Comment améliorer le statut d’entrepreneur individuel : rapport du CCSF
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a remis le 2 avril au ministre de l’Économie, Éric Lombard, un rapport consacré aux effets du statut unique d’entrepreneur individuel créé par la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, formulant des recommandations.
Réputé pour sa souplesse, le statut d’entrepreneur individuel (EI) peut présenter des risques pour le patrimoine personnel de celui qui y recourt. Le CCSF a transmis le 2 avril au ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, un rapport consacré à l’impact de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (API), qui visait à réduire ces risques. Cette autorité administrative indépendante, qui formule en plus des propositions destinées à améliorer ce statut, a répondu à une demande de Bruno Le Maire, prédécesseur d’Éric Lombard à Bercy, formalisée dans une lettre de mission du 5 juillet 2024.
Les apports de la loi API
La loi API comporte deux principaux apports. Premier apport : l’instauration d’un statut unique de l’entrepreneur individuel, dont la définition a été inscrite à l’article L. 526-22 du code de commerce : « L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. »
Second apport : « la séparation de ses patrimoines personnel et professionnel, ainsi que les conséquences qui en découlent y compris s’agissant des entreprises en difficulté », explique le CCSF, qui s’est réuni en groupe de travail. Ce principe de séparation automatique figure également à l’article L. 526-22 du code de la consommation.
Les créanciers professionnels n’ont plus de droit de gage général. Cependant, « l’administration fiscale ou les organismes de protection sociale continuent de disposer d’un droit de gage étendu en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées des obligations fiscales ou dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales », rappelle le Comité. Autre limite à la séparation : dans l’hypothèse où le patrimoine personnel est insuffisant, les créanciers professionnels disposent d’un droit de gage qui s’étend « sur le patrimoine professionnel à hauteur du dernier exercice clos ».
Par exception au principe de séparation des patrimoines personnel et professionnel, l’entrepreneur individuel peut consentir une sûreté conventionnelle (hypothèque d’un bien immobilier personnel, nantissement d’assurance-vie, etc.) à un créancier. De plus, il peut renoncer à la séparation pour ou plusieurs créances déterminées. Ces deux dispositifs sont susceptibles de répondre aux difficultés d’accès au crédit bancaire.
Favoriser l’octroi de crédits bancaires aux entrepreneurs individuels
Le droit de recourir à un acte de renonciation est très faiblement utilisé. « Les banques et EI semblent faire un usage marginal de l’acte de renonciation », indique le Comité consultatif du secteur financier. L’autorité recommande une analyse « avec un recul suffisant, de « la pratique de la prise de garantie » et du « recours à la renonciation ».
Toujours pour favoriser l’accès au crédit, le CCSF suggère d’examiner « l’opportunité d’étendre l’obligation de tenir un registre des charges d’exploitation à l’ensemble des micro-entrepreneurs ». Une telle mesure « les aiderait dans leurs parcours d’accession au crédit et les protègerait dans le cadre d’éventuelles procédures collectives », estime le groupe de travail.
Améliorer la prévention et le traitement des difficultés des entrepreneurs individuels
Jugées « efficaces » par le CCSF, les procédures amiables de prévention des difficultés que sont le mandat ad hoc, la conciliation et le règlement amiable agricole, sont « peu » utilisées par les EI. Le Comité appelle donc à la réalisation d’« une étude approfondie sur l’accès des entrepreneurs individuels aux dispositifs de prévention des difficulté ».
Les dispositifs de traitement des difficultés manquent de lisibilité pour les entrepreneurs individuels, marqués à la fois par leur complexité et la méconnaissance des intéressés. Les professionnels peuvent toujours faire l’objet d’une procédure collective, à leur demande ou à celle d’un tiers. Nouveauté : « si leur situation financière est irrémédiablement compromise, ils peuvent dorénavant bénéficier de la procédure de traitement du surendettement ».
L’Autorité préconise une simplification et une clarification du « parcours des entrepreneurs individuels en difficulté après le point d’entrée unique » au tribunal judiciaire ou de commerce, susceptible d’être compétent à la fois pour la procédure collective et la procédure de surendettement touchant un entrepreneur individuel (C. com., art. L. 681-1).
Mieux informer les entrepreneurs individuels concernant leurs obligations vis-à-vis des consommateurs
Les EI souffrent d’un manque d’accompagnement. À rebours d’autres professionnels, ils sont susceptibles de ne pas disposer de « compétences internes spécialisées (juristes, comptables, service clientèle, etc.) », pouvant les appuyer au moment de la création et de l’exercice de l’activité.
Aussi, le CCSF recommande de « systématiser l’envoi aux EI d’informations essentielles, sur leurs droits, mais également sur leurs obligations ». En particulier, il est nécessaire de les informer de leurs obligations « lorsque leurs activités impliquent un consommateur » et induisent l’application du droit de la consommation.
Établir de nouvelles données concernant les entrepreneurs individuels
Environ la moitié des entrepreneurs individuels immatriculés ne cotisent pas, constate le Comité consultatif du secteur financier, citant, parmi des sources éventuelles de cette différence, le fait que certains professionnels dégagent un chiffre d’affaires sans le déclarer, « échappant au prélèvement de cotisations sociales ». Le CCSF recommande l’établissement d’une analyse des « raisons qui expliquent l’écart important entre EI immatriculés et EI cotisants ».
Il propose enfin la réalisation d’« une cartographie annuelle des entrepreneurs individuels ». Objectif : « éclairer les politiques publiques en faveur de cette catégorie d’entrepreneurs ».
À la fin de l’année 2024, 7,09 millions d’EI étaient immatriculés, un volume en hausse de 9,2 % par rapport à l’année précédente.
Rapport du CCSF sur les évolutions liées au nouveau statut de l’entrepreneur individuel, avr. 2025
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