De la résiliation anticipée du contrat d’entretien d’ascenseur pour cause de travaux importants

Dans un arrêt rendu le 3 septembre 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation précise que la résiliation anticipée d’un contrat d’entretien d’ascenseur pour cause de travaux importants intervient à l’expiration du délai de préavis de trois mois.

Parmi les thématiques rares abordées par la première chambre civile de la Cour de cassation en matière de contentieux contractuel, celle de l’entretien des ascenseurs en copropriété peut assurément être citée. Pourtant, malgré la rareté des décisions à son sujet, son importance pratique n’est plus à démontrer. L’article R. 125-2-1 ancien du code de la construction et de l’habitation prévoyait – avant son abrogation par le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021 – des règles spécifiques concernant la durée du contrat mais également s’agissant de ses modalités de résiliation anticipée en cas de travaux importants réalisés par une entreprise différente de celle qui est partie au contrat d’entretien.

L’arrêt rendu le 3 septembre 2025 aborde ainsi cette thématique peu fréquente. Rappelons brièvement les faits pour comprendre comment s’est nouée la difficulté. Une société est chargée de la maintenance des onze ascenseurs équipant un immeuble en copropriété, et ce, par contrat conclu le 1er janvier 2015. Quelques temps plus tard, le syndic de copropriété décide de procéder à des travaux de remplacement de l’armoire de commande d’un des ascenseurs, mais ce, par une entreprise différente de celle qui s’occupe de l’entretien habituel. Le 29 mars 2016, le syndic adresse donc une lettre informant la société chargée de la maintenance de la résiliation anticipée du contrat à cette fin.

Le cocontractant conteste la rupture anticipée. Dans ce contexte, il fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble en paiement d’une indemnité. En cause d’appel, les juges du fond décident de condamner le syndicat des copropriétaires à une somme de 6 304,10 €. Ils considèrent, en effet, que ledit syndicat ne pouvait résilier le contrat qu’à la date du 31 décembre 2016.

Le syndicat de copropriétaires se pourvoit en cassation en maintenant son argumentation selon laquelle il était libre de résilier le contrat dans le délai de trois mois de l’article R. 125-2-1 du code de la construction et de l’habitation. L’arrêt étudié aujourd’hui aboutira à une cassation pour violation de la loi, et ce, par refus d’application. Expliquons pourquoi.

Quand intervient la résiliation anticipée de l’article R. 125-2-1 ?

Le syndicat demandeur au pourvoi estimait qu’il avait respecté le délai de préavis exigé par l’article R. 125-2-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable au litige. Cependant, toute l’hésitation qui a conduit à la méprise des juges du fond se situe au sein du contrat lui-même. La lecture de l’arrêt d’appel (Aix-en-Provence, 16 janv. 2024, n° 20/01652, disponible en libre accès sur Judilibre) précise en effet qu’une stipulation prévoyait que « le contrat est conclu pour une durée de trois ans à compter de sa date de prise d’effet. Il se renouvelle par tacite reconduction par période d’ un an, sauf résiliation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée au moins trois mois avant l’expiration d’une période contractuelle » (nous soulignons).

Cette clause issue des conditions particulières du contrat de maintenance rentre, en effet, en collision avec la disposition réglementaire précitée. À la lecture de la décision frappée du pourvoi, ce sont bien ces « conditions particulières du contrat » (pt n° 7 de l’arrêt étudié reproduisant les motifs critiqués) qui ont triomphé. Le syndicat de copropriétaires estime que l’article R. 125-2-1 édicte une « prescription impérative » (pt n° 4) qui doit donc tenir en échec cette stipulation enfermée dans la convention entre les parties.

Il n’est pas tout à fait évident de résoudre la difficulté. On peut, toutefois, se questionner sur la réelle utilité de l’article R. 125-2-1 ancien si la convention arriverait à le faire fléchir en prévoyant une prise d’effet de la résiliation seulement à une échéance contractuelle. La disposition réglementaire a pour fonction d’assurer une souplesse bienvenue afin de pouvoir mener rapidement des travaux particuliers qui ne sont pas réalisés par la société chargée de la maintenance. La résiliation n’est donc pas liée à une cause interne au déroulement du contrat mais, au contraire, externe et permise par le code de la construction et de l’habitation. Ce faisant, elle devrait simplement prendre effet à l’issue du délai de préavis.

La première chambre civile nous semble avoir choisi la voie la plus prudente pour régler cette difficulté épineuse.

Une solution souple et respectueuse de l’intérêt du dispositif réglementaire

Assez sobrement, l’arrêt du 3 septembre 2025 précise que « la résiliation anticipée intervient alors à l’expiration du délai de préavis » (pt n° 6, nous soulignons). Il est difficile avec cette seule affirmation de reconstruire tous les maillons intermédiaires du raisonnement tenu par la Cour de cassation. Cependant, plusieurs certitudes existent à la lecture de la motivation déployée.

La première – la plus claire – est une réponse tranchée à la question posée précédemment. Le délai de l’article R. 125-2-1 du code de la construction et de l’habitation tient en échec l’architecture contractuelle retenue par les parties. Plus exactement encore, le bornage du délai de trois mois ne peut pas être rigidifié. La résiliation doit prendre effet à l’expiration du délai de préavis sans que l’on puisse fixer l’ancrage des trois mois en les liant, par exemple, à l’expiration d’une période contractuelle. La solution choisie par la Cour est probablement la seule à pouvoir respecter l’intérêt du délai de trois mois édicté par la disposition citée au visa. Sinon, le décret n° 2012-674 du 7 mai 2012 relatif à l’entretien et au contrôle technique des ascenseurs n’aurait eu guère d’intérêt (v. sur ce point, F. Collart Dutilleul, C. Blond-Laurent, P. Laurent, M. Ghemame-Pinoche et M. Hérail, Droit de la vente immobilière, 7e éd., Dalloz, coll. « Dalloz Référence », 2019, spéc. n° 63.41, note n° 4 ; comp. Dalloz actualité, 16 mai 2012, obs. Y. Rouquet).

La seconde certitude – la plus discrète – est liée à la cause de résiliation anticipée. La première chambre civile prend, en effet le soin, de confirmer le bien-fondé de celle-ci à savoir « le remplacement de l’armoire de commande des installations » (pt n° 5). À hauteur de cassation, le point ne semblait plus poser vraiment difficulté et ce en raison de la lettre de l’article R. 125-2-1, II, qui prévoyait explicitement un tel cas de travaux importants pouvant déclencher une résiliation anticipée sous ce préavis de trois mois. La motivation prend, cependant, le soin d’appuyer cette confirmation qui se retrouve également, d’ailleurs, dans le sommaire de la décision, ce qui n’est probablement pas un hasard. En appel, la société chargée de la maintenance avançait que les travaux importants ne concernaient qu’un ascenseur parmi les onze dont elle avait la charge de l’entretien pour appuyer son raisonnement concernant la rupture anticipée de l’entier contrat. La cour d’appel avait considéré que le décret de 2012 ne fixait aucun seuil minimum pour quantifier les travaux importants, ce qui est par ailleurs parfaitement exact eu égard à la rédaction de l’ancien article L. 125-2-1. Il aurait été intéressant de savoir si la société de maintenance, qui élevait un pourvoi incident, avait réitéré son raisonnement ou non sur la question. 

On retiendra donc qu’à l’écoulement du délai de préavis de trois mois de l’article R. 125-2-1 ancien du code de la construction et de l’habitation, la résiliation anticipée déploie directement ses effets. La solution est assurément utile pour les copropriétés qui n’ont pas à attendre, par exemple, la fin d’une période contractuelle quand l’architecture de la convention de maintenance viendrait le prévoir.

Voici, en somme, une décision intéressante sur une thématique rare !

 

Civ. 1re, 3 sept. 2025, F-B, n° 24-11.120

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université d'Aix-Marseille

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