Création du Bureau européen de l’IA : retour sur ses missions et tâches

Le Bureau européen de l’intelligence artificielle (IA) est entré en vigueur le 21 février 2024, grâce à une décision de la Commission européenne. Ce Bureau de l’IA sera chargé de la mise en œuvre du futur règlement sur l’IA et, à ce titre, il se voit confier de nombreuses tâches comme le développement d’outils ou de méthodologies ou encore la coopération avec les différents acteurs impliqués par ce futur règlement.

Si l’approbation par le Parlement européen du règlement sur l’intelligence artificielle a créé l’évènement, cela intervient après la création d’un organisme primordial pour la mise en œuvre de ce dernier, à savoir le Bureau européen de l’IA (v. à ce propos, la dernière version convenue et votée par le Parlement européen, Rapp. sur la proposition de règl. du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’IA (législation sur l’IA, amendement 808, 6 mars 2024).

Par une décision du 24 janvier 2024 publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 14 février 2024, la Commission européenne créé le Bureau européen de l’intelligence artificielle. Le Bureau européen de l’IA est donc entré en vigueur le 21 février dernier. La création de ce Bureau de l’IA avait été proposée par le Parlement européen, bien que son rôle initial a été diminué (v. à ce propos, L. Bertuzzi, La Commission européenne prépare la création d’un « Bureau de l’IA », Euractiv, 24 janv. 2024).

Le Bureau de l’IA est alors chargé d’un rôle clé dans la mise en œuvre du futur règlement sur l’IA. En effet, son rôle est évoqué tout au long du futur règlement, précisant certaines de ses attributions et exemplifiant certains scénarios où le Bureau peut être amené à intervenir (par ex., l’art. 25 du futur règl. préc. prévoit que « le Bureau de l’IA peut élaborer et recommander des clauses types volontaires pour les contrats entre les fournisseurs de systèmes d’IA à haut risque et les tiers qui fournissent des outils, des services, des composants ou des processus qui sont utilisés ou intégrés dans les systèmes d’IA à haut risque […].» ou encore l’art. 27 disposant que « le Bureau de l’IA élabore un modèle de questionnaire, y compris au moyen d’un outil automatisé, afin d’aider les déployeurs à se conformer de manière simplifiée aux obligations qui leur incombent en vertu du présent article ») (v. à ce propos, rapp. sur la proposition de règl., amendement 808, préc.). La décision du 24 janvier est donc l’occasion de revenir précisément sur ses tâches et missions.

Missions et tâches générales du Bureau

Tout d’abord, le Bureau se voit confier des missions et tâches générales, détaillées à l’article 2 et renforçant son rôle de coordinateur. Ces missions ont pour but de soutenir le développement d’une IA digne de confiance dans le marché interne.

Ainsi, le Bureau collabore étroitement avec les acteurs privés et publics pertinents pour remplir ses missions, et notamment encourager les écosystèmes d’innovation, ainsi qu’avec la communauté des start-ups. Il contribue à élaborer une approche stratégique, cohérente et efficace de l’Union concernant les initiatives internationales en matière d’intelligence artificielle, en coordination avec les États membres et en accord avec les positions et politiques de l’Union.

De plus, il promeut les actions et politiques de la Commission visant à maximiser les avantages sociétaux et économiques des technologies de l’IA, tout en soutenant le développement, le déploiement et l’utilisation rapides de systèmes et d’applications d’IA dignes de confiance. Cela contribue à renforcer la compétitivité et la croissance économique de l’Union.

Enfin, il surveille attentivement l’évolution des marchés et des technologies de l’IA.

Mise en œuvre du règlement

Le Bureau se voit attribuer des tâches visant à mettre en œuvre le futur règlement européen, précisées à l’article 3, comme les règles concernant les IA à usage général (v. égal. en ce sens, l’art. 88 du futur règl., rapp. sur la proposition de règl., amendement 808, préc.).

Au titre de ces tâches, le Bureau est chargé de développer des outils, des méthodologies et des critères de référence pour l’évaluation des capacités des modèles d’IA à usage général, en particulier des modèles d’IA à usage très général présentant des risques systémiques.

Il assume aussi une surveillance renforcée en veillant à l’application des règles concernant les modèles et systèmes d’IA à usage général, ainsi qu’en détectant les risques inattendus liés à ces modèles, notamment en réagissant aux alertes du groupe scientifique.

De plus, le Bureau est chargé d’enquêter sur les possibles violations du règlement, en recueillant les plaintes et les alertes, en contribuant à la préparation des décisions de la Commission et en réalisant des évaluations en vertu du futur règlement. Cette responsabilité implique également des pouvoirs de coordination et de soutien pour mettre en œuvre les règles sur les pratiques interdites en matière d’IA et sur les systèmes d’IA à haut risque, en collaboration avec les organismes compétents en vertu de la législation sectorielle. Pour cela, le Bureau facilite l’échange d’informations et la collaboration entre les autorités nationales, la collecte de notifications, la mise en place des plateformes d’information et des bases de données, notamment lorsque des modèles ou des systèmes d’IA à usage général sont intégrés dans des systèmes d’IA à haut risque.

Contribution à la mise en œuvre du futur règlement

Comme expliqué précédemment, l’une des missions phares du Bureau de l’IA est d’assister la Commission dans la mise en œuvre efficace du règlement. Cela inclut la préparation des décisions pertinentes, des actes d’exécution et des actes délégués, ainsi que l’élaboration d’orientations et de lignes directrices pour soutenir la mise en pratique du futur règlement. De surcroît, il travaille à la conception d’outils de soutien tels que des bonnes pratiques, et participe à la préparation des demandes de normalisation. Le Bureau évalue également les normes existantes et contribue à l’élaboration de spécifications communes pour la mise en œuvre du futur règlement.

La mise en œuvre efficace du règlement passe particulièrement par une application uniforme du futur règlement, ce à quoi le Bureau de l’IA doit veiller. Cela se manifeste par exemple par la mise en place d’organes consultatifs au niveau de l’Union, en facilitant le soutien et l’échange d’informations et en surveillant la mise en place des autorités nationales compétentes et d’autres organismes au niveau national.

Il fournit un soutien technique, de conseils et d’outils pour la mise en place et le fonctionnement de bacs à sable réglementaires pour l’IA ainsi qu’à la coordination, le cas échéant, avec les autorités nationales compétentes qui établissent ces bacs à sable.

Il apporte un soutien « administratif » au forum consultatif et au groupe scientifique en fournissant la structure administrative, en organisant des réunions, en préparant les documents pertinents mais également en assurant le secrétariat du Comité de l’intelligence artificielle et de ses sous-groupes.

En outre, il possède une mission d’évaluation et de révision du futur règlement ainsi que de préparation des rapports concernant celui-ci.

Il est aussi chargé d’encourager et de faciliter l’élaboration de codes de pratiques et de codes de conduite au niveau de l’Union, en tenant compte des approches internationales, et de contrôler la mise en œuvre et l’évaluation de ces codes de pratiques.

Un rôle de coordinateur axé sur la coopération

Enfin, une autre facette essentielle de ce Bureau réside dans son rôle de coordinateur, favorisant la coopération entre les différents acteurs impliqués.

Dans cette optique, le Bureau de l’IA s’engage à promouvoir l’approche de l’Union en matière d’IA digne de confiance, en encourageant la collaboration avec des institutions similaires à travers le monde et en soutenant la gouvernance internationale de l’IA. Son objectif est de contribuer à une vision globale de l’IA tout en facilitant l’élaboration et la mise en œuvre d’accords internationaux sur ce sujet, avec le soutien des États membres (Comm. UE, European AI Office, 8 mars 2024).

Dans la lignée de ses missions de surveillance, le Bureau surveille de près l’écosystème de l’IA, les avancées technologiques et commerciales, ainsi que l’émergence de risques systémiques et autres tendances pertinentes.

Cette coopération se manifeste notamment par une collaboration avec certaines nouveautés, comme avec le Comité européen de l’intelligence artificielle qui sera composé d’un représentant par État membre. En outre, le Bureau collabore avec le panel scientifique, composé d’experts indépendants, et permettant d’assurer un lien avec la communauté scientifique.

Les articles 4, 5, 6 et 7 détaillent cette mission plus précisément et prévoient plusieurs niveaux de coopération.

En premier lieu, une coopération avec les parties prenantes du règlement est envisagée. Le Bureau peut organiser des forums consultatifs entre les fournisseurs de modèles et de système d’IA ou encore avec la communauté « open-source », par exemple pour développer de bonnes pratiques. Cette coopération peut également permettre d’obtenir une expertise technique supplémentaire de la part des différentes parties prenantes en collaborant avec une diversité d’acteurs tels que l’industrie, les start-ups et les PME, le monde universitaire, la communauté scientifique, les groupes de réflexion et la société civile (Comm. UE, European AI Office, préc.).

Puis, une coopération intersectorielle est prévue, notamment avec le Centre européen pour la transparence des algorithmes ainsi qu’une coopération interinstitutionnelle. Il est explicité que le Bureau définit les règles de coopération avec les autres organes et organismes de l’Union pour la mise en œuvre de l’article 3.

Pour finir, comme expliqué précédemment, le Bureau de l’IA joue un rôle important en matière de coopération internationale en s’engageant à promouvoir une gestion responsable de l’IA, à soutenir l’approche de l’Union en matière d’IA digne de confiance, et à contribuer à la coopération internationale en matière de réglementation et de gouvernance de l’IA, tout en participant à la mise en œuvre des accords internationaux sur les règles en la matière.

Financement

Le financement de ce Bureau est détaillé à l’article 8. Il s’agissait d’un sujet sensible induit par le manque de flexibilité dans le budget de l’Union et du peu d’enthousiasme des États membres à allouer davantage de ressources, ce qui entraîne inéluctablement des contraintes budgétaires strictes pour les nouveaux projets (v. à ce sujet, L. Bertuzzi, art. préc.).

Concernant les fonctionnaires travaillant pour le Bureau, les besoins en ressources humaines sont satisfaits par le biais d’agents de la direction générale déjà affectés à la gestion de l’action ou ayant été redéployés au sein de ladite direction générale.

Les dépenses liées au personnel statutaire externe et les dépenses fonctionnelles du Bureau seront couvertes par le redéploiement des crédits budgétaires alloués au programme pour une Europe numérique.

 

Comm. UE, décis. 24 janv. 2024, créant le Bureau européen de l’IA, JOUE 14 févr. 2024

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