Comité de groupe : l'entreprise dominante peut être une personne physique

Dans le cadre de la mise en place d'un comité de groupe, le contrôle sur les entreprises du groupe peut émaner d'une personne physique, lequel pourra ainsi être qualifié d'entreprise dominante.

Un comité de groupe doit être mis en place au sein de tout groupe d'entreprises, formé par une entreprise dominante et par les entreprises qu'elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante (article L. 2331-1 du code du travail).

Le code du travail n'évoque que "l'entreprise" dominante, mais il renvoie à plusieurs articles du code de commerce pour définir les conditions de contrôle nécessaires. Or ces articles visent aussi bien les personnes physiques que les personnes morales.
Dans cet arrêt publié du 22 novembre 2023 (voir ci-dessous), la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur ce point. Elle considère qu'une entreprise dominante peut très bien être une personne physique, et elle en détaille les conditions.

Un CSE et un syndicat demandent la constitution d'un comité de groupe

Dans cette affaire, un syndicat et le CSE d'une UES saisissent le tribunal judiciaire pour solliciter la constitution d'un comité de groupe, en soutenant que M. K, une personne physique, devait être considéré comme entreprise dominante puisque détenant toutes les sociétés à hauteur d'au moins 97 %, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'il détient à 100 %.
Ils sont déboutés de leur demande au motif que les dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail visent une entreprise, dotée d'un siège social, et non une personne physique, et que rien ne permet de considérer que le législateur a entendu élargir cette notion d'entreprise dominante à une personne physique.

Une personne physique peut être entreprise dominante si elle s'immisce dans la gestion des filiales

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord.
Elle commence par rappeler les dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe, lequel renvoie notamment à l'article L. 233-3, I du code du commerce pour la définition du contrôle par l'entreprise dominante. En effet, cet article vise "toute personne physique ou morale" considérée comme en contrôlant une autre. Puis il liste ces modalités de contrôle par l'entreprise dominante (détention de la majorité des droits de vote, possibilité de révoquer la majorité des membres des organes d'administration...). 
Puis la chambre sociale signale l'exception prévue par l'article L. 2331-4 du code du travail, lequel exclut de la qualification d'entreprise dominante les sociétés de participation financière, en raison du caractère purement financier de leurs relations avec les filiales. Mais, précise la Cour, rappelant à cet égard un arrêt de sa propre jurisprudence, cette exclusion est à la condition que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises. En d'autres termes, il est nécessaire que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales. A défaut, elles peuvent être reconnues comme entreprise dominante (arrêt du 14 novembre 2019).

Les juges en concluent que le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l’article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d’une personne physique.
Mais pour que cette personne physique puisse être qualifiée d’entreprise dominante au sens de l’article L. 2331-1 du code du travail, c’est à la condition que :

  • les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements ;
  • et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s’immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe.

Ainsi, pour déterminer si une personne physique peut être considérée comme l’entreprise dominante du groupe, il faut donc rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d’activité, étaient sous le contrôle et la direction de la personne physique visée.

 

© Lefebvre Dalloz