Directive Omnibus : la Commission annonce un nouvel ensemble de propositions en vue de la simplification des exigences de durabilité pour les entreprises

En réponse aux inquiétudes formulées par les entreprises, et dans la continuité du rapport Draghi sur la compétitivité européenne, la Commission européenne a publié le 26 février dernier une proposition de directive « Omnibus ». Cette directive poursuit un double objectif : simplifier la réglementation européenne et réduire ainsi les charges administratives pesant sur les entreprises en matière de finance durable et de devoir de vigilance.

Cet allégement proposé par Bruxelles soulève toutefois des questions, notamment en rapport avec les objectifs du Green Deal.

Stimuler la compétitivité européenne en renforçant la simplification

Publié en septembre 2024, le rapport Draghi alerte sur la nécessité pour l’Europe de continuer son développement, y compris économique. Le rapport souligne les défis à relever, qu’il s’agisse de la révolution technologique mais également des changements d’ordre géopolitique. Il en ressort alors un impératif : créer un cadre normatif facilitant la compétitivité européenne, en réduisant les coûts pesant sur les entreprises afin de libérer une capacité d’investissement supplémentaire (Comm. UE, Rapport Draghi sur la compétitivité européenne, 9 sept. 2024).

Cette nécessité d’accroitre la compétitivité au niveau européen apparaît d’autant plus essentielle, alors même que Donald Trump a récemment annoncé vouloir augmenter les taxes de 25 % sur certains produits en provenance de l’Union européenne.

La proposition de directive Omnibus fait également suite à la Déclaration de Budapest du 8 novembre 2024 appelant à la mobilisation de tous les instruments pour stimuler la compétitivité, dont le point 4 précisait : « Lancer une révolution en matière de simplification (…) » (Cons. UE, Communiqué de presse, Déclaration de Budapest sur le nouveau pacte pour la compétitivité européenne, 8 nov. 2024). Le mot d’ordre était donné.

Cette volonté de simplification s’inscrit en outre dans l’objectif de la Commission de réduire d’au moins 25 % les charges administratives des entreprises, seuil porté à 35 % pour les PME.

C’est dans cette optique et après diverses consultations avec les parties prenantes, que la Commission européenne a présenté les contours de la directive Omnibus. Cette proposition de directive tend à réduire le reporting et les obligations de diligence en matière de durabilité avec comme objectif de favoriser la prospérité des entreprises et attirer les investissements en Europe, le tout favorisant la compétitivité du marché unique européen.

Selon la Commission européenne, les propositions devraient, « permettre de réaliser des économies d’un montant total d’environ 6,3 milliards d’euros sur les coûts administratifs annuels et de mobiliser une capacité d’investissement publique et privée supplémentaire de 50 milliards d’euros pour soutenir les priorités stratégiques. » (Comm. UE, Communiqué de presse, La Commission simplifie les règles en matière de durabilité et d’investissements de l’UE et réduit les charges administratives pour un montant de plus de 6 milliards d’euros, 26 févr. 2025)

Les normes visées par la directive Omnibus

La première série de propositions contenues dans la directive Omnibus touche à plusieurs normes européennes. Les principales directives concernées par les changements proposées sont les directives CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive – Dir. [UE] 2022/2464 du 14 déc. 2024) et CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive – Dir. [UE] 2024/1760 du 13 juin 2024).

La directive CSRD a pour objet le renforcement de la transparence et de la responsabilisation des entreprises sur les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Élément essentiel de la mise en œuvre du Green Deal européen, la directive CSRD se caractérise par sa double matérialité, c’est-à-dire qu’elle oblige les entreprises à évaluer leurs risques en matière de durabilité, ainsi que leur impact sur l’environnement. À ce titre, les entreprises doivent rendre publiques certaines informations liées à leur impact environnemental, social et de gouvernance.

La directive CSDDD, quant à elle, a pour objectif de favoriser un comportement durable et responsable des entreprises dans leurs activités et dans leurs chaînes de valeur (value chain). Elle met en place une obligation de diligence pour les entreprises, qui devront identifier et prendre en compte les risques négatifs de leur activité sur les droits de l’homme et l’environnement.

La directive Omnibus touche également à la règlementation sur la taxonomie européenne. Pour rappel, le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 sur la taxinomie permet à la Commission d’adopter des actes délégués pour la mise en œuvre de celui-ci. La directive Omnibus soumet donc pour consultation publique un acte délégué modifiant les actes délégués sur la publication d’informations relatives à la taxinomie et sur le climat relatif à la taxinomie.

Enfin, la directive Omnibus contient une proposition visant à amender le CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism), un mécanisme ayant notamment pour objectif de réduire les émissions carbones au sein de l’Union européenne. La dernière proposition de la directive Omnibus est relative à l’amendement du règlement InvestEu (Règl. [UE] 2021/523 du 24 mars 2021).

Au programme, donc de cette proposition, un ensemble de modifications du cadre juridique européen.

Des propositions remarquées en termes de simplification

La proposition de directive Omnibus contient de nombreuses propositions et allègements du cadre normatif européen avec comme finalité : la simplification.

Tout d’abord, et il s’agit d’une modification majeure, la proposition prévoit de réduire considérablement le champ d’application de la directive CSRD. Ainsi, seules les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés dépassant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 25 millions d’euros de bilan seront désormais soumises aux obligations de reporting en matière de durabilité. Le champ d’application de la directive CSRD se trouve réduit de près de 80 %, excluant notamment les PME. Les entreprises non soumises à l’obligation de reporting pourront toutefois s’y conformer sur la base du volontariat (voluntary reporting standard for SMEs).

Ensuite, le reporting CSRD en lui-même se voit simplifié par l’abandon des normes sectorielles et la clarification du principe de matérialité. L’objectif est d’éviter une surcharge d’informations non essentielles. Dans la même optique, la transition vers un standard d’assurance raisonnable sera supprimée, évitant un surcoût pour les entreprises.

Enfin, le plafond de la chaîne de valeur (value chain cap) sera étendu et renforcé, et permettra de protéger l’ensemble des entreprises de moins de 1 000 salariés. Ce plafond permettra de limiter la transmission excessive des obligations aux PME et entreprises intermédiaires.

En ce qui concerne les propositions s’appliquant à la directive CSDDD, il s’agit surtout d’alléger les obligations de diligence en se focalisant sur les entreprises et leurs partenaires commerciaux directs et en réduisant la fréquence des évaluations périodiques de leurs partenaires, passant d’une fois par an à une fois tous les cinq ans. S’alignant avec les modifications apportées à la directive CSRD, la proposition de directive Omnibus prévoit également de limiter la quantité d’informations demandées aux PME et entreprises à moyenne capitalisation. S’ajoute également la suppression des conditions de la responsabilité civile européenne prévue par l’Union européenne, la directive s’en remettant aux régimes de responsabilité internes des États membres.

S’agissant de la taxonomie, les propositions apportées par la directive Omnibus permettront davantage de flexibilité. Cette flexibilité se caractérise notamment par l’introduction d’un régime d’adhésion volontaire (opt in) pour le reporting sur la taxonomie européenne.

Les propositions relatives au CBAM et au règlement InvestEu sont également relatives à leur simplification respective. Par exemple, pour le CBAM, il s’agit d’épargner près de 90 % des entreprises actuellement concernées de leur obligation de reporting, tout en couvrant toujours 99 % des émissions carbones. La fréquence des rapports requis par InvestEu sera également réduite.

Finalement, l’une des mesures phares de la proposition de directive Omnibus est le report des délais. Effectivement, les obligations de la directive CSRD sont repoussées à deux ans, et celle du CSDDD à un an. Ainsi, les premières vagues de reporting CSRD, qui devaient débuter en 2026, débuteront en 2028 (rapport sur l’année 2027). Pour le reporting CSDDD, il est reporté à juillet 2028 et 2029 selon les entreprises. La transposition des directives est, elle aussi, repoussée d’un an, à savoir à juillet 2027. L’idée sous-jacente est de permettre aux entreprises de disposer du temps pour s’adapter à leurs obligations.

L’ensemble de ces mesures devrait selon la Commission européenne permettre de relancer la compétitivité et de faire des économies.

Quelles conséquences de cette directive européenne ?

La proposition de directive Omnibus a reçu un accueil mitigé. Si certains acteurs félicitent et soutiennent la Commission européenne dans ce projet, d’autres tirent la sonnette d’alarme.

Pour cause, plusieurs risques sont soulevés par les syndicats et ONG. Dans un communiqué de presse, plusieurs ONG, dont la FIDH et Terre solidaire, considèrent que la directive Omnibus signe un retour en arrière, notamment en ce qui concerne la protection des droits humains et de l’environnement. Selon eux, si la Commission s’efforce à rappeler son attachement aux objectifs fixés par le Green Deal, une interrogation subsiste sur leur faisabilité face à cette vague de simplification. Il en résulte un risque de ralentissement de la transition écologique alors même que les conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles en Europe. La même question se pose s’agissant du respect des droits fondamentaux, puisque la majeure partie des entreprises sortent du champ d’application des obligations de reporting (Communiqué de presse, Directive Omnibus : vers un affaiblissement historique des normes environnementales et sociales en Europe, 26 févr. 2025).

A contrario, certaines instances souhaiteraient que la Commission aille plus loin encore dans la simplification, à l’instar du MEDEF qui considère que ce premier pas est insuffisant pour réduire l’écart de compétitivité avec les États-Unis et la Chine.

D’autres grands groupes d’entreprises avaient, quant à eux, appelé la Commission à ne pas modifier les directives CSRD et CSDDD, considérant que leur mise en œuvre sera sur le long terme, facteur de compétitivité.

Notons cependant que, conformément au droit de l’Union européenne, les États membres ont l’obligation de transposer les directives, mais également la possibilité d’aller plus loin que les objectifs fixés par celles-ci.

Reste à savoir si la directive sera votée par le Parlement et approuvée par les États membres. La Commission souhaite une adoption en 2025 suivie d’une mise en application rapide. L’adoption de cette directive Omnibus devrait être suivie par la publication d’une recommandation de la Commission au sujet du reporting volontaire des entreprises non concernées par l’obligation.

 

par Pauline Dufourq, Avocat et Pauline Boone, Élève-avocat

Comm. UE, Proposition de directive européenne Omnibus, 26 févr. 2025 (en anglais)

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