Conversion de peine en TIG et mise à exécution immédiate de la peine d’emprisonnement quel que soit le manquement

L’inexécution par le condamné du travail d’intérêt général mis en œuvre dans le délai fixé par la juridiction permet la mise à exécution, par le juge d’application des peines, de l’emprisonnement encouru, quand bien même ce délai n’est pas achevé. La conversion d’une peine d’emprisonnement en peine de travail d’intérêt général ne dispense pas le condamné de respecter les mesures de contrôle édictées et le manquement à ces obligations peut donner lieu à la mise à exécution de la période d’emprisonnement initialement prononcée.

Condamné à la peine de cinq mois d’emprisonnement pour des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants, un condamné voyait sa peine convertie par le juge de l’application des peines, par jugement du 9 juin 2023, en une peine de 175 heures de travail d’intérêt général (TIG) à exécuter dans un délai de dix-huit mois.

Le 4 juin 2024, cette dernière faisait l’objet d’une mise à exécution à hauteur de quatre mois d’emprisonnement prononcée par le juge de l’application des peines pour inexécution du TIG. Cette décision était confirmée par la cour d’appel qui refusait également la conversion de la peine de quatre mois d’emprisonnement en jours-amende.

L’intéressé formait alors un pourvoi arguant que le constat de l’inexécution du TIG par le condamné ne peut être fait qu’à l’expiration du délai qui lui est imparti pour son exécution. En outre, le requérant au pourvoi soutenait qu’en cas de conversion de peine d’emprisonnement en TIG, la méconnaissance des mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 du code pénal ne peut fonder la mise à exécution de la peine d’emprisonnement encourue.

Le délai pour exécuter le TIG n’est pas laissé à la discrétion du condamné

Apparue dans notre code pénal depuis 1983 et inspirée du community service order existant dans les pays anglo-saxons, la peine de TIG a fait l’objet de nombreuses modifications permettant désormais de la prononcer pour quasiment toutes les infractions. Elle peut en effet être prononcée à titre de peine principale, comme alternative à l’emprisonnement (C. pén., art. 131-8), ou de peine complémentaire, notamment pour les infractions au code de la route, mais encore comme obligation particulière d’un sursis probatoire (C. pén., art. 132-45). Si la juridiction ne l’a pas prononcée, il est possible au juge d’application des peines de la prononcer en conversion d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à six mois (C. pr. pén., art. 747-1) ou d’une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (C. pr. pén., art. 747-1-1).

Dans tous les cas, la juridiction prononçant cette peine doit déterminer la durée du travail à effectuer et fixer le délai d’exécution qui ne peut excéder dix-huit mois et prend fin dès le travail accompli, quand bien même il le serait avant l’expiration de ce délai (C. pén., art. 131-22 ; Crim. 30 mai 1989, n° 88-84.491 P). Pendant ce délai, le condamné est soumis à un contrôle, qualifié de semi-probation par la doctrine (Rép. pén.,  Peine : exécution, 2016 [actualisation juin 2025], par M. Herzog-Evans, § 363), limité aux mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 et dont la finalité, au-delà du simple contrôle, est de permettre la mise en œuvre de ce travail. Le respect de ces obligations fait donc partie intégrante de la peine de TIG.

Le pourvoi posait donc la question de savoir s’il était possible de sanctionner un manquement avant l’échéance de ce délai. Bien que la pratique quasi quotidienne conduit les juges d’application des peines à le faire, la chambre criminelle n’avait, à ce jour, jamais eu l’occasion de se prononcer sur cette pratique.

La doctrine n’évoque que quelques arrêts inédits de cour d’appel, tel que celui de la Cour d’appel de Caen du 23 octobre 1998 disposant que « le juge de l’application des peines a la faculté de saisir le tribunal à cette fin [de révocation], alors même que le délai d’épreuve n’est pas expiré » (Rép. pén., Travail d’intérêt général, 2013 [actualisation avr. 2021], par V. Delbos, § 211).

C’est cette position que valide sans ambiguïté la chambre criminelle en énonçant : « (…) le condamné doit être mis en mesure d’exécuter le travail d’intérêt général dans la limite du délai de dix-huit mois ainsi prévu. En cas d’inexécution par le condamné du travail d’intérêt général ainsi mis en œuvre dans ce délai, l’emprisonnement encouru peut être mis à exécution par le juge de l’application des peines, quand bien même ce délai ne serait pas achevé ».

On ne saurait être surpris si on se souvient que le TIG est une peine. Dès lors, en laisser l’exécution à la convenance personnelle du condamné n’apparaît pas envisageable. L’espèce en est un parfait exemple. La cour d’appel avait relevé que le rapport du service pénitentiaire d’insertion et de probation mentionnait que l’intéressé considérait « qu’il avait jusqu’à décembre 2024 pour effectuer sa peine et ne voyait pas où était le problème : "On verra plus tard pour le travail d’intérêt général" ».

À quoi servirait d’imposer au condamné des mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 si aucune sanction ne peut intervenir pendant dix-huit mois ? De même, la répression souhaitée par le législateur, qui a érigé en délit autonome la violation par le condamné des obligations résultant d’une peine de TIG (C. pén., art. 434-42), n’aurait guère de sens s’il fallait attendre la fin du délai pour le constater. On rappellera en outre que la condamnation de ce chef ne dispense pas le condamné d’exécuter son TIG (Crim. 7 janv. 1997, n° 96-82.075, D. 1997. 64 ; JCP 1997. II. 22878, note P. Salvage ; RSC 1997. 829, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 1997. Comm. 76, note M. Véron).

Le délai que la justice s’impose à elle-même pour l’exécution du TIG est fixé pour permettre la mise en œuvre de celui-ci, laquelle nécessite une coordination avec l’organisme ou l’entreprise dans lequel il va se dérouler. Il ne peut être un délai laissé à la discrétion du condamné.

Un manquement aux mesures de contrôle justifie la mise à exécution de la peine encourue à la suite de la conversion

Lorsqu’il est prononcé à titre de peine principale ou complémentaire, le juge de l’application des peines peut, après un débat contradictoire, ordonner la mise à exécution en totalité ou en partie de la peine d’emprisonnement prononcée par la juridiction si le condamné n’exécute pas le travail d’intérêt général (C. pr. pén., art. 733-2). Cette formulation générale comprend évidemment, outre le travail lui-même, le non-respect des mesures de contrôle, partie intégrante de la peine, par ailleurs directement visé par l’article 131-9 du code pénal.

Il était possible de se poser la question dans l’hypothèse d’une conversion de peine. En effet, l’article 747-1 prévoit alors que la durée de la peine d’emprisonnement prononcée peut être mise à exécution par le juge d’application des peines « en l’absence d’accomplissement du travail par le condamné ». Cette formulation peut apparaître limitative et ne pas comprendre les mesures de contrôle.

L’argument textuel disparaît cependant lorsqu’on examine la nature de la conversion de peine. En effet, en dépit d’hésitations doctrinales (Y. Carpentier, Essai d’une théorie générale des aménagements de peine, thèse Bordeaux, 2016, spéc. n° 290 ; Y. Mayaud, Droit pénal général, 7e éd., PUF, 2021, n° 616) et bien que prévu par le même texte que celui de l’aménagement de peine, la conversion est d’une tout autre nature comme l’admet la chambre criminelle en refusant toute fongibilité de ces deux mesures (Crim. 12 oct. 2022, n° 21-85.413, Dalloz actualité, 28 oct. 2022, obs. A. Coste ; AJ pénal 2022. 591, obs. Y. Carpentier ; Dr. pénal 2022. Comm. 210, note E. Bonis). Bien qu’il s’agisse d’une notion issue du droit des obligations, la doctrine a parfois évoqué la novation, assimilant conversion de peine et novation par changement de nature (M. Giacopelli et A. Ponseille, Droit de la peine, 1re éd., LGDJ, 2019, nos 383 à 399).

La peine prononcée par la juridiction subsiste en dépit de l’aménagement dont elle fait l’objet. En revanche, par le mécanisme de la conversion, la peine prononcée par la juridiction de jugement, qui n’apparaît plus adaptée à la situation ou à la personnalité du condamné, disparaît au profit de la peine choisie par le juge d’application des peines. La peine initiale n’a plus d’existence et seule subsiste la peine qui résulte de la conversion. Ordonnée d’office ou sur demande du condamné, la conversion est finalement un mécanisme de substitution d’une peine initiale par une peine de nature différente issue de la conversion.

Dès lors, la peine substituée doit s’appliquer dans toutes ses modalités, devenant en quelque sorte la peine principale décidée au titre de la répression. Cette conception doit évidemment conduire, comme s’il avait été prononcé à titre de peine principale, à considérer que les mesures de contrôle font partie intégrante de la peine et doivent pouvoir donner lieu, en cas de non-respect, à sanction. C’est la position retenue par la chambre criminelle, qui approuve donc la mise à exécution prononcée par la chambre de l’application des peines en raison de l’attitude inadaptée du condamné sur son lieu de travail et de son départ du territoire français durant plus de trois mois sans aucune autorisation.

Cette solution mérite d’être approuvée sans réserve. Elle permet la bonne exécution de la peine de TIG issue d’une conversion et assure l’égalité entre les personnes condamnées à un TIG par une juridiction de jugement et celles soumises à un TIG résultant d’une conversion. 

 

Crim. 17 sept. 2025, F-B, n° 24-86.127

par David Pamart, Magistrat

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