Commande publique : l’obtention par erreur d’informations confidentielles n’implique pas nécessairement une exclusion de la procédure
Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’exclure de la procédure de passation une société qui a obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme de dématérialisation dès lors qu’il en a informé le pouvoir adjudicateur.
La procédure de passation de la délégation du service public de l’eau potable engagée par le Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF) n’aura finalement pas pris l’eau, le Conseil d’État ayant fait preuve de pragmatisme comme le juge des référés du Tribunal administratif de Paris. Il a jugé que le syndicat n’était pas tenu d’exclure la société Véolia de la procédure de passation car, d’une part, son accès à des informations confidentielles était dû à un bug informatique et, d’autre part, elle en avait informé le SEDIF avant la poursuite des négociations.
Le SEDIF a engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution d’un contrat de concession du service public de l’eau potable. En cours de procédure, le SEDIF a informé la société Suez eau France qu’à la suite d’un dysfonctionnement informatique, la société Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l’attribution de la concession étaient suspendues. Il a ensuite pris la décision de ne pas exclure la société Veolia, de mettre un terme aux négociations sans remise préalable d’une offre finale et d’attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. La société Suez eau France a demandé au juge du référé précontractuel d’annuler cette procédure au stade de cette décision. Elle se pourvoit en cassation contre l’ordonnance ayant rejeté sa demande.
Absence d’intention d’obtenir des informations confidentielles
« Lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation », elle peut exclure de la procédure de passation l’opérateur en cause, indique le Conseil d’État (CCP, art. L. 3123-8).
En l’espèce, pour juger que la société Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu, le juge des référés a relevé que des fichiers concernant l’offre de la société Suez eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de la société Veolia en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur. Si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d’informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l’en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu’elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure.
« En déduisant de ces faits, […], que le SEDIF n’était pas tenu d’exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l’article L. 3123-8 du code de la commande publique, le juge des référés n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d’erreur de droit », estime le Conseil d’État.
Cet arrêt est également l’occasion pour la Haute juridiction de confirmer sa jurisprudence Société Transdev qui admet qu’une personne publique puisse déroger aux règles qu’elle a fixées dans le règlement de la consultation « dans les circonstances très particulières de l’espèce et en l’absence de manœuvre » (CE 8 nov. 2017, n° 412859, AJCT 2018. 97, obs. S. Hul
).
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