Clause d’indexation réputée non écrite : calcul de la créance de restitution des trop-perçus de loyer

Une clause d’indexation ayant été réputée non écrite, le locataire peut demander le paiement des sommes indûment versées au cours de cinq ans précédant sa demande en justice. La stipulation réputée non écrite étant censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation.

Absence de prescription de l’action tendant à voir réputer non écrite une clause d’indexation

À la suite de commandements de payer et d’un congé signifié sans offre de renouvellement ni d’indemnité d’éviction, une société locataire a demandé que la clause d’indexation du bail soit réputée non écrite.

L’arrêt ne précise pas en quoi consistait l’irrégularité de la clause. Les exemples jurisprudentiels les plus fréquents concernent les indexations ne jouant qu’à la hausse (Civ. 3e, 14 janv. 2016, n° 14-24.681, Dalloz actualité, 20 janv. 2016, obs. Y. Rouquet ; D. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2016. 365 , obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; ibid. 157, point de vue J.-P. Dumur ; RTD com. 2016. 56, obs. J. Monéger ; Gaz. Pal. 1er mars 2016.66, note J.-D. Barbier ; 30 juin 2021, n° 19-23.038, Dalloz actualité, 21 juill. 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; D. 2021. 1285 ; ibid. 2251, chron. A.-L. Collomp, B. Djikpa, L. Jariel, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; AJDI 2022. 119 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. prat. rec. 2022. 35, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; RTD civ. 2021. 635, obs. H. Barbier ; RTD com. 2021. 771, obs. F. Kendérian ; Gaz. Pal. 9 nov. 2021. 59, note J.-D. Barbier) ou celles créant une distorsion entre la période de variation de l’indice et la période écoulée entre l’application de l’ancien et du nouveau loyer (Civ. 3e, 25 févr. 2016, n° 14-28.165, Dalloz actualité, 9 mars 2016, obs. Y. Rouquet ; D. 2016. 541 ; ibid. 1028, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp ; AJDI 2016. 426 , obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; Administrer 5/2016. 25, note J.-D. Barbier ; 9 févr. 2017, n° 15-28.691, Dalloz actualité, 14 mars 2017, obs. A. Cayol ; D. 2017. 405 ; AJDI 2017. 430 , obs. F. Planckeel et A. Antoniutti ; Administrer 3/2017. 27, note J.-D. Barbier ; 17 mai 2018, n° 17-11.635, D. 2018. 1511, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Gaz. Pal. 17 juill. 2018. 58, note J.-D. Barbier).

Or, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt sous étude, l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription (v. déjà, Civ. 1re, 30 juin 2021, n° 19-23.038, préc ; v. aussi, J.-D. Barbier, La sanction de l’ordre public statutaire : les clauses réputées non écrites, Loyers et copr. 2014. Dossier 8). Le locataire peut, à tout moment, quelle que soit l’ancienneté du bail, demander que la stipulation litigieuse soit jugée non écrite.

Prescription quinquennale de l’action en répétition de l’indu

Lorsqu’une clause d’indexation est réputée non écrite, les loyers que le locataire a réglés sur le fondement de la clause illicite doivent lui être restitués. Mais, si l’action tendant à voir juger que la clause est réputée non écrite n’est soumise à aucune prescription, en revanche, l’action en répétition de l’indu est soumise à la prescription quinquennale.

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté : « Le locataire à bail commercial qui a acquitté un loyer indexé en vertu d’une clause d’indexation ultérieurement réputée non écrite peut agir en paiement des sommes indûment versées dans les cinq ans précédant sa demande en justice ».

Il faut donc faire le compte des trop versés de loyer sur cinq ans, ce qui conduit à s’interroger sur les bases de calcul.

Base de calcul du trop versé

Le trop versé de loyer dont le remboursement peut être demandé par le locataire correspond à la différence entre, d’une part, ce qu’il a effectivement payé et, d’autre part, ce qui était juridiquement dû.

La Cour de cassation expose très clairement que « dès lors qu’une stipulation réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation ».

Ainsi, il faut comparer le montant du loyer dû, abstraction faite de la stipulation illicite, avec le montant du loyer réglé, la différence constituant le trop versé qui peut être récupéré sur les cinq dernières années.

En l’espèce, la cour d’appel avait pris comme base de calcul le montant du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription. La cour d’appel semblait considérer que la stipulation illicite subsistait antérieurement au délai de cinq ans en raison de la prescription quinquennale. C’était une erreur. La stipulation illicite étant réputée non écrite, elle disparaît totalement tant pour l’avenir que pour le passé, sans limitation de temps.

L’arrêt de la cour d’appel est donc censuré par la Cour de cassation.

Rappelons qu’en présence d’une stipulation illicite, il faut vérifier si la stipulation condamnable est divisible ou indivisible par rapport à la clause d’indexation elle-même, la sanction du réputé non écrit pouvant selon les cas s’appliquer soit à la clause d’indexation en totalité, soit partiellement à la seule stipulation irrégulière (Civ. 3e, 4 juill. 2024, n° 23-13.285, Gaz. Pal. 17 déc. 2024. 50, note J.-D. Barbier).

Aussi, si la clause d’indexation n’est que partiellement réputée non écrite, c’est le loyer résultant de l’application de la seule partie de la clause demeurée valide qui doit servir de base au calcul.

Mais si la clause d’indexation est réputée non écrite en totalité, c’est le loyer initial du bail, non indexé, qui doit être pris en compte.

Justificatifs des charges et contradiction de motifs

Dans la présente affaire, la Cour de cassation était également appelée à statuer sur les charges qui avaient été facturées au locataire. Ce dernier reprochait à la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de production des justificatifs des appels de charges.

Effectivement, conformément au droit commun des obligations et à la dernière phrase de l’article R.145–36 du code de commerce, le créancier doit justifier de sa créance, et le bailleur qui facture des charges doit produire les justificatifs, faute de quoi il doit rembourser à son locataire les provisions versées (Civ. 3e, 5 nov. 2014, n° 13-24.451, Dalloz actualité, 19 nov. 2014, obs. Y. Rouquet ; D. 2014. 2294 ; RTD com. 2014. 779, obs. J. Monéger ; Administrer 12/2014. 37 ; 9 juin 2015, n° 14-13.555, Gaz. Pal. 18 août 2015. 18, note J.-D. Barbier ; 17 sept. 2020, n° 19-14.168, Dalloz actualité, 15 oct. 2020, obs. A. Tani ; D. 2020. 1836 ; ibid. 2021. 1397, obs. M.-P. Dumont ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ).

Mais l’arrêt de la cour d’appel est cassé pour contradiction de motifs. En effet, la cour d’appel avait indiqué, d’une part, que la locataire n’avait pas pu procéder aux vérifications de l’exigibilité des charges et, d’autre part, que la société gestionnaire du centre commercial avait justifié des dépenses engagées, ce qui constituait une contradiction.

 

Civ. 3e, 23 janv. 2025, FS-B, n° 23-18.643

© Lefebvre Dalloz