De la preuve de l’information annuelle due à la caution par le créancier professionnel
Dans un arrêt rendu le 18 juin 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur la preuve de l’exécution par le créancier professionnel de son obligation d’information annuelle due à la caution sur le montant des encours.
 
                            L’actualité jurisprudentielle du droit du cautionnement a été assez dense ces derniers mois (v. réc., sur la durée de l’obligation d’information annuelle, Civ. 2e, 30 avr. 2025, n° 22-22.033, Dalloz actualité, 14 mai 2025, obs. C. Hélaine ; D. 2025. 828  ; sur le sous-cautionnement et le devoir de mise en garde, Com. 2 avr. 2025, n° 23-22.311, Dalloz actualité, 8 avr. 2025, obs. C. Hélaine ; D. 2025. 1043
 ; sur le sous-cautionnement et le devoir de mise en garde, Com. 2 avr. 2025, n° 23-22.311, Dalloz actualité, 8 avr. 2025, obs. C. Hélaine ; D. 2025. 1043  , note S. Cacioppo
, note S. Cacioppo  ; sur la force exécutoire de l’engagement de sous-cautionnement, Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-11.482, Dalloz actualité, 1er avr. 2025, obs. C. Hélaine ; sur le cautionnement professionnel, CJUE 13 mars 2025, aff. C-337/23, Dalloz actualité, 18 mars 2025, obs. C. Hélaine ; D. 2025. 487
 ; sur la force exécutoire de l’engagement de sous-cautionnement, Civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-11.482, Dalloz actualité, 1er avr. 2025, obs. C. Hélaine ; sur le cautionnement professionnel, CJUE 13 mars 2025, aff. C-337/23, Dalloz actualité, 18 mars 2025, obs. C. Hélaine ; D. 2025. 487  ; sur la mention manuscrite, Com. 12 févr. 2025, n° 23-21.079, Dalloz actualité, 20 févr. 2025, obs. C. Hélaine ; JA 2025, n° 715, p. 11, obs. X. Delpech
 ; sur la mention manuscrite, Com. 12 févr. 2025, n° 23-21.079, Dalloz actualité, 20 févr. 2025, obs. C. Hélaine ; JA 2025, n° 715, p. 11, obs. X. Delpech  ; JT 2025, n° 283, p. 12, obs. X. Delpech
 ; JT 2025, n° 283, p. 12, obs. X. Delpech  ; sur l’application dans le temps de la réforme de 2021, Civ. 1re, 12 févr. 2025, n° 24-40.029, Dalloz actualité, 18 févr. 2025, obs. C. Hélaine).
 ; sur l’application dans le temps de la réforme de 2021, Civ. 1re, 12 févr. 2025, n° 24-40.029, Dalloz actualité, 18 févr. 2025, obs. C. Hélaine).
Un nouvel arrêt rendu par la chambre commerciale le 18 juin 2025 intéresse l’information annuelle due à la caution par le créancier professionnel pour laquelle « la jurisprudence a fait preuve d’une grande rigueur » ces dernières années (P. Simler et P. Delebecque, Droit des sûretés et de la publicité foncière, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2023, p. 193, n° 168). La décision examinée ne sera pas celle qui inversera la tendance, loin s’en faut.
Reprenons les faits pour comprendre comment la difficulté doit être contextualisée. À l’origine du pourvoi, un établissement bancaire consent le 10 novembre 2017 à une société un prêt de 45 000 €. L’opération est garantie par le cautionnement d’une personne physique. La débitrice principale connaît, toutefois, des difficultés de trésorerie qui la conduisent à être placée en liquidation judiciaire. C’est donc la caution qui est assignée en paiement par la banque afin que celle-ci obtienne son dû.
Le garant argue, cependant, que le créancier n’aurait pas correctement exécuté son obligation d’information issue de l’ancien article L. 313-22 du code monétaire et financier concernant le montant du principal et des intérêts, des commissions et des frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente, ladite information étant antérieure au 1er janvier 2022. Il poursuit ainsi la déchéance du droit aux intérêts de la banque à ce titre. En cause d’appel, cette demande est rejetée, les juges du fond constatant que la banque verse aux débats des constats d’huissier en date du 14 mars 2018 et du 8 mars 2019 qui justifient l’envoi des lettres d’information concernées (Paris, 1er févr. 2023, n° 21/00588, disponible en libre accès sur Judilibre).
La caution se pourvoit en cassation en maintenant son argumentation selon laquelle il n’est pas démontré par la banque que cette dernière a exécuté son obligation d’information résultant du code monétaire et financier. Examinons pourquoi l’arrêt du 18 juin 2025 aboutit à une cassation qui s’inscrit dans la rigueur de ces dernières années.
Une preuve d’apparence solide pourtant fragilisée
La décision étudiée comporte un passage troublant qui sème facilement le doute dans l’esprit du lecteur. Il est évoqué « deux procès-verbaux de constat d’huissier de justice des 27 janvier 2016 et 15 février 2017 » (pt n° 5). Cependant, ces dates n’apparaissent pas dans le moyen développé par la caution demanderesse au pourvoi, pas plus que dans l’arrêt d’appel disponible en libre accès (Paris, 1er févr. 2023, n° 21/0058, préc.). Elles sont, de plus, en incohérence avec la date du prêt qui a été conclu le 10 novembre 2017, soit plusieurs mois postérieurement. Il faut donc considérer qu’il convient d’en rester aux seules dates des 14 mars 2018 et 8 mars 2019 se retrouvant à la fois au sein de la justification de la cassation (pt n° 6), de la décision d’appel et du moyen présenté par la caution.
Revenons-en au fond. Le raisonnement développé par la cour d’appel ne paraît pas critiquable sous l’angle de la charge de la preuve. C’est bien sur le créancier professionnel que repose ladite charge selon la jurisprudence constante sur la question (v. à ce titre, Civ. 1re, 25 févr. 1997, n° 94-19.685, D. 1997. 319  , obs. J. Penneau
, obs. J. Penneau  ; RDSS 1997. 288, obs. L. Dubouis
 ; RDSS 1997. 288, obs. L. Dubouis  ; RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain
 ; RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain  ; ibid. 924, obs. J. Mestre
 ; ibid. 924, obs. J. Mestre  ; 2 oct. 2002, n° 01-03.921, D. 2002. 3011, et les obs.
 ; 2 oct. 2002, n° 01-03.921, D. 2002. 3011, et les obs.  ; « Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe seulement à l’établissement de crédit de prouver qu’il a effectivement adressé à la caution l’information requise et non d’établir au surplus que la caution l’a effectivement reçue, la cour d’appel a violé les textes susvisés », nous soulignons). L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 et son nouvel article 2302 transposent aisément cette orientation (L. Bougerol et G. Mégret, Le guide du cautionnement 2022/2023, 2022, Dalloz, p. 231, n° 22.261).
 ; « Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe seulement à l’établissement de crédit de prouver qu’il a effectivement adressé à la caution l’information requise et non d’établir au surplus que la caution l’a effectivement reçue, la cour d’appel a violé les textes susvisés », nous soulignons). L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 et son nouvel article 2302 transposent aisément cette orientation (L. Bougerol et G. Mégret, Le guide du cautionnement 2022/2023, 2022, Dalloz, p. 231, n° 22.261).
En revanche, le doute reste davantage autorisé sur la force probatoire du contenu du document produit en lui-même. Les constats permettent, sur le principe, de s’assurer de la réalité de l’envoi de l’information annuelle. Cependant, le moyen critiquait probablement à juste titre que rien ne confirmait que la caution demanderesse au pourvoi était destinataire de cet envoi groupé. Par conséquent, il pouvait exister un sérieux doute sur l’effectivité de la délivrance de l’obligation en pareille circonstance et donc sur la possibilité d’obtenir la déchéance du droit aux intérêts. Les décisions de la Cour de cassation au sujet de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier font preuve d’une certaine rigueur comme nous l’avons déjà rappelé. Le 25 mai 2022, la Haute juridiction a par exemple cassé pour défaut de base légale, dans ce contexte, un arrêt ayant jugé que la banque a pu justifier, par les lettres versées aux débats, avoir adressé l’information requise par ce texte. La Cour a précisé que ces motifs étaient « impropres à justifier de l’accomplissement des formalités » de l’article L. 313-22 (Civ. 1re, 25 mai 2022, n° 21-11.045, Dalloz actualité, 17 juin 2022, obs. L. Bougerol ; D. 2022. 1036  ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers
 ; ibid. 1724, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers  ). Ce faisant, la première chambre civile a réitéré un principe de limitation des moyens de preuves posé par la chambre commerciale quelques années auparavant (v. les obs. de L. Bougerol, préc.).
). Ce faisant, la première chambre civile a réitéré un principe de limitation des moyens de preuves posé par la chambre commerciale quelques années auparavant (v. les obs. de L. Bougerol, préc.).
Le contexte demeure légèrement différent aujourd’hui puisqu’il ne s’agissait pas seulement de la production des lettres mais également des constats d’huissier permettant d’attester de la réalité de l’envoi. Il existe toutefois – même en présence d’une preuve aussi efficace qu’un constat de commissaire – de sérieux doutes sur la bonne délivrance de l’information à la caution en l’espèce.
C’est autour de cette interrogation que la cassation se justifie.
Une exigeance renouvelée
La cassation opérée par l’arrêt du 18 juin 2025 est subtile, défaut de base légale oblige. La cour d’appel aurait dû vérifier « si le nom de M. [B] figurait dans les listings d’envoi des lettres d’information aux cautions datées des 14 mars 2018 et 8 mars 2019 » (pt n° 6, nous soulignons). Toute la nuance réside dans un point énoncé quelques lignes plus tôt quand la motivation critiquée mentionnait que la société chargée de la délivrance de l’information, avait procédé à un envoi groupé. Par conséquent, le travail de vérification de la bonne exécution de la transmission de l’information ne peut être achevé sans que cette mention du destinataire – peut-être incluse parmi d’autres – soit contrôlée au sein du listing. À ce titre, la Cour d’appel de Paris autrement composée pourra tout à fait aboutir à la même solution que l’arrêt cassé si figurent sur les constats d’huissier le nom de la caution. Rien ne permet, en l’état, toutefois de le présager avec les éléments issus de la décision examinée aujourd’hui.
L’opportunité de la précision peut paraître de l’ordre du détail. Elle ne l’est pas tout à fait, ce qui explique d’ailleurs sa publication au Bulletin. La production de constats d’huissier par la banque ne permet pas d’ériger une défense invincible face aux demandes de la caution. Le but reste de déterminer si ces constats visent le cœur de cible, c’est-à-dire si la délivrance de l’information a pu toucher le garant concerné. L’attention de la pratique est donc attirée sur ce point précis, surtout en matière de sous-traitance de l’envoi de l’information annuelle par un prestataire. Les listes d’envois groupés doivent mentionner, in extenso, les noms des destinataires concernés, sans quoi un constat d’huissier n’aurait qu’une force probante insuffisante.
L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés a très grandement clarifié le droit applicable à l’obligation d’information due à la caution en unifiant les dispositions existantes au sein du code civil (P. Simler et P. Delebecque, Droit des sûretés et de la publicité foncière, op. cit., p. 185, n° 164). Le nouvel article 2302 reprend l’économie des textes préexistants et notamment d l’ancien article L. 313-22 du code monétaire et financier. Dès lors, la solution de l’arrêt du 18 juin 2025 reste parfaitement opératoire au droit nouveau, et ce d’autant que ledit article 2302 s’applique aux contrats conclus avant le 1er janvier 2022 pour les informations postérieures à cette date.
Voici, en somme, une nouvelle précision intéressante. Elle devra continuer à conduire les créanciers professionnels – notamment les banques – à s’aménager en amont systématiquement la preuve de l’envoi de leur obligation d’information annuelle. Un constat d’huissier portant sur un envoi groupé remplira parfaitement cet office à condition que la caution concernée y apparaisse clairement comme destinataire !
Com. 18 juin 2025, F-B, n° 23-14.713
par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseille
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