (C. pr. exéc., art. L. 212-4, al. 1er). En ne fixant pas de cadre temporel aux contestations, la volonté du législateur est d’assurer la protection du débiteur, puisque c’est sa rémunération qui est saisie, laquelle présente un caractère alimentaire. Cependant, le créancier, lui, peut subir une contestation alors même que la mesure est bien avancée. Il est ainsi difficile de concilier, sur ce point, les intérêts du créancier et du débiteur. La saisine devra se faire par assignation (C. pr. exéc., art. R. 212-1-7), et le débiteur devra respecter les articles 54 et suivants du code de procédure civile.
Si le juge est saisi dans le mois de la notification du commandement de payer, la procédure de saisie des rémunérations s’en trouve suspendue (C. pr. exéc., art. L. 212-4, al. 3). Le décret précise toutefois qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office par le juge de l’exécution, cette contestation doit être dénoncée le jour même ou le premier jour ouvrable suivant au commissaire de justice qui a signifié le commandement de payer (C. pr. exéc., art. R. 212-1-8). Dans le cadre d’une contestation, le juge pourra autoriser la saisie pour la fraction non contestée ; sa décision est exécutoire sur minute et peut faire l’objet d’un sursis à exécution, mais l’alinéa 2 de l’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution concernant la suspension des poursuites jusqu’au prononcé de l’ordonnance du premier président n’est pas applicable (C. pr. exéc., art. R. 212-1-9). Par ailleurs, conformément à l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution est compétent pour accorder un délai de grâce en application de l’article 1343-5 du code civil. Mentionnons que, si le code des procédures civiles d’exécution a bien été modifié, tel n’est pas le cas de l’article 510 du code de procédure civile, qui contient toujours une référence à l’article R. 3252-17, lequel sera abrogé à compter du 1er juillet 2025.
En cas de caducité ou de nullité de l’acte de saisie, mention doit en être faite sur le registre numérique des saisies des rémunérations par le commissaire de justice répartiteur, d’office ou à la requête du débiteur (C. pr. exéc., art. R. 212-1-39). La procédure pourra toutefois être reprise après réitération du procès-verbal de saisie à l’initiative du créancier dans les trois mois de la mention de la nullité ou de la caducité au registre numérique des saisies des rémunérations ; acte de reprise qui devra être inscrit sur le même registre à peine de caducité (C. pr. exéc., art. R. 212-1-40). Le juge pourra aussi ordonner la mainlevée de la saisie des rémunérations (C. pr. exéc., art. R. 212-1-38, 1°).
En deuxième lieu, le juge de l’exécution, saisi à la demande du débiteur, pourra décider que la créance produira intérêt à un taux réduit à compter du procès-verbal de saisie, ou que les sommes retenues s’imputeront en priorité sur le capital (C. pr. exéc., art. L. 212-13).
En troisième lieu, le juge de l’exécution pourra sanctionner l’employeur – le tiers saisi – en lui infligeant une amende civile et en le condamnant à des dommages et intérêts, s’il s’abstient, sans motif légitime, de faire une déclaration, ou en cas de déclaration mensongère (C. pr. exéc., art. L. 212-14). Antérieurement à la réforme, la Cour de cassation s’était inspirée de la saisie-attribution, où l’absence de déclaration du tiers saisi l’expose au paiement de la créance cause de la saisie (C. pr. exéc., art. R. 211-5), pour admettre que l’employeur qui s’abstient de déclarer ou qui procède à une déclaration mensongère peut être condamné au paiement des retenues qui auraient dû être opérées (Civ. 2e, 11 juill. 2002, n° 01-00.757, D. 2002. 2382, et les obs.  ; Procédures 2002, note R. Perrot ; JCP 2002. 2541). Il n’est pas évident, à la lecture des nouveaux textes, que cette solution perdurera. Par ailleurs, sur requête du créancier ou de son mandataire, le juge de l’exécution pourra condamner l’employeur au paiement des retenues qui auraient dû être opérées s’il ne procède pas aux versements mensuels entre les mains du commissaire de justice répartiteur. Il délivrera alors un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi. À défaut d’opposition dans les quinze jours suivant la notification, l’ordonnance deviendra exécutoire (C. pr. exéc., art. R. 212-1-42).
 ; Procédures 2002, note R. Perrot ; JCP 2002. 2541). Il n’est pas évident, à la lecture des nouveaux textes, que cette solution perdurera. Par ailleurs, sur requête du créancier ou de son mandataire, le juge de l’exécution pourra condamner l’employeur au paiement des retenues qui auraient dû être opérées s’il ne procède pas aux versements mensuels entre les mains du commissaire de justice répartiteur. Il délivrera alors un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi. À défaut d’opposition dans les quinze jours suivant la notification, l’ordonnance deviendra exécutoire (C. pr. exéc., art. R. 212-1-42).
En quatrième lieu, en l’absence d’un projet de répartition dressé par le commissaire de justice répartiteur dans un délai de six semaines suivant la saisie ou le précédent état de répartition, tout intéressé pourra en référer au juge (C. pr. exéc., art. R. 212-1-30). Le texte ne précisant pas la procédure applicable, il faut admettre que le juge de l’exécution sera saisi par assignation. Contrairement à ce que laissent supposer les termes « en référer », cette saisine ne pourra pas se faire en référé devant le juge de l’exécution, l’article R. 121-5 du code des procédures civiles d’exécution excluant cette procédure.
Enfin, le juge de l’exécution dispose de plusieurs prérogatives en matière de frais. D’une part, il peut contrôler d’office les frais d’exécution dont le recouvrement est poursuivi (C. pr. exéc., art. L. 212-4, al. 2). D’autre part, il peut également décider que les frais occasionnés par une contestation seront provisoirement prélevés sur les sommes consignées à la Caisse des dépôts et consignations (C. pr. exéc., art. R. 212-1-29). Le débiteur supportera la charge des frais conformément à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, et, pour l’instant, si le commissaire de justice est limité dans les actes à ceux évoqués par le décret du 12 février 2025, leur coût n’est pas encore connu. L’arrêté fixant les tarifs réglementés (C. com., art. L. 444-3) n’est pas encore paru (Décr. n° 2025-125 du 12 févr. 2025, art. 5).
Le droit transitoire
L’article 6 du décret du 12 février 2025 dispose que l’article 47 de la loi du 20 novembre 2023 et ledit décret entrent en vigueur le 1er juillet 2025.
Il n’y a aucune difficulté pour toutes les saisies des rémunérations mises en œuvre après cette date. Mais quid de celles antérieures ? Pour le déterminer, il faut se référer à l’article 6 susmentionné et à l’article 60, X, de la loi du 20 novembre 2023.
À compter du 1er juillet 2025, le tiers saisi doit cesser tout versement au régisseur installé auprès du greffe du tribunal judiciaire ou de l’une de ses chambres de proximité, à peine de rejet du paiement effectué. Les versements antérieurs seront alors répartis entre les créanciers intéressés avant le 1er octobre 2025, et le régisseur devra procéder aux démarches pour clôturer son compte au plus tard le 31 décembre 2025.
Pour les saisies autorisées au 1er juillet 2025, il faut distinguer deux hypothèses. Si le créancier est assisté ou représenté par un commissaire de justice, la procédure lui est transmise par le greffe à compter de cette date. Si le créancier n’est ni assisté ni représenté par un commissaire de justice, la procédure est transmise par le greffe à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur pour son attribution à un commissaire de justice. Il faudra dresser un procès-verbal en double exemplaire, l’un destiné mandataire ou la chambre régionale, l’autre destiné au service des saisies des rémunérations.
Dans tous les cas, à compter de la transmission de la procédure, le créancier doit confirmer sa volonté de poursuivre la procédure de saisie des rémunérations selon les nouvelles modalités dans un délai de trois mois, à peine de caducité de la mesure en cours. Cette confirmation se fait par tous moyens, est inscrite sur le registre numérique des saisies des rémunérations, et un commissaire de justice répartiteur sera désigné, conformément à l’article R. 212-1-10 du code des procédures civiles d’exécution – le décret cite l’article R. 212-20, lequel demeure également inconnu.
Pour les requêtes en saisie des rémunérations introduites avant le 1er juillet 2025, la procédure à utiliser sera celle antérieure à la réforme. La procédure ne sera transmise au mandataire du créancier, selon les modalités susvisées, qu’à compter du procès-verbal de non-conciliation ou du jugement passé en force de chose jugée ayant autorisé la saisie.
Pour les demandes incidentes ou contestations présentées avant le 1er juillet 2025, la procédure à utiliser sera celle antérieure à la réforme. La procédure ne sera transmise au mandataire du créancier ou à la chambre régionale des commissaires de justice, qui la communiquera à son tour au commissaire de justice désigné, qu’à compter du prononcé d’une décision ayant acquis force de chose jugée.
par Kévin Castanier, Maître de conférences à l’Université de Rouen (CUREJ UR 4703 – Membre associé de l’IODE UMR CNRS 6262)
Décr. n° 2025-125, 12 févr. 2025, JO 14 févr.
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