Conformité au droit européen de la taxe générale sur les activités polluantes

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que, selon l’article 1er, § 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 sur les accises, les seules conditions à respecter par les impositions indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise sont de poursuivre une ou plusieurs finalités spécifiques et d’être conformes à l’économie générale des accises ou de la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d’exigibilité et de contrôle de l’impôt telles qu’organisées par la réglementation de l’Union européenne.

Il est question d’une société, Sopecal, qui commercialise des hydrocarbures. Elle est soumise à ce titre au prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes – dite « TGAP sur les carburants » – prévue à l’article 266 quindecies du code des douanes. Or, à la suite d’un contrôle, l’administration des douanes a relevé à l’encontre de la société Sopecal un défaut de déclaration et de paiement de la TGAP sur les carburants pour la période du 1er janvier 2010 au 18 octobre 2010. Elle a de ce fait a émis contre cette société un avis de mise en recouvrement (AMR), à hauteur de 2 798 456 €. La réclamation de la société Sopecal ayant été rejetée, cette dernière a alors assigné l’administration des douanes en annulation de l’AMR et de la décision de rejet et en décharge de la taxe mise en recouvrement. Sa demande est rejetée tant par les juridictions du fond que par la Cour de cassation, devant laquelle elle avait formé un pourvoi. Dans son pourvoi, elle avance l’argument suivant : l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise (dite « directive sur les accises ») s’oppose au maintien d’une « taxe indirecte à finalité spécifique » comme celle de l’article 266 quindecies du code des douanes, à savoir la TGAP sur les carburants, dont les caractéristiques sont incompatibles avec l’économie générale des règles des droits d’accise. Elle ajoute que la répercussion de cette taxe sur le consommateur final est un élément fondamental du régime juridique de l’accise, qu’une taxe indirecte supplémentaire nationale doit nécessairement respecter. En jugeant au contraire que la répercussion sur le consommateur n’était qu’une faculté pour les États membres, la cour d’appel aurait violé l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE.

Le pourvoi est donc rejeté. La Cour de cassation rappelle d’abord la teneur de ce texte : aux termes de celui-ci, les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations (pt 7). Elle procède ensuite à une analyse de l’application de cet article par la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que des textes qui l’ont précédé (à savoir l’art. 3, § 2, de la dir. 92/12/CEE du 25 févr. 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, dont la teneur n’est, en substance, pas différente ; v. en ce sens, CJUE 5 mars 2015, Statoil Fuel & Retail, aff. C-553/13, pt 34, RTD eur. 2016. 77, obs. D. Berlin ).

Ce dont Cour de cassation déduit, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que, selon l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, les seules conditions à respecter par les impositions indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise sont de poursuivre une ou plusieurs finalités spécifiques et d’être conformes à l’économie générale des accises ou de la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d’exigibilité et de contrôle de l’impôt telles qu’organisées par la réglementation de l’Union (pt 11). Elle ajoute qu’après avoir retenu que la TGAP sur les carburants prévue à l’article 266 quindecies du code des douanes est une taxe indirecte supplémentaire sur les carburants à finalité spécifique au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE, l’arrêt d’appel énonce exactement que ce dernier texte « n’impose pas aux États membres de répercuter une telle taxe sur le consommateur final, cette répercussion n’étant qu’une possibilité » (pt 12).

D’autre part, la Cour de cassation énonce que l’arrêt d’appel a relevé que le prix CAF – c’est-à-dire le prix coût, assurance et fret inclus – servant à déterminer l’assiette de la TGAP sur les carburants n’est pas le prix réel des marchandises mais une moyenne par unité de volume applicable sur l’ensemble du quadrimestre, que le taux de la TGAP sur les carburants est aussi calculé en fonction des volumes de biocarburant incorporés dans l’essence ou le gazole mis à la consommation, de sorte que cette taxe n’est pas exclusivement calculée par rapport à la valeur du produit, mais tient aussi compte de sa qualité, et que la TGAP sur les carburants est exigible au moment de la mise à la consommation des produits, quand bien même le paiement n’intervient que le 10 avril de l’année suivante (pt 13).

La Cour de cassation conclut en affirmant que de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que « la TGAP sur les carburants respectait les règles de taxation applicables aux accises et remplissait ainsi la seconde condition posée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE ». La TGAP sur les carburants est donc conforme à la directive européenne sur les accises.

 

Com. 10 juill. 2024, F-B, n° 22-17.669

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