Contrats de capitalisation et d’assurance vie : devoir de conseil issu de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte
Le pouvoir règlementaire précise le devoir de conseil dû au cours de l’exécution du contrat en application de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte. Que survienne un changement dans la situation du preneur d’assurance, qu’une opération soit décidée qui affecte le contrat d’une façon significative ou, même, que le contrat soit en sommeil, le professionnel de l’assurance doit vérifier que ce dernier continue de satisfaire aux besoins de son titulaire.
La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte avait significativement enrichi les dispositions de l’article L. 522-5 du code des assurances relatif au conseil et à l’information due par l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance en amont de la souscription d’un contrat d’assurance vie comportant une valeur de rachat ou de celle d’un contrat de capitalisation. Créé par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, l’article renforçait initialement les obligations pesant sur le professionnel d’assurance (comp. C. assur., art. L. 132-27-1, anc.), l’obligeant – mesure phare du texte qui demeure en l’état – à préciser « par écrit les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur éventuel ou l’adhérent éventuel, ainsi que les raisons justifiant le caractère approprié du contrat » : il n’était plus question de fournir seulement des informations objectives sur le produits d’assurance sous une forme claire, exacte et non trompeuse, de façon que le preneur d’assurance prenne une décision en connaissance de cause. L’article ajoutait (al. 2) que l’intermédiaire d’assurance ou l’entreprise d’assurance devait, à l’occasion de la conclusion du contrat, s’enquérir auprès du preneur « de sa situation financière et de ses objectifs d’investissement, ainsi que de ses connaissances et de son expérience en matière financière ». En même temps qu’il décidait de faciliter la mobilisation de l’épargne en vue de financer le développement de l’industrie verte, le législateur s’était proposé de « renforcer le devoir de conseil [des professionnels de l’assurance] afin de le rendre effectif tout au long de la vie du contrat » (Loi n° 2023-973 du 23 oct. 2023, exposé des motifs).
Chose sera faite le 24 octobre 2024 lorsque les dispositions de l’article 35 entreront en vigueur. Alors, sera créé le III de l’article L. 522-5 du code des assurances fixant les obligations dues par le professionnel de l’assurance en cours d’exécution du contrat. Y sont distinguées trois situations différentes, sous les numéros 1°, 2° et 3°. D’abord, le texte commande une réitération des obligations d’information et de conseil existant en amont de la conclusion du contrat lorsque l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance « est informé d’un changement dans la situation personnelle et financière du souscripteur (…) ou dans ses objectifs d’investissement » (1°) ou « à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative » (3°). Ensuite, le texte vise l’hypothèse dans laquelle le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération au cours d’une certaine durée, ou qu’il n’a fait l’objet que d’opérations programmées : le professionnel de l’assurance est alors tenu à une « actualisation des informations recueillies » en amont de la souscription ou lors du dernier changement de situation personnelle « afin de s’assurer que le contrat demeure approprié ou, selon le cas, adéquaté aux exigences et aux besoins exprimés par le preneur d’assurance » (2°). Si détaillée dans les déclinations du devoir de conseil qu’elle est, la loi ne se suffit pas à elle-même. À plusieurs reprises, le III de l’article L. 522-1 du code des assurances renvoie à un arrêté le soin de préciser ses conditions d’application : l’arrêté du 12 juin 2024 y pourvoit.
L’arrêté complète la partie règlementaire du code des assurances en insérant au sein du titre II du livre V un nouveau chapitre II intitulé « Règles de conduites relatives au devoir de conseil dans la durée en ce qui concerne les contrats de capitalisation et certains contrats d’assurance vie ». Ce chapitre si élégamment dénommé est constitué d’un seul et unique article, le nouvel article A. 522-2, lequel est divisé en deux parties (I et II) intéressant respectivement le 2° et le 3° du III de l’article L. 522-1 du code des assurances.
Information en l’absence d’opérations ou en présence exclusive d’opérations programmées
Le pouvoir règlementaire fixe, en premier lieu, la durée à l’aune de laquelle s’apprécie le sommeil affectant le contrat qui nécessite que l’intermédiaire d’assurance ou l’entreprise d’assurance vérifie la pertinence de celui-ci. Cette durée est de quatre années, ou bien seulement de deux années lorsqu’un service de recommandation personnalisée est fourni. Pour mémoire à cet égard, la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurance et l’article L. 521-4 du code des assurances classent en différents niveaux la qualité du conseil dû par les intermédiaires et les entreprises d’assurance. Si, en tout état de cause, doit être délivré un conseil « socle » obligeant à proposer un contrat cohérent et appropriés aux besoins et exigences du client (niveau 1), le professionnel de l’assurance peut s’engager à fournir au client un service de recommandation personnalisé consistant à lui expliquer pourquoi, parmi plusieurs contrats, un ou plusieurs contrats correspondent « le mieux » à ses exigences ou ses besoins (niveau 2). Précision qui a son utilité ponctuelle : l’arrêté servant l’application des dispositions légales n’entrera en vigueur qu’au jour de l’entrée en vigueur de celles-ci, soit le 24 octobre 2024, l’article 2 de l’arrêté prévoit de façon cohérente que les durées de quatre ou deux ans commencent à s’appliquer au jour de l’entrée en vigueur du texte réglementaire, c’est-à-dire à cette même date.
En second lieu, le I de l’article A. 522-2 du code des assurances fixe la liste limitative des « opérations programmées » qui ne manifestent pas le fonctionnement du contrat propre à faire cesser le décompte de la durée de quatre ou deux années. Sont visés les versements programmés, les rachats programmées et les arbitrages programmés.
En troisième lieu, est précisée, en cas de sommeil du contrat, l’étendue des diligences auxquelles est tenu l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance. En cas de refus opposé par le preneur d’assurance, ou si celui-ci ne répond pas à la demande formulée en application de la loi, le professionnel de l’assurance est libéré de procéder à l’actualisation des informations qu’il détient dès lors qu’il a procédé à une relance effectuée sur tout support durable. Cette libération n’est que temporaire : « la durée de 4 ans ou de 2 ans (…) est appliquée de nouveau à compter de ce refus ou de la relance ».
Opérations susceptibles d’affecter le contrat de façon significative
Le II du nouvel article A. 522-2 du code des assurances définit les opérations susceptibles d’affecter le contrat de façon significative contraignant l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance à réitérer les obligations dues en amont de la souscription du contrat. Sont visées, d’abord, un versement, un rachat ou un arbitrage (i) supérieur ou égal à 2 500 € et à 20 % de l’encours lorsque celui-ci est strictement inférieur à 100 000 €, (ii) supérieur ou égal à 30 000 € et à 25 % de l’encours lorsque celui-ci est supérieur ou égal à 100 000 €.
Sont visés, ensuite, le rachat, le versement ou l’arbitrage d’une unité de compte visée à la dernière phrase de l’article L. 132-5-4 : unités de compte constituées de catégories d’organismes de placement collectif principalement investis directement ou indirectement en actifs non cotés ou en titre visés à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier ou de titres de sociétés commerciales satisfaisant aux critères posés à l’article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 (sociétés de capital-risque). Enfin, sont réservés certains mouvements qui, a priori, ne caractérisent pas une opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative : les opérations programmées (par hypothèse, elles traduisent la prévisibilité, les rachats effectués au prorata des supports investis et les cas de rachat anticipés prévus dans le cadre des contrats liés à l’activité professionnelles des preneurs d’assurances ; C. mon. fin., art. L. 224-4 et C. assur., art. L. 132-23).
Mandat d’arbitrage de contrats d’assurance
Est daté du même jour une second arrêté fixant à quatre années la périodicité selon laquelle l’intermédiaire ou l’entreprise d’assurance titulaire d’un mandat d’arbitrage doit s’assurer que l’orientation de gestion ou, le cas échéant, le profil d’allocation reste cohérent avec les exigences et les besoins du mandant. Pour mémoire, l’article 35 de la loi n° 2023-973 (C. assur., art. L. 132-27-3, en vigueur au 24 oct. 2024) avait défini le mandat d’arbitrage comme « la convention par laquelle le souscripteur ou l’adhérent à un contrat d’assurance sur la vie ou de capitalisation, agissant en qualité de mandant, confie à une personne physique ou morale, agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles et en qualité de mandataire, la faculté de décider des arbitrages », ces derniers étant entendus comme la modification de la « répartition des droits exprimés en euros, des droits exprimés en unités de compte et des droits exprimés en parts de provision de diversification, au cours de la durée d’un contrat ou d’une adhésion ».
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