Conditions de l’exception d’inexécution opposée par le preneur à la demande du bailleur en paiement des loyers
Le preneur peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser d’exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
Le preneur peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser d’exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
L’exception d’inexécution
Par cet arrêt, la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles le locataire, qui se trouve privé de la jouissance de la chose louée en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, peut lui opposer l’exception d’inexécution pour refuser de payer les loyers.
Rappelons que l’exception d’inexécution ne peut être invoquée par le locataire qu’en cas d’impossibilité totale d’occuper les locaux (Civ. 3e, 10 oct. 2024, n° 22-24.395, AJDI 2025. 209
, obs. P. Haas
; RCJPP 2025, n° 03, p. 66, chron. S. Gonon et E. Morgantini
; Administrer 11/2024. 21, note J.-D. Barbier ; Gaz. Pal. 17 déc. 2024. 67, note R. Conseil). De simples infiltrations qui ne rendent pas les locaux impropres à l’usage auquel ils sont destinés ne permettent pas de faire jouer l’exception d’inexécution (Civ. 3e, 6 juill. 2023, n° 22-15.923, Dalloz actualité, 22 sept. 2023, obs. J.-D. Barbier et S. Valade ; D. 2023. 1309
). Des troubles partiels peuvent permettre de demander une réduction du prix, mais non de mettre en œuvre l’exception d’inexécution (Civ. 3e, 10 oct. 2024, n° 22-24.395, préc.).
En l’occurrence, dans le cadre d’un bail dérogatoire de vingt-trois mois, le locataire se trouvait débiteur de loyers. Mais du fait d’un dégât des eaux important, les locaux étaient devenus impropres à leur usage. Le locataire les avait d’ailleurs quittés et demandait judiciairement des dommages-intérêts, tandis que le bailleur demandait le paiement des loyers.
Inutilité d’une mise en demeure préalable
La cour d’appel avait condamné le locataire à payer les loyers, estimant que l’exception d’inexécution n’avait pas pu jouer. Selon les juges du fond, le locataire ayant informé la bailleresse de l’état du local et de l’impossibilité d’exploiter par une mise en demeure en date du 1er novembre 2016, elle ne pouvait pas invoquer l’exception d’inexécution pour les loyers antérieurs à cette date.
La Cour de cassation censure cette décision au motif que la cour d’appel, en exigeant une mise en demeure, a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
L’exception d’inexécution peut être mise en œuvre sans mise en demeure préalable.
Textes applicables
Cet arrêt a été rendu avant la réforme du droit des obligations par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. La Cour de cassation vise l’ancien article 1184, alinéa 1er, du code civil.
Mais sa décision s’inspire des nouveaux textes.
Depuis la réforme du 10 février 2016, l’exception d’inexécution est en effet expressément prévue à l’article 1219 du code civil : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
Le texte n’exige aucune mise en demeure préalable ni aucune notification particulière (à la différence, par ex., des dispositions de l’art. 1220 c. civ. qui, pour suspendre l’exécution d’une obligation, prévoient une notification a posteriori, ou de celles de l’art. 1222 qui permettent au créancier d’exécuter lui-même l’obligation mais seulement après une mise en demeure).
Civ. 3e, 18 sept. 2025, FS-B, n° 23-24.005
par Jehan-Denis Barbier et Séverine Valade, Avocats à la Cour
© Lefebvre Dalloz