Deux directives en matière d’assurance orientées vers la prévention des risques
Dans un contexte économique difficile, l’Union européenne toilette la règlementation des entreprises d’assurance, d’abord, en la complétant d’un volet relatif au redressement et à la résolution de ces entreprises (Dir. [UE] 2025/1) et, ensuite, en réorientant les capitaux vers le financement de l’économie (verte) et en révisant les mesures de contrôle (Dir. [UE] 2025/2).
Les deux premières directives publiées en 2025 au Journal officiel de l’Union européenne – directive (UE) 2025/1 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des entreprises d’assurance et de réassurance et modifiant les directives 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2007/36/CE, 2014/59/UE et (UE) 2017/1132 et les règlements (UE) n° 1094/2010, (UE) n° 648/2012, (UE) n° 806/2014 et (UE) 2017/1129 et directive (UE) 2025/2 modifiant la directive 2009/138/CE en ce qui concerne la proportionnalité, la qualité du contrôle, la communication d’informations, les mesures relatives aux garanties à long terme, les outils macroprudentiels, les risques en matière de durabilité et le contrôle de groupe et le contrôle transfrontière, et modifiant les directives 2002/87/CE et 2013/34/UE – trahissent les préoccupations du législateur européen quant à la situation des assureurs et, plus largement, de l’économie des États de l’Union. Leur objet bien sûr, mais leurs premiers considérants également, sont clairs. Ici (Dir. [UE] 2025/2), il est question de « la pandémie de covid-19 [qui] a causé d’énormes dommages socio-économiques, en conséquence desquels l’économie de l’union a besoin d’une reprise durable, inclusive (sic) et équitable » ou bien des « conséquences économiques et sociales de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine » ; là (Dir. [UE] 2025/1), il est fait référence aux « difficultés des entreprises d’assurance [qui] peuvent avoir des répercussions considérables sur l’économie et le bien-être social » et, encore, à « la crise financière mondiale de 2008 [qui] a mis en lumière les vulnérabilités du secteur financier et son interconnexion ». Outre que les optimistes repasseront, le lecteur peut être a priori déçu, après avoir découvert de tels enjeux, de la nature des normes nouvelles. Le législateur n’a gagné ni en poésie ni en éloquence ; les deux directives sont éminemment techniques, notamment la seconde qui, modifiant la directive 2009/138/CE (Solvabilité II), revêt le charme énigmatique des textes modificatifs : « La directive 2009/138/CE est modifiée comme suit : 1) À l’article 2, paragraphe 3, le point a), iv), est remplacé le texte suivant… ». Mais, précisément parce qu’il n’y a aucune raison que l’auteur ait trouvé dans ces mots davantage de plaisir que le lecteur, il faut croire que lesdites directives ne sont pas gratuites et que, pourvu qu’ils fussent décryptés, leurs contenus aient un intérêt certain. Les deux directives entreront en vigueur le 28 janvier 2025 et devront être transposées le 29 janvier 2027.
Un cadre pour le redressement et la résolution des entreprises d’assurance et de réassurance (Dir. [UE] 2025/1)
La finalité poursuivie par la directive (UE) 2025/1 est clairement exposée : « de nombreuses entreprises d’assurance et de réassurance exercent des activités au-delà des frontières nationales. Un manque de coordination entre les autorités publiques pour prévenir et gérer les difficultés ou la défaillance d’une telle entreprise porterait atteinte à la confiance mutuelle entre États membres, entraînerait des résultats sous-optimaux pour les preneurs d’assurance, les bénéficiaires et les personnes lésées et nuirait à la crédibilité du marché intérieur de l’assurance » (consid. n° 6). Or « il n’existe actuellement aucune harmonisation des procédures au niveau de l’Union permettant de procéder à la résolution des entreprises d’assurance ou de réassurance de manière coordonnée. En revanche, on observe d’importantes différences de fond et de procédure entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales qui régissent la défaillance des entreprises d’assurance et de réassurance d’un État membre à l’autre » (consid. n° 7). L’harmonisation qui doit donc être déployée pour elle-même doit être pensée au regard d’un certain nombre d’objectifs : en premier lieu, « assurer la continuité des fonctions critiques des entreprises d’assurance ou de réassurance dont la défaillance est avérée ou prévisible » et, en second lieu, limiter « le plus possible les incidences d’une telle défaillance sur l’économie ou le système financier » (consid. n° 8), le tout en prenant néanmoins en compte l’importance (et donc les enjeux économiques et financiers) des entreprises concernées : « la mise en œuvre [du] cadre de redressement et de résolution devrait donc être proportionnée à la nature, à l’échelle et à la complexité de l’entreprise concernée ainsi que de ses activités et services » (consid. n° 17). Au-delà de ces trois premiers buts, la lecture des considérants de la directive laisse transparaître les préoccupations annexes de l’Union européenne. Comme toujours en la matière, est évoquée la prévention des conflits d’intérêts ou, encore, est traité l’enjeu de la collaboration entre les autorités (ici de résolution) des différents États membres.
Quant aux dispositions substantielles contenues dans la directive, elles s’adressent in fine aux entreprises d’assurance et de réassurance, aux sociétés d’assurance et de réassurance mères, aux sociétés holding (et sociétés holdings mères) et aux compagnies financières mixtes (et compagnies financières mixtes mères) ainsi qu’aux succursales d’entreprises d’assurance et de réassurance qui sont établies dans l’Union. Ces mesures s’articulent autour de deux pivots. Il s’agit dans un premier temps d’anticiper la survenance de difficultés en contraignant les entreprises d’assurance ou de réassurance, sous le contrôle du régulateur et selon leur taille ou leur appartenance à un groupe, à établir des plans préventifs de redressement et de résolution dont les caractéristiques (ou les thèmes) sont minutieusement détaillées. Les autorités de résolution ne sont pas oubliées ; il leur incombera d’évaluer dans quelle mesure la résolution des entreprises d’assurance est possible et, le cas échéant, de notifier au contrôleur et à l’entreprise d’assurance ou de réassurance les obstacles importants à la résolvabilité (sic) de celle-ci. Dans un second temps, la directive encadre minutieusement les modalités de la résolution. Elle en fixe les conditions, définit les principes généraux de la procédure et en détaille les instruments.
La proportionnalité, la qualité du contrôle, la communication d’informations, les mesures relatives aux garanties à long terme, les outils macroprudentiels, les risques en matière de durabilité et le contrôle de groupe et le contrôle transfrontière (Dir. [UE] 2025/1)
La directive (UE) 2025/2 tend d’abord à répondre à un débat désormais ancien relatif à la pertinence des contraintes définies par la directive 2019/138/CE au regard du caractère long terme des engagements des assureurs. En substance, il était « reproché » à la directive Solvabilité II de fixer des règles prudentielles trop contraignantes dans cet environnement long terme. La révision introduite a pour premier objet de répondre, favorablement, à cette critique : « Des adaptations qui tiennent mieux compte du fait que l’activité d’assurance concerne, par nature, le long terme pourraient entraîner une augmentation du capital librement disponible à la suite de la réduction du capital de solvabilité requis » (consid. n° 4). Il ne s’agit pas seulement pour l’Union, en assouplissant les règles, d’offrir de la liberté aux opérateurs, mais bien d’inciter ceux-ci à financer l’économique. Plutôt que de rémunérer les actionnaires, les entreprises devraient s’« orienter vers des investissements productifs dans l’économie réelle afin de soutenir la reprise économique et les objectifs stratégiques plus larges de l’Union » (idem). Parmi ces objectifs stratégiques figure notamment le développement d’une Union plus « verte » à laquelle les entreprises d’assurances sont invitées à participer non seulement en finançant ces secteurs économiques, mais encore, comme cela est déjà le cas par ailleurs (Dir. [UE] 2022/2464 du 14 déc. 2022), à appréhender les enjeux sur leur activité du changement climatique (consid. nos 6 et 7 ; art. 45 bis (nouv.) de la dir 2019/138/CE).
Le contrôle des activités des entreprises d’assurance est le second grand objet de la directive (UE) 2025/2. Il s’agit d’une part de généraliser le principe de proportionnalité déjà mis en œuvre dans la directive n° 2019/138/CE (et évoqué dans la dir. [UE] 2025/1, v. supra) aux termes duquel les règles applicables doivent être modulées selon la taille et la complexité des entreprises d’assurances, à défaut de quoi les procédures s’avéreraient « trop coûteuses et complexes (consid. n° 17). Il s’agit, d’autre part, de renforcer l’efficacité du contrôle prudentiel des groupes d’assurance de dimension européenne en actualisant les différents aspects de celui-ci qu’il s’agisse de la gouvernance et de l’information relative à cette dernière communiquée aux autorités de contrôle, des obligations déclaratives ou de l’analyse des risques à long terme, incluant en cela l’éventualité des risques systémiques.
Dir. (UE) 2024/1, 27 nov. 2024, JOUE 8 janv. 2025
Dir. (UE) 2025/2, 27 nov. 2024, JOUE 8 janv. 2025
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