Comprendre le nouveau régime social des indemnités de rupture conventionnelle

Réduire le nombre des ruptures conventionnelles individuelles des seniors : c'est l'objectif du nouveau régime social qui s'applique à ces indemnités depuis le 1er septembre, celui sur les indemnités de mise à la retraite étant aussi modifié. Explications.

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFRSS) du 14 avril 2023 prévoit l'allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein (jusqu'à 43 ans) et le report à 64 ans (à partir de la génération 1968) de l'âge légal de départ à la retraite (lire notre dernier article sur les décrets parus et notre infographie). Ce texte comporte aussi une disposition modifiant le régime social de l’indemnité versée au salarié ayant signé avec son employeur une rupture conventionnelle. 

Qu'est-ce que la rupture conventionnelle ?

C'est un mode de rupture du contrat de travail, plus "souple" que le licenciement. Le salarié et l'employeur conviennent de se séparer par accord, moyennant le versement d'une indemnité de rupture au moins égale à l’indemnité de licenciement. Avantage par rapport au licenciement : la rupture est supposée être moins brutale car négociée, et, pour l'employeur, elle n'a pas à être justifiée par un motif, même si l'administration la contrôle en l'homologuant. Avantage par rapport à la démission : le salarié conserve un droit à l'assurance chômage. 

Il existe aussi une rupture conventionnelle collective (RCC) : l'employeur et les organisations syndicales peuvent négocier un accord prévoyant plusieurs ruptures conventionnelles. Notons tout de suite que cet article n'évoque pas cette RCC qui fait souvent débat, car le régime social des RCC n'est pas modifié. 

Où est le problème ?

Cette disposition est victime de son succès : ce mode de rupture à l'amiable connaît une forte hausse, notamment pour les plus de 50 ans (+3% de ruptures conventionnelles en 2019 et 2020 et +4% en 2021 selon la Dares, le service statistiques du ministère du travail). Au moment où le gouvernement justifie sa réforme de retraite par la nécessité d'avoir davantage d'actifs et donc davantage de travailleurs seniors en emploi, cela fait mauvais genre. L'exécutif a donc estimé nécessaire de revoir le régime social des indemnités de rupture afin de le rendre moins "attractif" pour les entreprises et les salariés âgés.

Le gouvernement juge en effet que le régime qui s'applique à la rupture conventionnelle individuelle intervenant avant l'âge légal de la retraite incitait les employeurs à se séparer de leurs salariés seniors. 

Quel est l'objectif  ?

Plus on est âgé, plus le taux d'emploi est faible en France, même s'il a progressé ces dernières années selon la Dares.

En effet, alors que les 25-49 ans sont très majoritairement en emploi (81,8%), cette part baisse à 75% pour les 55-59 ans et à 35,5% pour les 60-64 ans. Le gouvernement fait donc le pari qu'en taxant davantage les ruptures conventionnelles intervenant avant l'âge légal de départ à la retraite, il va mécaniquement faire diminuer leur nombre et donc faire progresser le taux d'emploi des séniors. Au passage, dans un contexte budgétaire difficile, il s'assure de nouvelles recettes, estimées entre 200 et 250 millions d'euros. 

Quel était le régime ?

La modification s'attaque à une différence de traitement concernant les prélèvements sociaux et fiscaux de l'indemnité de rupture conventionnelle. 

Jusqu'alors, tout dépendait si le salarié était ou non en mesure de bénéficier d'une pension de retraite à la date de sa rupture. Si c'était le cas, l'indemnité était intégralement imposable et également assujettie aux cotisations sociales et à la CSG/CRDS (mais le forfait social n'était pas applicable).

Si le salarié n'était pas dans cette situation, l'indemnité était fiscalement et socialement très avantageuse (voir notre tableau). 

Qu'est-ce qui change ?

Depuis le 1er septembre (voir notre tableau ci-dessous), toutes les indemnités de rupture conventionnelle inviduelle ont le même régime social. La distinction selon que le salarié est ou non en âge de partir à la retraite ne joue plus.

► L'indemnité de rupture est donc soumise à une contribution patronale spécifique au taux de 30% (art. L. 137-12 du code de la sécurité sociale). Cela représente une hausse de 10 points (par rapport au forfait social de 20% qui s'appliquait auparavant) pour les ruptures conventionnelles de salariés n’ayant pas atteint l’âge légal de la retraite.

Ce prélèvement s'applique aussi à l'indemnité versée lors de la mise à la retraite d'un salarié à l'initiative de l'employeur, ce qui à l'inverse représente une baisse de 20 points pour l'employeur. Autrement dit, l'employeur n'a plus intérêt à choisir une rupture conventionnelle plutôt qu'une mise à la retraite.

► L'indemnité de rupture est exonérée de cotisations sociales jusqu'à 2 fois le Pass, le plafond annuel de la Sécurité sociale (soit 87 984€ en 2023). 

Attention, l'indemnité de rupture conventionnelle versée à un salarié en droit de bénéficier d'une pension de retraite est soumise intégralement à l'impôt sur le revenu. Ce n’est pas le cas (dans la limite de 6 plafonds annuels de la sécurité sociale) pour les salariés qui n’ont pas atteint l’âge de départ  à la retraite.

Quels effets ?

Ces changements alourdissent le coût des ruptures conventionnelles individuelles. Cela dissuadera-t-il les entreprises d'y recourir pour les seniors ? A suivre...

(1) La contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sont prélevées sur les revenus d'activité (comme les salaires) et de remplacement (allocations chômage, indemnités maladie) et elles s'appliquent aussi aux revenus du patrimoine et du capital.

 

© Lefebvre Dalloz