Création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse

Une loi du 15 juillet 2025 prévoit la création d’un établissement public du commerce et de l’industrie propre à la Corse, venant remplacer la chambre de commerce et d’industrie existante. Placé sous l’autorité de la collectivité territoriale de Corse, cet établissement exercera les missions historiques des chambres de commerce, tout en bénéficiant d’une gouvernance locale et de compétences élargies adaptées aux spécificités insulaires. Il incarne une nouvelle étape dans la différenciation institutionnelle de la Corse et dans la territorialisation de l’action économique.

Une réforme institutionnelle d’ampleur

Création d’un établissement public spécifique à la Corse

La loi du 15 juillet 2025 modifie en profondeur le régime juridique applicable à la représentation des intérêts économiques en Corse, en prévoyant qu’à compter du 1er janvier 2026, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse sera supprimée pour être remplacée par un nouvel établissement public, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse (Loi  du 15 juill. 2025, art. 4, I). Ce changement s’inscrit dans un mouvement de réorganisation du réseau consulaire et de différenciation institutionnelle propre à ce territoire. Sur le plan formel, la loi nouvelle consacre une nouvelle section – la section 6 « Commerce, industrie, services » – au chapitre 2 (« Organisation ») du titre II du dédié à la « Collectivité territoriale de Corse » du livre IV (« Régions à statut particulier et collectivité territoriale de Corse ») de la quatrième partie (« La région ») du code général des collectivités territoriale, longue de quatre articles (art. L. 4424-42 à L. 4424-45 nouv.). Le nouvel établissement public n’est pas une chambre de commerce au sens du code de commerce. Il est institué par une loi spécifique, laquelle déroge expressément à plusieurs articles du code de commerce relatifs aux CCI. Il s’agit donc d’une création législative sui generis, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière, rattachée à la collectivité de Corse, et compétente en matière de représentation des intérêts du commerce, de l’industrie et des services. La loi précise qu’il pourra être chargé, par convention, de missions d’intérêt général, y compris dans des domaines habituellement réservés aux CCI, dans la limite du respect des règles de concurrence.

Une gouvernance assurée par les acteurs locaux

La loi du 15 juillet 2025 (art. 4, II) dispose cet établissement public sera administré par un conseil composé majoritairement de représentants élus des entreprises, mais également de représentants désignés par la collectivité de Corse. Le président du conseil exécutif de Corse, ou un conseiller exécutif désigné par lui, assurera la présidence de l’établissement public, en application d’une disposition dérogatoire au droit commun. Le président exercera les fonctions traditionnellement dévolues au préfet dans les CCI, notamment pour la validation du budget, la nomination du directeur général ou encore l’approbation des décisions relatives au patrimoine.

Par ailleurs, l’établissement sera soumis aux obligations de tenue d’une comptabilité analytique permettant de distinguer les activités de service public des activités concurrentielles (CGCT, art. L. 4424-43). Cette comptabilité devra être transmise à la collectivité de Corse pour assurer un contrôle de conformité aux règles en matière d’aides d’État.

Un établissement doté de missions économiques et de prérogatives larges

Des compétences diversifiées et adaptables

L’établissement public corse exercera les missions d’intérêt général traditionnellement confiées aux CCI (CGCT, art. L. 4424-42, II, 1°), telles que la représentation des intérêts des entreprises, le soutien à la création et à la transmission d’entreprises, ou la gestion d’équipements. Il pourra également assurer des missions contractuelles, confiées par la collectivité de Corse, les communes ou les groupements de communes. Ces missions devront être compatibles avec ses statuts et respecter les règles de la commande publique et de la concurrence.

Il pourra, par exemple, gérer des infrastructures économiques comme des ports ou des aéroports, participer à des sociétés de projet ou à des groupements d’intérêt économique, ou encore contribuer à des opérations de développement territorial. La loi précise toutefois que toute intervention dans le champ concurrentiel devra être justifiée par une mission d’intérêt général et encadrée contractuellement. L’établissement public peut, par ailleurs, transiger et compromettre, en d’autres termes, passer une convention d’arbitrage (CGCT, art. L. 4424-43). Enfin, l’établissement public est compétent, via le président de son conseil d’administration, pour délivrer la carte professionnelle des agents immobiliers prévue par la « loi Hoguet » du 2 janvier 1970 (Loi n° 70-9 du 2 janv. 1970, art. 3, al. 1er mod.).

Des conditions d’intervention encadrées par le droit commun

Les moyens d’intervention du nouvel établissement public sont précisés : il peut conclure des conventions avec des acteurs publics ou privés, bénéficier de subventions de la collectivité de Corse, et percevoir des redevances pour services rendus. En outre, la loi prévoit que ses ressources peuvent inclure des recettes domaniales et des produits liés à son activité économique. Les conventions passées par l’établissement public sont soumises aux règles générales du droit des contrats administratifs et aux principes de la commande publique, lorsqu’il intervient comme pouvoir adjudicateur (Loi du 15 juill. 2025, art 1er, II, 1° à 9°).

Le personnel de l’établissement peut relever soit du droit public, soit du droit privé, selon le statut conservé ou choisi lors de la transformation (Loi du 15 juill. 2025, art 4, III). L’établissement peut recruter ses agents selon les dispositions du code du travail ou du statut général de la fonction publique territoriale, selon la nature du poste. Le régime de représentation du personnel est défini conformément aux dispositions applicables dans chaque branche, en fonction de la nature du contrat de travail.

Une transition organisée dans un cadre juridique sécurisé

Transfert des moyens et des personnels

La loi du 15 juillet 2025 prévoit les modalités précises du transfert d’actifs et de personnel (art. 4, III). Tous les biens, droits et obligations de la CCI de Corse seront transférés de plein droit à l’établissement public à la date de sa création (art. 4, I). Ce transfert ne donnera lieu à aucun droit, taxe ou impôt, en application de l’article 1040 du code général des impôts. Les conventions, marchés publics, autorisations ou permis en cours seront maintenus jusqu’à leur terme ou jusqu’à renégociation par le nouvel établissement.

Les salariés de droit privé seront transférés selon les règles de l’article L. 1224-1 du code du travail. Les agents publics en poste se verront proposer un contrat de droit privé ou une mise à disposition, selon leur situation administrative. Un délai de quatre mois leur est accordé pour se prononcer. À défaut de réponse, ils seront automatiquement intégrés sous contrat de droit privé. Jusqu’en 2029, les conventions collectives et accords d’entreprise resteront applicables, sauf dénonciation ou renégociation.

Encadrement juridique de la phase transitoire

La loi prévoit à son article 4, III, qu’une période transitoire afin de garantir la continuité du service. Un administrateur provisoire pourra être nommé par la collectivité de Corse avant l’installation des nouveaux organes de gouvernance. Les représentants du personnel continueront d’exercer leur mandat jusqu’à l’organisation de nouvelles élections, selon des modalités définies par décret. Les dispositifs internes de dialogue social seront conservés pendant la phase de mise en œuvre.

 

Loi n° 2025-640, 15 juill. 2025, JO 16 juill.

par Maxime Detrez, Rédaction affaires Lefebvre Dalloz

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