Des détecteurs de fumée interconnectés obligatoires en habitat inclusif

Un décret et un arrêté du 11 juin 2025 fixent les dispositifs de sécurité à mettre en place dans les locaux constituant l’habitat inclusif qui, au titre de la réglementation incendie, sont considérés comme des bâtiments d’habitation.

Promu par l’article 129 de la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, l’habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes (CASF, art. L. 281-1 s.). Il doit permettre l’insertion des habitants, qui peuvent alors conserver leur autonomie et disposer de leur logement propre tout en bénéficiant d’un accompagnement adapté à domicile.

Compte tenu du caractère particulier de ce type d’habitat et pour éviter le risque de fermeture d’habitats inclusifs existants, le gouvernement a souhaité ajuster le corpus juridique en matière de sécurité incendie, afin de le différencier du dispositif plus sévère qui est imposé aux établissements recevant du public (ERP). Une disposition a été introduite en ce sens dans le code de l’action sociale et des familles, par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, dite « loi Bien-vieillir ». Selon cette disposition, les locaux dans lesquels est établi l’habitat inclusif constituent des bâtiments à usage d’habitation au sens de l’article L. 141-2 du code de la construction et de l’habitation.

Un décret et un arrêté du 11 juin 2025 viennent préciser les règles spécifiques à respecter par les propriétaires de logements constituant un habitat inclusif. Il s’agit d’assurer non seulement la sécurité des occupants de ces locaux mais également celle des professionnels des services à domicile et des intervenants des services de secours, en cas de déclenchement d’un incendie (CASF, art. D. 281-7 créé par le décr. n° 2025-516 du 11 juin 2025, JO 12 juin ; Arr. du 11 juin 2025, NOR : TSSA2429959A, JO 12 juin).

Assurer le déclenchement d’une alarme incendie et faciliter l’intervention des pompiers

L’article D. 281-7 du code de l’action sociale et des familles confirme que les locaux dans lesquels est établi l’habitat inclusif relèvent bien de la réglementation de sécurité incendie applicable aux bâtiments d’habitation, notamment de l’arrêté du 31 janvier 1986.

Dès lors que l’habitat inclusif est occupé par plus de deux personnes et qu’il est constitué d’un seul et même logement composé d’un minimum de pièces de vie prévues par l’article R. 111-1 du code de la construction et de l’habitation (pièces principales destinées au séjour ou au sommeil, et pièces de service comme la cuisine, la salle d’eau, les W.-C, etc.), ce logement doit être aménagé et équipé de dispositifs qui permettent de déclencher une alarme incendie automatique et généralisée, une évacuation immédiate, ou différée après mise à l’abri, des résidents et une intervention facilitée des services de secours (CASF, art. D. 281-7, al. 2 à 4, créés par le décr. n° 2025-516 du 11 juin 2025).

Équipements de sécurité obligatoires selon le taux d’occupation de l’habitat inclusif

L’arrêté du 11 juin 2025 fixe les dispositifs techniques à mettre en place a minima, auxquels s’ajoutent d’autres équipements renforçant la sécurité, en fonction du nombre de personnes occupant l’habitat inclusif.

À compter de trois personnes

Pour une occupation à partir de trois personnes, le logement doit :

  • être équipé de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (DAAF), interconnectés, dans chaque chambre, dans les pièces communes et dans les circulations du logement, hormis la cuisine si elle est isolée des autres pièces privatives du local. L’interconnexion doit permettre le déclenchement automatique de tous les DAAF et, le cas échéant, celui des dispositifs d’alarme complémentaires adaptés aux personnes handicapées occupant le logement. Les DAAF doivent répondre aux exigences techniques en vigueur (v. ci-dessous) ;
  • disposer d’une baie accessible aux pompiers (au minimum 1,30 m sur 0,90 m), pour les logements situés en bâtiment collectif classé de la 2e à la 4e famille au regard de la réglementation incendie des bâtiments d’habitation (Arr. 31 janv. 1986, art. 3) ;
  • être implanté au maximum au 7e niveau de l’immeuble (6e étage sur RDC).

De sept à quinze personnes

Pour une occupation des locaux par sept à quinze personnes, vient s’ajouter l’installation obligatoire, dans chaque chambre, d’un ferme-porte automatique (sauf si l’ouverture et la fermeture de la porte de chambre sont déjà automatisées), de parois coupe-feu (de degré 1/2 h ou EI 30), et de portes pleines de 30 mm d’épaisseur minimale et assurant un renouvellement d’air suffisant.

Par plus de quinze personnes

Pour une occupation par plus de quinze personnes, le logement doit, par ailleurs, être recoupé en volumes, par tranche d’au plus quinze personnes, par un mur respectant les degrés coupe-feu en fonction du classement par famille d’habitation.

Un bloc-porte coupe-feu (de degré 1/2 h ou EI 30), de largeur minimale de 90 cm et équipé d’un ferme-porte, est installé entre chaque volume recoupé, lequel doit disposer d’un accès distinct depuis les couloirs communs du bâtiment afin de permettre, en cas d’incendie, une sortie directe sans passer par le ou les volumes contigus.

Éxigences techniques des DAAF

Les DAAF installés dans les logements constituant l’habitat inclusif (et interconnectés) doivent, comme tout détecteur de fumée équipant un logement, satisfaire aux exigences techniques prévues par la réglementation en vigueur, à savoir les articles R. 142-2 et R. 142-3 du code de la construction et de l’habitation. En application de ces textes, il devait s’agir d’un détecteur de fumée « normalisé ».

Mais un autre décret du 11 juin 2025 (Décr. n° 2025-518) a supprimé, dans les deux articles du code de la construction et de l’habitation, la mention « normalisé » du DAAF. Selon la notice figurant en présentation du décret, la modification correspond à la « suppression de la normalisation obligatoire de ces détecteurs ».

Si cette notice ne donne pas plus de détails sur les raisons ayant conduit à la suppression du terme, on peut raisonnablement penser que celle-ci est liée à la réglementation relative à la normalisation.

En vertu de l’article 17 du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, les normes sont d’application volontaire. Les organismes et professionnels peuvent alors se référer à des normes qui sont notamment proposées sur le site de l’AFNOR en accès payant. En revanche, en vertu de ce même article, les normes qui sont rendues d’application obligatoire par arrêté ministériel doivent être en libre accès, gratuitement, sur le site de l’AFNOR. Or, ces dispositions portant sur le caractère payant ou gratuit des normes sont source de contentieux. À titre d’exemple, la certification des diagnostiqueurs a été, à plusieurs reprises, remise en cause par le Conseil d’État, en raison de l’absence de gratuité de normes qui s’étaient avérées être d’application obligatoire dans les arrêtés litigieux (CE 24 juill. 2019, n° 402345, AJDI 2019. 714 ; 7 juill. 2021, n° 423261 ; 5 févr. 2024, n° 461336, Lebon ; AJDI 2024. 312 ).

L’AFNOR essaie bien de suivre l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité de la règle de droit, rappelé par le Conseil d’État dans ses décisions, en donnant la possibilité de consulter gratuitement les normes contestées. Toutefois, son site internet alerte les utilisateurs sur le fait que des normes, d’origine internationale, sont parfois soumises à des droits de propriété intellectuelle et que leur accès est conditionné à une autorisation exceptionnelle réservée aux acteurs ayant l’obligation d’accéder à une norme pour respecter une réglementation.

Pour se prémunir d’un éventuel litige lié, notamment, à l’absence d’accès gratuit et facile à la norme NF EN 14604 qui est obligatoire en matière de DAAF en vertu de l’arrêté du 24 avril 2006 (Arr. du 24 avr. 2006, NOR : EQUG0600993A, art. 1er), les pouvoirs publics ont décidé de faire disparaître ce terme dans les deux textes en question, et ce, contre l’avis même du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) du 21 janvier 2025. Cette instance estime en effet que cette norme, qui permet le marquage CE des produits et donc de leur libre circulation, doit continuer à être obligatoire au titre du règlement (UE) 2024/3110 sur les produits de construction du 27 novembre 2024.

Cependant, malgré cette suppression de la normalisation obligatoire des équipements, les détecteurs de fumée doivent, en tout état de cause, respecter les exigences techniques définies dans l’arrêté du 5 février 2013 (NOR : ETLL1126574A).

Maintenance des équipements de sécurité

Le propriétaire est tenu d’assurer la vérification du bon fonctionnement des ferme-portes et des DAAF (not., leur interconnexion), et de la résistance au feu des portes de chambre. Il doit remplacer les équipements en cas de défaillance (Arr. du 11 juin 2025, NOR : TSSA2429959A, art. 4).

S’agissant des DAAF, il peut, par convention, déléguer cette responsabilité aux organismes agréés pour les activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale pour ces locaux, ou à la personne morale porteuse de l’habitat inclusif, chargée d’assurer le projet de vie sociale et partagée mentionnée à l’article L. 281-2-1 du code de l’action sociale et des familles (CCH, art. R. 142-3, 3°, créé par le décr. n° 2025-518 du 11 juin 2025, art. 1er, 3°).

Entrée en vigueur des obligations de sécurité

Les règles de sécurité incendie sont applicables à compter du 1er janvier 2027 aux habitats inclusifs qui accueillent leur premier occupant postérieurement au 1er janvier 2027. Toutefois, par dérogation, les mesures portant sur l’installation et la vérification du bon fonctionnement des détecteurs de fumée et des ferme-portes entrent en vigueur le 1er janvier 2027, pour les habitats inclusifs qui accueillent leur premier occupant avant le 1er janvier 2027 (Arr. du 11 juin 2025, NOR : TSSA2429959A, art. 5).

 

Décr. n° 2025-516, 11 juin 2025, JO 12 juin

Décr. n° 2025-518, 11 juin 2025, JO 12 juin

Arr. 11 juin 2025, JO 12 juin

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