Confirmation tacite du contrat nul et reproduction des dispositions applicables

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 31 août 2022, la Cour de cassation précise le régime applicable à la confirmation d'un acte nul quand les dispositions du code de la consommation sont reproduites de manière lisible dans le contrat.

Voici un arrêt intéressant à la croisée des chemins entre droit de la consommation et théorie générale du contrat. La confirmation de l'acte nul n'a, en effet, que peu l'occasion d'être sous le feu des projecteurs dans des arrêts publiés au Bulletin de la Cour de cassation. Ce ]]> Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 425, n°Â 477). L'arrêt rendu par la première chambre civile le 31 août 2022 permet de mieux comprendre les enjeux de la question en droit de la consommation, notamment dans le cas assez fréquent de la reproduction des dispositions applicables issues du Code de la consommation dans le contrat conclu entre le professionnel et le consommateur. Rappelons les faits pour comprendre ce qui a conduit au pourvoi ayant donné lieu à l'arrêt. La situation est classique : une personne physique a conclu hors établissement deux contrats de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques, lesquels ont été financés par deux emprunts souscrits le même jour avec une seconde personne physique. Les emprunteurs ont assigné tout à la fois la société de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques et les deux établissements bancaires concernés par les prêts en nullité des contrats conclus. Ils invoquent une insuffisance dans le bon de commande concernant le prix des biens et des services (ce qui est très classique en la matière, v. Civ. 1re, 2 juin 2021, n°Â 19-22.607, Dalloz actualité, 15 juin 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 1132 ) ainsi que l'absence des coordonnées du démarcheur dans ledit bon. La cour d'appel de Douai, tout en voyant un cas de nullité des contrats de fourniture et d'installation litigieux relève qu'il n'y a aucune confirmation de la part des acquéreurs, et ce en dépit des conditions générales figurant au verso qui reprenaient les dispositions du Code de la consommation. La société d'installation des panneaux et les deux établissements bancaires se pourvoient en cassation. Ces sociétés, demanderesses à la cassation, estiment qu'il y avait là un cas de confirmation tacite puisque les dispositions reproduites permettaient d'informer le consommateur sur le vice.

La première chambre civile donne raison à cette argumentation en rappelant que «Â la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions ». Voici donc une motivation qui permet de retenir la confirmation tacite dans un certain nombre de situations. Étudions ceci plus en détail.

De la lecture des conditions générales

La première chose qui peut frapper à la lecture de l'arrêt du 31 août 2022 est la généralité des termes employés au paragraphe central de la motivation reproduit précédemment (pt 6 de l'arrêt). La phrase ne laisse que peu de place au doute ou à l'interprétation : la reproduction suffit à elle seule pour s'assurer que le souscripteur prenne connaissance du vice qui a résulté de l'inobservation par le professionnel des dispositions protectrices du Code de la consommation. La solution serait fondée sur une déduction de bon sens : si sont reproduites les dispositions applicables au formalisme légal au sein des stipulations contractuelles, le consommateur aurait nécessairement exécuté le contrat en connaissance de cause.

La situation peut paraître toutefois légèrement délicate à justifier en raison d'un constat entaché de pragmatisme. Peu de consommateurs lisent les conditions générales souvent rédigées dans un vocabulaire âpre et peu compréhensible pour le non-juriste. Or, entre ces stipulations peu lisibles, se situent parfois comme ici des dispositions du code de la consommation qui n'auront pas été lues par le consommateur non plus car noyées dans une masse d'information difficile à intégrer. La seule réserve sera donc que les dispositions soient «Â lisibles » comme le note la première chambre civile de la Cour de cassation. Ceci permet-il de relativiser le constat que nous venons de dresser ? On peut en douter car la solution suppose que le consommateur se réfère immédiatement au contrat et réalise une démarche de déduction parfois compliquée pour des personnes n'ayant pas de réflexes en droit.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait que trop conseiller aux professionnels, par exemple, d'encadrer les dispositions applicables pour pouvoir maximiser la possibilité d'utiliser la confirmation tacite. Cette solution, qui leur est favorable (et c'est plutôt rare), ne doit pas être dévoyée : la lisibilité est contrôlée par les juges du fond en tant qu'élément de fait. L'encadré n'est pas la seule solution, les dispositions peuvent également être en plus gros caractères ou en caractères gras.

De l'extension du domaine de la confirmation

L'arrêt du 31 août 2022 est publié au Bulletin à dessein car il peut avoir des répercussions sur un nombre important de contrats. Les contrats, hors établissement, sont une catégorie du droit de la consommation dont on sait qu'elle est régie par des règles spécifiques donnant lieu fréquemment à un contentieux régulier devant la Cour de cassation (v. par ex. sur l'individualisation du prix dans le bon de commande, Civ. 1re, 2 juin 2021, n°Â 19-22.607, préc. ; sur la précision des délais d'exécution, v. Civ. 1re, 15 juin 2022, n° 21-11.747, Dalloz actualité, 27 juin 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1148 ).

La solution commentée ne va-t-elle pas à rebours de l'objectif même du code de la consommation ? Il faut probablement ne pas y voir une telle conclusion trop hâtivement. L'arrêt permet, au contraire, de ne pas donner une omnipotence au consommateur bien informé des vices et qui a décidé d'exécuter en dépit de ceux-ci le contrat. Il s'agit alors d'une victoire intéressante de la théorie générale de l'obligation sur le droit spécial : le cas de confirmation tacite ne doit pas nécessairement s'incliner nécessairement face à l'impératif de protection. Mais cette extension du domaine de la confirmation de l'acte nul a de quoi être discuté : peut-on réellement attendre du consommateur une telle déduction du vice quand les dispositions sur le formalisme sont reproduites ? Si on pousse le raisonnement, ceci voudrait dire que le consommateur était de mauvaise foi au moment de l'introduction de l'instance. Connaissant le vice au moment de son exécution volontaire, il serait mal fondé de demander la nullité d'un acte qu'il a commencé à exécuter en toute connaissance de cause. Curieux et singulier retournement de situation en droit de la consommation, peut-on au moins dire.

Voici donc un arrêt fort intéressant à la croisée des chemins permettant de sauvegarder la force obligatoire quand les deux parties d'un contrat nul d'une nullité relative souhaitent le maintenir, et ce en dépit des règles protectrices du droit de la consommation.

 

Civ. 1re, 31 août 2022, F-B, n° 21-12.968

Cédric Hélaine

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