De l’application de la prescription d’un an à un service de communication électronique résilié

La chambre commerciale apporte un éclairage intéressant concernant la prescription d’un an de l’article 34-2 du code des postes et des communications électroniques. Celle-ci s’applique à une action en restitution de sommes trop perçues par l’opérateur au titre d’un contrat résilié.

L’article 34-2 du code des postes et des communications électroniques n’est que guère souvent au cœur d’arrêts publiés au Bulletin. On peut se rappeler, en début d’année, d’une décision intéressante qui avait pour principal intérêt de ne pas étirer le cas d’application des prescriptions courtes comme celle édictée par l’article précité (Com. 29 mars 2023, n° 21-23.104 F-B, Dalloz actualité, 7 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2023. 370, obs. H. Barbier ). L’arrêt rendu le 25 octobre 2023 permet de revenir sur cette prescription très courte, cette fois-ci non pas pour en réduire la portée mais pour en proposer la juste lecture à des cas relevant de son application en présence de sommes trop perçues par l’opération pour un contrat pourtant résilié par le client.

Le 28 mars 2008, deux sociétés conviennent de la conclusion de plusieurs abonnements pour des services relatifs à la gestion des relations clientèles. Les services comportent un abonnement dit « lien point à point » lequel est facturé 900 € HT par mois. La société bénéficiant des services décide de résilier l’abonnement « lien point à point » le 30 avril 2013. Toutefois, l’abonnement pour ce service précis lui était toujours facturé au mois de juin 2018. Elle assigne donc son contractant, l’opérateur, en remboursement au titre du trop-perçu. En appel, les juges du fond appliquent la prescription annale de l’article 34-2 du code des postes et des communications électroniques. La cour d’appel saisie décide donc de limiter le montant de la condamnation pour toutes les demandes prescrites, soit celles correspondant aux prélèvements postérieurs à l’année prévue par le texte. La société anciennement abonnée du service « lien point à point » se pourvoit en cassation en reprochant à ce raisonnement plusieurs griefs.

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 octobre 2023 aboutit au rejet du pourvoi. Nous allons examiner pourquoi une telle décision paraît tout à fait fondée en droit.

Prescription d’un an et demande formulée après résiliation du contrat

Le demandeur à la cassation avait eu la bonne idée d’avancer que la demande en répétition de l’indu formulée par ses soins ne devait pas être soumise à la courte prescription de l’article 34-2 du code des postes et des communications électroniques. Si l’idée est intéressante, c’est parce qu’il existe un certain flottement sur l’empire exact de ce texte de droit spécial. On pouvait, effectivement, se questionner : une action enfermée dans le code civil comme la répétition de l’indu devait-elle ici voir sa prescription régie par le droit spécial du code des postes et des communications électroniques ? La question semble, en effet, inédite de ce point de vue au moins dans un arrêt publié au Bulletin ces toutes dernières années. D’où l’intérêt de la publication choisie par la Cour de cassation dans l’arrêt étudié.

La chambre commerciale ne voit dans le raisonnement tenu par les juges du fond aucune cause d’ouverture à cassation à ce sujet. La question était, en effet, moins celle de la répétition de l’indu que celle du paiement du prix des prestations quand aucun service n’est proposé en retour par l’opérateur. Or, le texte de l’article 34-2 est assez général pour englober des situations où la question porte, en réalité, sur le remboursement de sommes qui n’auraient pas dû être réglées. Seul le législateur pourrait, en somme, venir changer le texte et lui permettre de régir des situations plus résiduelles en l’état. Par conséquent, la prescription de l’article 34-2 s’applique même lorsque la prestation a été résiliée. On aurait pu penser que cette disposition légale perdait son emprise dans une telle situation puisque la prestation n’existe tout simplement pas.

La chambre commerciale refuse cette lecture par préférence à l’unité du rattachement des situations à la prescription annale dès lors que les conditions du texte sont remplies.

Absence de report du point de départ du délai

Les deuxième et troisième branche du moyen étaient alors condamnées à une certaine forme d’échec. La cour d’appel avait déduit de la situation présentée que les paiements mensuels à compter de mai 2013 s’effectuaient par prélèvement bancaire à la fin de chaque mois. Or, il était donc délicat pour la société demanderesse à la cassation de soutenir qu’elle ne connaissait pas le montant prélevé mensuellement sur son compte bancaire. C’était, toutefois, la stratégie choisie dans les deuxième et troisième branche du moyen.

Tout le raisonnement soutenu dans la branche suivante du moyen avait, en effet, pour but de déplacer le point de départ de cette très courte prescription à un autre moment que celui retenu. On comprend aisément le raisonnement car l’abonnement « lien point à point » était quelque peu noyé dans d’autres services en l’espèce. La société abonnée qui avait résilié ce dernier service était, en effet, restée liée pour d’autres prestations. Elle soutenait donc ne pas avoir perçu que l’abonnement « lien point à point » était encore facturé jusqu’en mai 2018. La cour d’appel avait alors considéré qu’elle aurait dû être en mesure de déceler l’excédent facturé chaque mois puisqu’elle savait avoir résilié l’abonnement dès le mois de mai 2013, ce qui aurait dû en somme faire diminuer le prix prélevé mensuellement. Nul besoin de déplacer le point de départ en pareille situation puisque la société pouvait très bien déceler le problème par une analyse plus fine de sa comptabilité, en somme. Tout ceci reste exigeant, certes, mais dans la droite lignée de ce que les textes signifient.

Voici donc un arrêt intéressant pour la prescription annale de l’article 34-2 du code des postes et des communications électroniques. La pratique devra utilement s’en saisir pour éviter toute irrecevabilité d’une prétention fondée au fond mais diligentée trop tardivement.

 

© Lefebvre Dalloz