Déclaration des circonstances nouvelles en cours de contrat : la modification du risque doit être appréciée de façon objective

Les circonstances nouvelles qui doivent être déclarées par l’assuré en cours de contrat doivent avoir objectivement un effet sur le risque, soit qu’il se retrouve aggravé, soit que de nouveaux risques soient créés, et ce, indépendamment des causes et origines du sinistre dont la garantie est sollicitée.

La fausse déclaration au moment de la souscription du contrat d’assurance donne lieu à un contentieux abondant et la Cour de cassation a encore rendu plusieurs arrêts récemment à ce sujet (Civ. 2e, 6 juill. 2023, n° 22-11.045, D. 2023. 1311 ; ibid. 2024. 1163, obs. R. Bigot, A. Cayol, D. Noguéro et P. Pierre ; Civ. 3e, 10 juill. 2025, n° 23-20.239 ; Civ. 2e, 3 avr. 2025, n° 23-18.533). La question des déclarations de l’assuré en cours de contrat, et plus précisément l’absence de déclaration, est moins fréquente et l’arrêt du 18 septembre 2025 donne une illustration intéressante de l’application des critères posés par le code des assurances.

Dans cette affaire, une société, propriétaire d’un immeuble à usage d’entrepôt qu’elle donne à bail, a souscrit une police multirisque professionnelle, qui couvre notamment le risque incendie. L’assuré déclare que les occupants exercent au sein de l’entrepôt donné à bail une activité de stockage de vêtements. Postérieurement à la souscription du contrat d’assurance, le propriétaire-bailleur a conclu un bail commercial avec une entreprise ayant pour activité la vente en gros de matériels de climatisation-ventilation. Un incendie est survenu dans les locaux occupés par l’entreprise de climatisation-ventilation, donnant lieu à la désignation d’un expert judiciaire, qui conclut, s’agissant de l’origine du sinistre, à une cause accidentelle non déterminée. L’assureur du propriétaire-bailleur oppose un refus de garantie fondé sur la nullité du contrat d’assurance, au motif que l’activité nouvelle, à savoir le stockage des matériels de climatisation-ventilation, ne lui a pas été déclarée en cours de contrat.

La cour d’appel condamne l’assureur multirisque à garantir le sinistre, en considérant que l’absence de déclaration de la circonstance nouvelle n’a pas eu pour conséquence d’aggraver le risque ou d’en créer de nouveaux. Pour considérer que l’absence de déclaration de la circonstance nouvelle – l’exercice par un locataire d’une activité de vente en gros de tout appareil de climatisation, alors que l’activité déclarée à la souscription était celle de stockage de vêtements – n’est pas dirimante la cour d’appel estime que cette activité n’est pas à l’origine de l’incendie ou de son ampleur.

Sur pourvoi de l’assureur, la Cour de cassation casse cette décision au triple visa des articles L. 113-2, 2°, L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances, au motif que « les circonstances nouvelles qui doivent être déclarées au cours de contrat par l’assuré ne dépendent ni de l’origine du sinistre dont la garantie est demandée, ni du rôle qu’elles ont joué dans son ampleur ».

La déclaration des circonstances nouvelles en cours de contrat

En vertu de l’article L. 113-2, 3°, du code des assurances, l’assuré est obligé « De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus ».

Ainsi, c’est le risque lui-même qui doit être modifié par la circonstance nouvelle : objectivement, il n’est plus ce qu’il était au moment de la déclaration initiale. La difficulté va donc être de déterminer les circonstances nouvelles qui sont susceptibles de modifier le risque. Le fait nouveau, qui ne devait par hypothèse pas exister lors de la déclaration initiale, doit soit aggraver le risque (autrement dit, augmenter sa probabilité de survenance ou son intensité) soit créer un nouveau risque. L’exemple le plus classique est celui de l’évolution des activités de l’assuré (Civ. 1re, 14 mars 2000, n° 97-22.046). C’est donc par le prisme du risque qu’il convient de déterminer si une circonstance nouvelle doit faire l’objet d’une déclaration et non par l’analyse du sinistre une fois que ce celui-ci se produit.

Dans le cas présent, la cour d’appel semble être tombée dans cet écueil, en considérant que dès lors que l’expert judiciaire n’avait pas considéré que l’incendie avait pour origine les matériels entreposés par l’entreprise de climatisation, c’est que le risque n’avait pas été aggravé. Mais l’analyse des effets de la circonstance nouvelle sur le risque doit être objective et faire abstraction des conditions dans lesquelles s’est déroulé le sinistre, en l’espèce un incendie. Surtout, il y a une contradiction dans la motivation de l’arrêt d’appel qui a considéré qu’il y avait effectivement une circonstance nouvelle qui aurait dû être déclarée mais que celle-ci n’avait pas aggravé le risque ou créé de nouveaux, au vu des conclusions de l’expert judiciaire. Ainsi, il appartiendra à la cour de renvoi de déterminer si la circonstance nouvelle (à savoir le fait d’avoir donné à bail une partie de l’entrepôt à une entreprise exerçant une activité autre que celle de stockage de vêtements) aggravait le risque ou créait un risque nouveau.

Par ailleurs, de son côté, l’assureur devra prouver que les conditions d’assurance auraient été différentes s’il avait été informé qu’un locataire exerçait une activité de vente de matériels de climatisation au sein de l’immeuble assuré. L’on relèvera en effet que l’assureur n’a pas invoqué à titre subsidiaire l’application de la règle proportionnelle de primes, de sorte qu’il doit rapporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré pour obtenir la nullité.

L’absence de déclaration doit rendre inexactes ou caduques les réponses faites à la souscription du contrat

Par ailleurs, la circonstance nouvelle doit non seulement avoir un effet sur le risque, mais il faut aussi que l’absence de déclaration rende inexactes ou caduques les réponses faites à la souscription du contrat. En effet, l’article L. 113-2, 3°, du code des assurances pose comme critère de déclaration d’une circonstance nouvelle le fait qu’elle rende inexactes ou caduques les réponses faites aux questions posées lors de la souscription du contrat. Il a déjà été jugé que les locaux d’une société ayant été partiellement détruits par un incendie, ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles L. 113-2, 3° et L. 113-9 une cour d’appel qui, pour décider que l’assureur était fondé à faire application de la règle proportionnelle de primes et de capitaux, retient que des circonstances nouvelles avaient eu pour résultat de modifier le risque assuré et auraient dû être portées à la connaissance de cet assureur, sans constater que l’absence de déclaration avait pour conséquence de rendre inexactes ou caduques les réponses faites, lors de la conclusion du contrat d’assurance, aux questions posées par l’assureur (Civ. 2e, 22 janv. 2009, n° 08-10.294, D. 2009. 372 ; ibid. 2010. 1740, obs. H. Groutel ).

Dans le cas présent, la cour d’appel ne s’est pas prononcée concernant les conséquences de l’absence de déclaration de la circonstance nouvelle sur les déclarations à la souscription. Cela nous ramène à l’évolution de la jurisprudence concernant les déclarations à la souscription et plus particulièrement, à la nécessité d’un questionnaire clair et précis. En effet, s’il n’y a pas de question concernant le type d’activité exercée dans l’entrepôt, la circonstance nouvelle de l’exercice d’une activité différente n’a pas d’effet sur les déclarations à la souscription. L’arrêt d’appel nous apprend que le questionnaire interrogeait le souscripteur sur l’usage du bâtiment (à savoir « industriel ») et que ce dernier avait précisé que l’activité principale était celle de « stockage de vêtements occupant plus de 25 % de la superficie développée totale ». Il n’est ainsi pas certain que l’absence de déclaration de l’activité de vente de matériel de climatisation (qui demeure une activité industrielle) rendait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur au moment de la souscription. Toutefois, la cour d’appel ne s’est pas prononcée sur ce point puisqu’elle a considéré que la circonstance nouvelle, même si elle aurait dû être déclarée, n’avait pas pour conséquence d’aggraver le risque ou d’en créer de nouveaux.

L’assureur devra donc prouver devant la cour d’appel de renvoi, non seulement que la circonstance nouvelle avait un effet sur le risque, mais aussi que l’absence de déclaration de celle-ci rendait inexactes ou caduques les réponses faites au questionnaire… et que la réticence de l’assuré était intentionnelle.

 

Civ. 2e, 18 sept. 2025, F-B, n° 23-21.201

par Violaine Etcheverry, Avocate spécialiste en droit des assurances et Associée de Carène avocats

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