De la complétude de l’encadré dans les contrats de crédit à la consommation
Le coût des frais liés à l’exécution du contrat de crédit à la consommation doit apparaître lorsque ceux-ci sont amortissables. Ainsi, l’encadré ne prévoyant pas cette mention provoque la déchéance du droit aux intérêts du prêteur de deniers.
Le formalisme du contrat de crédit à la consommation est intimement lié à l’information de l’emprunteur (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 4e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2024, p. 264, n° 184). Toutefois, il arrive que des difficultés se cristallisent sur le contenu exact de cette information. En ce sens, l’article L. 312-28 du code de la consommation et son fameux « encadré inséré au début du contrat », selon la formule retenue, par le texte, peut poser problème. Un arrêt rendu le 13 mars 2024 invite à y voir plus clair sur le sujet en interprétant l’article L. 311-18 antérieur à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 qui deviendra dans notre droit positif l’article L. 312-28.
Les faits débutent autour de la conclusion d’un crédit à la consommation entre un établissement bancaire et deux personnes physiques le 29 septembre 2015, soit tout à la fois antérieurement à la recodification du droit de la consommation précédemment citée et à la réforme du droit des obligations par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Les emprunteurs deviennent défaillants et la banque décide donc de prononcer la déchéance du terme. L’établissement bancaire les assigne ensuite en paiement du solde restant dû. Devant les juges du fond, les emprunteurs arguent que l’encadré de l’article L. 311-18 ancien, désormais L. 312-28 du code de la consommation, n’est pas complet notamment sur les frais liés à l’exécution du contrat de crédit qui figurent dans le tableau d’amortissement et sur l’inclusion d’une assurance facultative. En cause d’appel, les juges décident de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque et donc de condamner celle-ci à régler la somme de 12 428,72 € aux emprunteurs en retenant l’absence de ces deux éléments dans l’encadré du contrat en cause.
La banque se pourvoit en cassation en arguant que de telles omissions ne doivent pas conduire à la déchéance du droit aux intérêts eu égard à la formulation de l’article L. 311-18 applicable au litige. Son pourvoi est rejeté.
Inclusion des frais liés à l’exécution du contrat
Il est vrai que ni l’ancien article R. 311-5 du code de la consommation, antérieur au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, ni le nouvel article R. 312-10 issu de ce décret ne prévoient très clairement la solution au problème posé par le pourvoi. C’est pour cette raison que la première chambre civile combine le d) et le g) de ces deux dispositions (items inchangés au demeurant dans les deux versions du texte) pour rappeler que « le montant de l’échéance qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit doit inclure le coût des frais liés à l’exécution du contrat de crédit lorsque ceux-ci sont amortissables » (nous soulignons). La solution est intéressante pour deux raisons au moins, lesquelles suscitent des remarques en sens contraire.
- D’une part, quand les frais liés à l’exécution du contrat sont amortissables, le consommateur n’a pas une information satisfaisante au sens des textes du code de la consommation quand l’encadré est muet sur cette donnée chiffrée. Or, il s’agit bien souvent du nerf de la guerre et le respect du formalisme ne saurait être préservé si ces éléments importants n’y figurent pas au sens de la jurisprudence de la cour de cassation sur la question. La ligne directrice reste donc la même dans l’arrêt du 13 mars 2024.
- D’autre part, la décision permet de rappeler que même si la liste de l’ancien article R. 311-5 est limitative comme le soulevait le pourvoi, il n’en reste pas moins que certains éléments dépendent directement ou indirectement des éléments qui y sont mentionnés. S’il faut certes interpréter la disposition d’une manière stricte, sauf à rendre le formalisme – déjà très lourd – draconien pour le prêteur, certains éléments dépendent directement d’un des points prévus par les dispositions réglementaires. Ainsi en est-il des informations figurant dans le tableau d’amortissement qui doivent compléter le montant des échéances mensuelles dans l’encadré.
Il est vrai que l’on peut s’interroger sur la réelle utilité de ces encadrés en droit de la consommation. Sont-ils vraiment pertinents pour assurer l’information d’un emprunteur qui, bien souvent, ne lira pas un texte long et indigeste ? La question mérite d’être posée et représente l’un des serpents de mer d’une réforme systémique du droit de la consommation pour ces prochaines décennies.
L’arrêt étudié représente toutefois certainement l’une des meilleures façons d’illustrer l’encadré prévu pour les crédits à la consommation. Loin d’étendre le texte à des horizons inadaptés, l’interprétation proposée est parfaitement conforme à la disposition réglementaire qui évoque bien les frais de fonctionnement, ce qui rend l’information à apporter pour les crédits amortissables plus lourde que pour d’autres conventions. Ceci aboutit à compléter les échéances mensuelles dans l’encadré avec les données chiffrées du tableau d’amortissement.
Il n’en reste pas moins que, plus discrètement, la première chambre civile exclut purement et simplement une autre mention, celle de l’assurance facultative.
Exclusion de l’assurance facultative
Il n’échappera pas au lecteur que l’arrêt étudié ne donne pas droit de cité, assez discrètement il faut bien le dire, à l’assurance facultative dans la liste de l’article R. 311-5 ancien, nouveau R. 312-10 du code de la consommation. La cassation ne peut être ouverte sur ce fondement car même si les juges du fond ont fait une fausse interprétation du texte à ce sujet, le motif n’est que surabondant (pt n° 7). La solution est pertinente au sens de la technique de cassation puisque la seule absence des frais liés au tableau d’amortissement suffisait à entraîner la déchéance du droit aux intérêts. La cassation aurait été encourue si un arrêt avait prononcé une telle déchéance pour l’assurance facultative.
Cette exclusion répond parfaitement au sens du caractère limitatif de la liste de l’article du code de la consommation comme le soulevait parfaitement le pourvoi. Il est donc très utile que la première chambre civile utilise ce facteur de distinction entre ce qui doit être inclus et ce qui ne l’est pas. L’assurance facultative ne se rattache à aucune des catégories listées dans l’article et il est donc nécessaire de ne pas tordre le texte pour essayer de la rattacher à l’encadré. En ce sens, les praticiens sauront utilement s’en saisir pour, dans les services juridiques des établissements bancaires, sélectionner les informations utiles. Le h) de l’article R. 311-5 ancien ou du nouvel article R. 312-10, 2°, ne font que d’évoquer les assurances « exigées » et non facultatives. La solution avait été déjà esquissée par le passé puisqu’on pouvait lire en 2021 que « le montant de l’échéance qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat » (nous soulignons, Civ. 1re, 8 avr. 2021, n° 19-25.236, Dalloz actualité, 28 avr. 2021, obs. J.-D. Pellier, pointant cette distinction entre assurance facultative et assurance exigée ; D. 2021. 1228
, note J. Lasserre Capdeville
; ibid. 1784, chron. V. Champ, C. Dazzan, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, X. Serrier, J. Mouty-Tardieu, E. Buat-Ménard et A. Feydeau-Thieffry
; ibid. 1890, obs. D. R. Martin et H. Synvet
; ibid. 2022. 574, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud
).
L’arrêt du 13 mars 2024 est donc parfaitement équilibré. Il vient inclure dans l’encadré légal de l’article L. 312-28 ce qui respecte l’économie du texte, à savoir les éléments utiles du tableau d’amortissement pour compléter les échéances mensuelles que l’emprunteur doit régler. L’assurance facultative reste exclue du formalisme, au contraire de celle qui est obligatoire.
Civ. 1re, 13 mars 2024, FS-B, n° 22-24.349
© Lefebvre Dalloz