Conditions de recevabilité des candidatures déposées à la SAFER

Seules les candidatures déposées dans le délai indiqué par l’avis prévu à l’article R. 142-3, alinéas 1 et 2, du code rural et de la pêche maritime peuvent être retenues par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) pour l’attribution des biens aux conditions proposées.

Les attributions de terrains contribuent à la réalisation des missions de la SAFER (C. rur., art. L. 141-1, II). Elles doivent poursuivre un but d’intérêt général, si bien que des conditions de fond et de forme sont posées pour le garantir. Les dispositions de l’article R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime posent des conditions générales et économiques. Hormis la primauté agricole, ces conditions ne permettent pas, en pratique, à un candidat non retenu de contester devant les juges les choix de la SAFER relativement aux compétences ou capacités à assurer la gestion ou la mise en valeur des biens attribués. En revanche, un recours sur le fondement du formalisme à respecter est plus ouvert.

Aussi, le contentieux relatif aux candidatures intéresse aussi le droit rural. En effet, lorsqu’une SAFER vend ou loue à bail rural un bien, elle doit procéder à un appel à candidatures. Elle procède pendant un certain délai à un affichage et recueille alors les candidatures, avant d’échanger avec les conseillers fonciers du secteur et de présenter et étudier celles-ci dans les instances consultatives. Le choix des candidats est opéré par ces instances et se trouve approuvé par les commissaires du gouvernement (ministère de l’Agriculture et des finances). Suit alors la signature d’un avant-contrat pour la préparation de l’acte notarié.

Cette procédure décrite pour l’attribution des biens ruraux prévoit donc des délais pour le dépôt des candidatures.

L’article R. 142-3 du code rural et de la pêche maritime, énonce en effet dans son premier alinéa que « Avant toute décision d’attribution, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural procèdent à la publication d’un appel de candidatures avec l’affichage à la mairie de la commune de la situation du bien, pendant un délai minimum de quinze jours, d’un avis comportant, notamment, la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d’urbanisme, s’il en existe. L’accomplissement de cette formalité est certifié par le maire qui adresse, à cette fin, un certificat d’affichage à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. Cet avis est également publié sur le site internet des préfectures de département et de région concernées ».

Dans le deuxième alinéa de l’article, il est précisé que « cet avis indique le délai, qui ne peut excéder quinze jours après la fin de l’affichage, dans lequel les candidatures doivent être présentées et précise que des compléments d’information peuvent être obtenus auprès du siège de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ».

Ces mesures de publicité s’imposent pour la plupart des cas d’attribution de manière à assurer une transparence aux opérations menées par la SAFER (les assouplissements réalisés par le décr. n° 2000-671 du 10 juill. 2000 concernant principalement les interventions à caractère public marqué).

Dans l’affaire commentée, une SAFER avait procédé le 7 septembre 2018 à un appel à candidature en vue de la rétrocession de parcelles situées sur le territoire de deux communes. Les candidatures devaient être déposées au plus tard le 1er octobre 2018. Une candidature a été déposée le 27 septembre par un premier candidat pour l’ensemble des parcelles. Le 30 avril 2019, la SAFER lui a notifié les décisions d’attribution des parcelles au profit de trois autres personnes. Le candidat évincé assigna la SAFER et les trois acquéreurs en annulation des décisions d’attribution et des actes de ventes.

La cour d’appel rejeta ses demandes. Cette juridiction a bien constaté que les attributaires des biens litigieux avaient formalisé leurs candidatures entre le 5 et le 16 octobre 2018, soit après la date limite de dépôt des candidatures qui avait été fixée au 1er octobre 2018. Mais elle a considéré que « s’il est donné un délai pour déposer les candidatures, par référence au délai minimum de quinze jours de l’affichage de l’appel de candidature prévu à l’article R. 142-3 du code rural et de la pêche maritime, aucune disposition n’exige à peine d’irrecevabilité de la candidature que celle-ci soit déposée impérativement à la date fixée dans l’avis ».

Le candidat écarté forma donc un pourvoi en cassation sur le moyen que la cour d’appel a violé l’article R. 142-3 précité.

Délai de candidature ou délai d’affichage de l’avis ?

La Cour de cassation devait donc interpréter cet article et déterminer s’il s’agit d’un délai pour les candidatures conditionnant leur recevabilité ou s’il s’agit d’un délai d’affichage de l’avis.

Le juge du droit casse l’arrêt d’appel au visa de l’article R. 142-3, alinéas 1 et 2, du code rural et de la pêche maritime. Après avoir rappelé le texte de l’article, elle énonce sobrement que « seules les candidatures déposées dans le délai indiqué par l’avis peuvent être retenues pour l’attribution des biens aux conditions proposées ». La Cour d’appel a donc violé ce texte.

En conséquence, il faut comprendre que le délai prévu à l’article R. 142-3 du code rural et de la pêche maritime est bien un délai conditionnant la recevabilité des candidatures.

Ainsi, si aucun texte ne précisait jusque-là les modalités de candidature laissant la forme libre, cette nouvelle exigence devrait inciter les candidats à procéder par voie de lettre recommandée avec accusé de réception pour se ménager la preuve d’une candidature effectuée dans les délais.

Suivant une jurisprudence bien établie, les conditions de publicité des décisions de rétrocession des SAFER sont prescrites à peine de nullité sans que le demandeur ait à rapporter la preuve d’un grief (v. par ex., Civ. 3e, 3 oct. 2007, AJDI 2008. 405, obs. S. Prigent ).

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la procédure décrite à l’article R. 142-3 du code rural et de la pêche maritime et d’inciter la SAFER à plus de rigueur dans le respect du formalisme (Civ. 3e, 20 mai 2021, n° 20-14.573, Dalloz actualité, 15 juin 2021, obs. J. Prigent).

La Haute Cour maintient son cap. En choisissant de publier au Bulletin cet arrêt de cassation, le juge du droit entend rappeler à tous le formalisme et la rigueur qui s’imposent en matière d’attribution de biens par la SAFER. C’est heureux pour assurer la transparence des missions de la SAFER.

 

Civ. 3e, 12 déc. 2024, FS-B, n° 23-17.997

© Lefebvre Dalloz