Députés et sénateurs s’opposent sur la loi dérive sectaire

Le Sénat s’était opposé à plusieurs innovations proposées dans le projet de loi du gouvernement contre les dérives sectaires. Il avait notamment supprimé deux nouveaux délits de sujétion psychologique et de provocation à l’abandon de soin. Mercredi en commission, les députés ont rétabli la version gouvernementale.

En présentant ce projet de loi, le gouvernement avait entendu lutter contre de nouvelles formes de dérives sectaires, moins religieuses et plus liées aux réseaux sociaux. Plusieurs nouveaux délits n’avaient toutefois pas été soutenus par le Sénat en décembre dernier. Mercredi, lors du passage en commission à l’Assemblée, les députés ont rétabli la copie gouvernementale. Elle sera étudiée en séance publique mardi 13 février.

Le délit de sujétion psychologique

Les députés ont rétabli l’infraction de placement dans un état de sujétion psychologique ou physique. Pourrait être puni de trois ans de prison le fait de « placer ou maintenir » quelqu’un « dans un état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement », qui auraient « pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Pour les mineurs, ce délit sera prescrit à compter de 10 ans après la majorité.

Les sénateurs s’étaient opposés à cet article. Ils ne comprenaient pas la volonté de durcir le quantum de peines par rapport au délit d’emprise sectaire, « habitude courante du droit pénal, qui ne repose en général sur aucune évaluation d’un besoin ». Par ailleurs, le délit d’abus de faiblesse ainsi que le délit de harcèlement moral, dans sa rédaction de 2022, répriment déjà les comportements que la nouvelle infraction entend viser. Pour les députés, ce délit est au contraire nécessaire, l’actuel délit d’abus de faiblesse ne permettant pas d’appréhender la sujétion d’une personne qui résulterait de techniques manipulatoires.

Par ailleurs, l’article 1er crée une circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse commis au moyen d’un support numérique. Les députés ont également rétabli l’article 2 créant une nouvelle circonstance aggravante de sujétion pour les meurtres, actes de tortures et de barbarie, violences aux personnes, escroqueries ou pour le délit de thérapie de conversion. De plus, à l’initiative des députés Modem, le secret médical pourra être levé en cas de dénonciation par un professionnel médical d’une dérive sectaire au parquet.

La provocation à l’abandon de soin

Les deux chambres s’opposent également sur la création à l’article 4 d’un délit de « provocation à l’abandon de soin ». La commission des Lois de l’Assemblée a, là aussi, rétabli une infraction supprimée par le Sénat. Serait visée le fait de provoquer à l’abstention d’un traitement médical, en présentant cela comme bénéfique pour la personne, alors que cette abstention, en l’état des connaissances médicales, est susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la santé.

Les sénateurs s’y étaient opposés en s’appuyant sur l’avis critique du Conseil d’État. Ils soulignaient que de nombreux délits proches existaient (exercice illégal de la médecine, homicide involontaire, pratique commerciale trompeuse), plus sévèrement punis que cette nouvelle infraction. Pour les sénateurs, ce délit ne permettait pas la conciliation entre la liberté d’expression, la liberté de choisir et de refuser des soins, et l’objectif de protection de la santé publique. Pour les députés, au contraire, cela permettra de réprimer ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour toucher une large audience et ainsi promouvoir des pratiques dangereuses pour la santé.

Des dispositions plus consensuelles

Le projet de loi contient également des dispositions plus consensuelles. L’article 3 ouvre aux associations agréées la constitution de partie civile dans les contentieux mettant en jeu des dérives sectaires, y compris les thérapies de conversion.

L’article 4 A crée des circonstances aggravantes des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie ou de la biologie médicale et de pratiques commerciales trompeuses, dès lors qu’ils seraient commis en ligne. Les députés ont prévu des peines complémentaires de suspension de l’accès aux réseaux sociaux, en s’inspirant du projet de loi SREN, dont l’étude est toujours suspendue à l’avis de la commission européenne.

L’article 5 systématise la transmission d’informations par la justice aux ordres professionnels médicaux en cas d’infractions en matière de dérives sectaires par un soignant.

Enfin, l’article premier consacre l’existence de la Milivudes au niveau législatif. Elle pourra intervenir dans une procédure judiciaire, par amicus curiae.

 

Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes - Texte de la Commission

© Lefebvre Dalloz