Compétence de l’Autorité de régulation des transports en matière de règlement des différends liés au transport ferroviaire

L’Autorité de régulation des transports est compétente, en application de l’article L. 1263-2, I, du code des transports, pour connaître à la fois des différends relatifs à la tarification tant de l’accès au réseau ferroviaire que de l’accès aux installations de service et de ceux relatifs à la mise en œuvre de cette tarification.

Cet arrêt du 16 octobre 2024 concerne un différend qui oppose la région Nouvelle-Aquitaine à SNCF gares & connexions, société à capitaux publics chargée de la gestion des gares voyageurs du réseau ferré national français. Cette société a établi, pour l’année 2020, un document de référence des gares de voyageurs (le DRG 2020) qui a, conformément à l’article L. 2133-5, II, du code des transports, été soumis à l’Autorité de régulation des transports (ART), laquelle a émis un avis conforme le 28 février 2020. Le DRG recense les conditions d’accès aux gares et aux prestations pour le service horaire concerné. Mais, contestant le modèle économique retenu dans le DRG 2020 pour le calcul de la redevance due en contrepartie de l’accès aux gares et aux services qui y sont rendus, la région Nouvelle-Aquitaine a, sur le fondement de l’article L. 1263-2 du code des transports, saisi l’ART d’une demande de règlement de différend, aux fins de voir modifier ce document et de voir appliquer les modifications demandées rétroactivement à compter de 2014. L’ART a rejeté cette demande au motif qu’un tel différend échappait à sa compétence fondée sur l’article L. 1263-2 du code des transports (ART, décis. n° 2021-016 du 11 févr. 2021). La Cour d’appel de Paris a ensuite confirmé cette incompétence (Paris, pôle 5 - ch. 7, 27 oct. 2022, n° 21/03605), mais pas la Cour de cassation, qui accueille le pourvoi de la région Nouvelle-Aquitaine.

La Haute juridiction rend son arrêt au visa des articles L. 1263-2, I, 1°, a), et 2°, du code des transports et 17 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1820 du 29 décembre 2020, interprétés à la lumière de l’article 56, § 1, de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.

Elle rappelle la teneur de ces textes et procède à leur interprétation, en particulier celle de l’article L. 1263-2 du code des transports relatif au champ de compétence de l’ART en matière de règlement des différends dans le domaine du transport ferroviaire. Elle affirme que le I, 1°, de cet article, « en tant qu’il met au nombre des différends liés à l’accès au réseau ferroviaire, ceux qui se rapportent au contenu du document de référence du réseau, fait, en raison de la teneur de ce document, entrer dans la compétence de l’ART tant les différends afférents au système de tarification que ceux afférents à sa mise en œuvre ». Il en résulte, ajoute-t-elle, qu’« en conférant à l’ART, à l’article L. 2133-5 du code des transports, le pouvoir de contrôler ex ante la tarification en dehors de toute demande de règlement de différend, le législateur national n’a pas entendu priver l’ART, saisie d’un différend, du pouvoir de contrôler ex post cette même tarification. En outre, si sont seuls cités à l’article L. 1263-2, I, 2°, de ce code, au nombre des différends liés aux installations de services, les différends liés à la fourniture et à la mise en œuvre de la tarification des services de base fournis dans les installations de service et des prestations complémentaires et connexes, il se déduit de l’emploi du terme « y compris », précédant la désignation de ces deux dernières catégories de différends, que la compétence de l’ART pour connaître des différends liés aux installations de service n’est pas limitée à celles-ci (pt 10). Il s’ensuit, affirme la Cour de cassation, que « l’ART est compétente, en application de l’article L. 1263-2, I, du code des transports, pour connaître à la fois des différends relatifs à la tarification tant de l’accès au réseau ferroviaire que de l’accès aux installations de service et de ceux relatifs à la mise en œuvre de cette tarification ». La Haute juridiction, curieusement contrairement à l’ART elle-même, se prononce donc en faveur d’une compétence élargie de cette dernière en matière de règlement des différends liés au transport ferroviaire.

La Cour de cassation casse dès lors l’arrêt d’appel en ce qu’il a limité le pouvoir de l’ART de statuer en matière de règlement des différends à la seule mise en œuvre de la tarification des redevances d’accès aux gares et installations de service, ne méconnaît pas les dispositions de l’article 56 de cette directive. Elle renvoie l’affaire non pas à la Cour d’appel de Paris, mais à l’ART qui devra à présent trancher le différend qui lui est soumis sur le fond.

 

Com. 16 oct. 2024, FS-B, n° 22-23.219

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