Députés et sénateurs s’entendent sur l’action de groupe

En commission mixte paritaire, Assemblée et Sénat ont abouti à un compromis sur le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne. L’action de groupe était le principal sujet de discorde entre les deux assemblées. Le compromis prévoit des actions de groupe, y compris pour des associations non agrées et la création d’une amende civile.

L’action de groupe est l’un des serpents de mer qui naviguent entre le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg. En 2020, les députés avaient tiré un bilan mitigé de ces actions introduites il y a dix ans. Philippe Gosselin (LR) et Laurence Vichnievsky (MoDem) avaient proposé une réforme ambitieuse. Massivement soutenu à l’Assemblée en 2023, ce texte avait été froidement accueilli au Sénat, aboutissant à sa mise en sommeil.

La transposition d’une directive européenne sur les actions transfrontières rendait nécessaire une réforme législative. Le gouvernement l’a donc intégrée au projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne. Mais il souhaitait une modification a minima du droit français. Même s’il concédait que le bilan de la procédure actuelle était « décevant », le gouvernement voulait une transposition stricte, craignant une action trop étendue.

Toutefois, en première lecture, à l’initiative de Philippe Gosselin, les députés réintégraient la majorité des dispositions de leur proposition de loi. Les sénateurs, logiquement, revenaient en arrière. Charge donc à la commission mixte paritaire d’élaborer un compromis entre les deux versions.

Trois ans d’activité effective

D’abord, l’universalité du champ matériel de l’action de groupe ne souffrira que d’une exception : la santé publique (sauf manquement à ses obligations légales ou contractuelles d’un producteur de produits de santé). Ensuite, l’action de groupe sera exercée en priorité par les associations agréées, avec des conditions d’indépendance et de transparence. Les associations non-agréées devront justifier de vingt-quatre mois d’activité effective et publique et seront cantonnées aux actions en cessation de manquement. Les syndicats représentatifs pourront également conduire des actions en matière de lutte contre les discriminations, de protection des données personnelles ou de cessation du manquement et réparation de dommages d’un employeur unique. Le ministère pourra exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement ou se joindre à toute action de groupe.

Le financement par tiers sera possible, mais sera encadré par décret. Le financeur ne pourra influer sur les personnes initiant l’action. Par ailleurs, le porteur de l’action en réparation ne devra pas être en conflit d’intérêts, le juge pouvant, le cas échéant, l’enjoindre de produire les pièces le justifiant.

Comme le voulaient les députés, la procédure est harmonisée pour l’ensemble des actions de groupe. La mise en demeure préalable ne concernera que les actions de groupe basées sur le code du travail, conformément à ce que souhaitait le Sénat. Une action manifestement infondée pourra être rejetée par décision motivée de la juridiction, dès l’introduction de l’instance.

À l’exclusion des actions portant la réparation de préjudices résultant de dommages corporels, il sera possible au juge de décider la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices.

La création d’une amende civile

Le texte crée un nouvel article 1254 au code civil pour introduire une amende civile. Lorsqu’une personne sera « reconnue responsable d’un manquement aux obligations légales ou contractuelles afférentes à son activité professionnelle », le juge pourra, à la demande du parquet (ordre judiciaire) ou du gouvernement (administratif), et par une décision spécialement motivée, la condamner à une sanction civile. Le produit sera affecté à un fonds consacré au financement des actions de groupe.

Il faudra pour cela que l’auteur du dommage ait délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue et que le manquement ait causé des dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire. La sanction sera proportionnée à la gravité de la faute et au profit retiré, allant jusqu’au quintuple pour les personnes morales. Si cette amende civile est limitée, cette introduction est une victoire pour les députés.

Enfin, pour l’application dans le temps, la nouvelle législation s’appliquera à toutes les actions intentées après la publication de cette loi DDADUE. Toutefois, l’amende civile ne sera applicable qu’aux actions dont le fait générateur de la responsabilité sera postérieur à cette loi.

 

© Lefebvre Dalloz