Consigne des bouteilles : tous unis contre son déploiement
C'est en 2023 que l'éventuelle mise en place de la consigne des bouteilles en plastique doit être décidée. Des associations de collectivités se mobilisent contre cette initiative et alertent sur le risque de complexification des habitudes de tri pour les citoyens ou la menace de l'équilibre financier du service public de la gestion des déchets.
L’article 66 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) a fixé d’ambitieux objectifs de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson : 77 % en 2025 et 90 % en 2029. Si ces objectifs ne sont pas respectés, un dispositif de consigne peut être imposé (C. envir., art. L. 541-10-11).
Qu’est-ce-que la consigne des bouteilles en plastique ?
La loi AGEC prévoit que l'ADEME publie chaque année une évaluation des performances de la collecte et du recyclage des bouteilles en plastique pour boisson. Au vu de ces bilans annuels et si les performances cibles ne sont pas atteintes, le gouvernement définit après la publication du bilan réalisé en 2023, après évaluation des impacts économiques et environnementaux et concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités en charge du service public des déchets, les modalités de mise en œuvre d'un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi.
Le principe de la consignation est simple : lors de l’achat d’une boisson emballée d’une bouteille plastique PET (polyéthylène téréphtalate), le consommateur verse une somme (la consigne) de quelques centimes d’euros afin de l’inciter à ramener cette bouteille dans un circuit de collecte spécifique en échange de cette consigne.
Une concertation contraire à l’esprit de la loi
En janvier, la secrétaire d’État chargée de l’écologie a lancé une concertation nationale sur la consigne. Près de 70 structures (industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus de consommateurs, etc.) doivent se réunir plusieurs fois jusqu’en juin prochain pour discuter de l’éventuelle mise en place éventuelle d'une consigne des bouteilles et des solutions alternatives.
Le législateur avait exigé la remise préalable d’un bilan par l’ADEME avant le début de la concertation avec les parties prenantes. Le gouvernement a agi dans le désordre en lançant cette concertation sans disposer des éléments d’expertise nécessaires, d’autant que d’autres volets de la loi AGEC ont pris du retard (mise en place des filières REP, déploiement de la collecte « hors foyer », etc.).
La Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat exercera sur cette concertation une vigilance renforcée et se montrera attentive à ce que le débat déjà engagé soit le plus complet possible. Par exemple, l’opportunité d’une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique doit s’apprécier globalement et de manière équilibrée, au regard de l’objectif de 90 % de collecte pour recyclage en 2029, mais également de celui de réduction de 50 % du nombre de bouteilles en plastique à usage unique d’ici 2030.
Les élus opposés à la consigne
Intercommunalités de France, l’ANPP (Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays), l’AMF (Association des maires de France), Amorce, l’APVF (Association des petites villes de France), le Cercle National du Recyclage, France urbaine et Villes de France s’unissent pour lancer un groupe de travail inter-associatif. L’objectif est de travailler sur des propositions communes en parallèle de la concertation.
Ces associations estiment que l’introduction d’une consigne pour recyclage sur les bouteilles en plastique complexifierait les habitudes de tri pour les citoyens, alors même que depuis le 1er janvier 2023, le geste de tri unique pour l’ensemble des emballages en plastique a été généralisé à la France entière (extension des consignes de tri).
La consigne menace l’équilibre financier du service public de la gestion des déchets, alors que les collectivités ont porté de lourds investissements pour mener à bien l’extension du geste de tri, notamment pour adapter les centres de tri.
En outre, la formule de calcul du coût net de référence prévoit que les baisses de prix de reprise qui sont calculées sur la moyenne des 4 années glissantes soient compensées à hauteur de 80 %. Les bouteilles de boissons de PET qui seraient consignées ne seraient donc plus collectées et triées par les collectivités locales et donc la recette de vente n’existerait plus. A partir du moment où la consigne serait effectivement mise en place, les éco-organismes devront continuer de couvrir 80 % des coûts nets de référence qui sera impacté par la baisse des prix de reprise pour les collectivités.
La consigne représente une double peine pour les contribuables redevables de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), amenés à devoir se rendre en grande surface ou autre point de collecte pour recycler leurs bouteilles en plastique.
La consigne pour recyclage des bouteilles en plastique peut aggraver les distorsions de concurrence entre la grande distribution et les commerces de proximité qui ne bénéficieront pas des automates de consignation.
Enfin, ce mécanisme revient à faire sortir les bouteilles en plastique du dispositif de collecte sélective géré dans le cadre de la filière REP des emballages. Ainsi, les recettes des éco-organismes devenant insuffisantes, les éco-contributions des autres produits emballés devront augmenter pour les metteurs sur le marché.
© Lefebvre Dalloz