Cour d’assises : serment nécessaire de l’expert désigné dans une procédure distincte

L’expert entendu devant la cour d’assises, et ayant été désigné dans le cadre d’une procédure distincte de celle sur laquelle la juridiction est tenue de statuer, doit prêter le serment des experts tel que défini par l’article 168 du code de procédure pénale.

Par l’arrêt commenté, la chambre criminelle apporte des précisions procédurales sur le déroulement d’un procès devant une cour d’assises en ce qui concerne l’audition des experts. Un bref rappel sur la procédure de jugement devant la juridiction criminelle est nécessaire afin d’appréhender la portée de l’arrêt de la Cour de cassation.

Rappel sur le fonctionnement des audiences en cour d’assises

Procédure orale et instantanée

La cour d’assises se distingue par un fort particularisme procédural lié à la présence de jurés (A. Blanc, Le président et les jurés, AJ pénal 2006. 42 ). Il importe en premier lieu de préciser que seul le président de la cour a pris préalablement connaissance du dossier de l’instruction. Les jurés fondent ainsi leur intime conviction sur la base des développements oraux au cours de l’audience. De fait, l’instruction du procès doit être minutieuse et reprendre l’ensemble des apports du dossier. En matière criminelle, la justice est à la fois orale et instantanée (Rép. pén., Cour d’assises, par M. Redon, nos 206 s.).

Au cours du procès criminel, les experts, témoins sont entendus à la barre, outre le directeur d’enquête. Des questions peuvent leur être directement posées par les avocats de la défense et de(s) partie(s) civile(s), le procureur général et le président de la cour d’assises qui ont eu accès au dossier écrit de la procédure et donc aux déclarations et conclusions rassemblées au cours de l’instruction, mais également par les jurés et assesseurs par l’intermédiaire du président.

L’exigence du serment

Ces auditions sont soumises au respect de conditions procédurales. Ainsi, les témoins, à l’exception de la famille proche de l’accusé (les ascendants et descendants de l’accusé et leurs alliés, ses frères et sœurs et leurs alliés, son conjoint, concubin ou partenaire de PACS et ses coaccusés ; C. pr. pén., art. 335), doivent prêter serment à la barre « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité » (C. pr. pén., art. 331).

Afin d’exposer le résultat des opérations techniques auxquelles ils ont procédé, les experts sont tenus de prêter le serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et conscience (C. pr. pén., art. 168). La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de souligner que l’arrêt doit constater cette prestation de serment (Crim. 21 janv. 1960 P ; 5 oct. 1976 P ; 25 févr. 1987 P).

La Cour de cassation a, par l’arrêt commenté, apporté des précisions sur le serment que doit porter l’expert ayant été amené à réaliser une expertise dans le cadre d’une procédure distincte de celle sur laquelle la cour d’assises doit statuer.

Précisions sur le serment de l’expert désigné dans une procédure distincte

L’exigence de serment en qualité d’expert

Le demandeur au pourvoi, déclaré coupable d’homicide volontaire, contestait le fait que l’expert psychiatrique entendu lors de l’audience et ayant été désigné en qualité d’expert dans le cadre d’une procédure distincte n’ait pas prêté le serment des témoins. Il concluait à la violation, par la cour d’assises, des articles 168 et 331 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour de cassation a rejeté cet argumentaire. Les juges se sont attachés à la qualité d’expert afin de se prononcer, le but étant d’exposer le résultat des opérations techniques. En conséquence, fût-ce dans une procédure distincte, il revêt la qualité d’expert et non de témoin, et doit, en conséquence, prêter le serment prévu par l’article 168 du code de procédure pénale.

La Haute juridiction avait déjà fait une distinction entre les experts intervenus dans la procédure en question et les autres en indiquant que l’article 168 du code de procédure pénale s’applique à tout expert ayant été chargé d’une mission d’expertise au cours de l’instruction préparatoire ou définitive (Crim. 6 déc. 1962 P, RSC 1963. 361 ; 20 juill. 1965, D. 1965. 584 ; 7 déc. 1966, D. 1967. Somm. 23 ; 17 oct. 1967 P ; 29 avr. 1976 P ; 25 avr. 1987 P). L’arrêt commenté est intéressant en ce qu’il fixe le sort de l’expert qui, justement, n’est pas intervenu au cours de cette instruction.

Le positionnement des magistrats est tout à fait pertinent dans la mesure où les personnes concernées sont des professionnels s’étant vu reconnaître des compétences particulières les rendant aptes à appréhender techniquement et avec neutralité le cas présenté.

Les apports de l’arrêt ne sont néanmoins pas déterminants dans la mesure où les conséquences des irrégularités en la matière restent minimes.

Les conséquences d’une irrégularité

Bien que la Cour de cassation n’ait pas appréhendé cette question dès lors qu’aucune irrégularité n’a été identifiée, il est pertinent de s’y intéresser rapidement.

Sur ce point, il résulte de la jurisprudence antérieure que le fait d’avoir prêté le serment des témoins n’est pas une cause de nullité (Crim. 9 nov. 1978, D. 1979. IR 216). Les mêmes conséquences ont été retenues lorsqu’une personne ayant la double qualité de témoin et d’expert a prêté le seul serment d’expert (Crim. 20 janv. 1993, n° 92-82.809 P).

 

Crim. 29 mai 2024, FS-B, n° 23-83.400

© Lefebvre Dalloz