Contestation de résolutions de l’assemblée générale et interruption du délai de forclusion

Une demande subsidiaire en annulation de diverses résolutions d’une assemblée générale tendant aux mêmes fins que la demande en annulation de l’assemblée en son entier, le délai de forclusion de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 est interrompu par la délivrance de l’assignation en nullité de l’assemblée générale en son entier.

Conformément à l’article 42, alinéa 2, de loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée.

Dans l’affaire ayant débouché sur l’arrêt sous étude, un copropriétaire a introduit dans le délai requis une action en annulation, en son entier, d’une assemblée générale. Puis, par le biais de conclusions additionnelles, il est procédé à une demande subsidiaire d’annulation de certaines résolutions adoptées lors de l’assemblée litigieuse. Or, ces conclusions ayant eu lieu après l’expiration du délai de deux mois visé par ledit article 42, leur recevabilité est contestée.

Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Paris va rejeter les demandes en annulation des résolutions au motif qu’elles reposent sur des moyens distincts de ceux formulés au soutien de la demande en annulation de l’assemblée générale en son entier. Le délai de contestation étant expiré, la demande est ainsi considérée comme tardive (Paris, 12 oct. 2022, n° 18/26614). La Cour de cassation va censurer la décision des juges du fond, notamment au visa de l’article 2241 du code civil.

Du régime particulier du délai préfix

Le délai de forclusion de l’article 42, alinéa 2, de la loi de 1965 est un délai préfix (Civ. 3e, 4 juin 2003, n° 02-11.134, AJDI 2003. 676 , obs. P. Capoulade ). Par conséquent, il ne peut faire l’objet d’une suspension ou d’une interruption, sauf dans les cas expressément prévus à cet effet. Ainsi, les règles de l’article 642 du code de procédure civile visant à proroger les délais expirant un samedi, dimanche ou un jour férié ou chômé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ne s’appliquent pas. De même, le délai de deux mois est applicable lorsque la contestation de l’assemblée générale est formulée par voie d’exception (Paris, 2 févr. 2011, n° 06/22194).

En revanche, conformément à l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion, y compris lorsqu’elle est formulée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine est annulé par l’effet d’un vice de procédure. La question soumise à la Cour de cassation est ainsi de savoir si l’interruption du délai de deux mois de l’article 42, alinéa 2, de la loi de 1965 s’étend au-delà de l’objet de l’action initiale et peut bénéficier aux demandes subsidiaires d’annulation de certaines résolutions.

De l’interruption du délai de forclusion

Sur le principe, l’interruption du délai, qu’il soit de prescription ou de forclusion, est attachée à une demande en justice et ne s’étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet (Civ. 3e, 19 janv. 2000, n° 98-13.773, D. 2000. 177 , obs. Y. Rouquet ; RDI 2000. 259, obs. J. Derruppé ). Toutefois, il en va autrement lorsque les deux actions, quoiqu’ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but (Civ. 3e, 22 sept. 2004, n° 03-10.923, D. 2004. 2549, et les obs. ; RDI 2004. 569, obs. P. Malinvaud ).

Et c’est précisément en ce sens que la Cour de cassation va statuer ici. Ainsi, selon la Haute juridiction, « une demande subsidiaire en annulation de diverses résolutions d’une assemblée générale tend aux mêmes fins que la demande en annulation de l’assemblée générale en son entier, de sorte que la demande subsidiaire étant virtuellement comprise dans la demande principale initiale, le délai de forclusion de l’action en nullité des décisions d’assemblée générale avait été interrompu par la délivrance de l’assignation en nullité de l’assemblée générale en son entier ». L’action du copropriétaire est donc recevable.

La décision de la Cour de cassation est conforme à sa position concernant l’application de l’article 2241 du code civil. Elle fait également écho à un arrêt de 2023 selon lequel une demande en annulation de résolutions formulées par voie de conclusion ne peut être rejetée sans rechercher si la demande initiale en annulation de l’assemblée générale en son entier avait été formée ou non hors délai (Civ. 3e, 21 sept. 2023, n° 22-16.090, AJDI 2024. 49 , obs. P.-É. Lagraulet ).

 

Civ. 3e, 4 juill. 2024, FS-B, n° 22-24.060

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