Directive (UE) 2023/2673 du 22 novembre 2023 sur les contrats financiers conclus à distance
La directive (UE) 2023/2673 du 22 novembre 2023 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 28 novembre 2023. Elle abroge la directive (CE) 2002/65 et vient modifier la directive (UE) 2011/83 pour les contrats financiers conclus à distance dans une optique de protection accrue du consommateur.
L’actualité en droit de la consommation continue d’être importante ces dernières semaines. Après plusieurs arrêts statuant sur des renvois préjudiciels concernant le droit des clauses abusives (v. par ex., CJUE 9 nov. 2023, Všeobecná úverová banka a.s., aff. C-598/21, Dalloz actualité, 24 nov. 2023, obs C. Hélaine), la directive 2023/2673 sur les contrats de services financiers conclus à distance sous commentaire aura une certaine importance ces prochaines années. On sait qu’en matière de contrats conclus hors établissement et à distance, la directive (UE) 2011/83 reste aujourd’hui encore un des textes de référence, aussi fallait-il l’adapter à l’intégration des contrats de services financiers qui en étaient, jusqu’ici, exclus. Ce texte fait l’objet d’une jurisprudence importante de la part de la Cour de justice de l’Union en raison de son intérêt majeur en droit économique (v. par ex., pour un croisement avec les abusives, CJUE 8 juin 2023, aff. C-570/21, Dalloz actualité, 13 juin 2023, obs. C. Hélaine ; pour une application en droit interne sur les bons de commande, Civ. 1re, 11 janv. 2023, n° 21-14.032 F-P+B, Dalloz actualité, 23 janv. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 70
; RTD com. 2023. 433, obs. B. Bouloc
; pour un ex. de renvoi préjudiciel, CJUE 24 févr. 2022, aff. C-536/20, Dalloz actualité, 11 mars 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 396
; ibid. 2023. 616, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud
; Rev. prat. rec. 2022. 19, chron. R. Bouniol
; v. J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 186, n° 1). Une autre directive posait également difficulté pour l’élaboration du nouveau texte, à savoir la directive (CE) 2002/65 qui a été purement et simplement abrogée pour éviter tout chevauchement malencontreux sur ces contrats de services financiers.
La publication au Journal officiel de l’Union européenne le 28 novembre 2023 de la directive (UE) 2023/2673 du 22 novembre 2023 répond donc à la fois d’un objectif de simplicité et d’efficacité.
Comme toujours, la lecture des considérants de la directive étudiée permet de mieux en cerner les contours exacts avant d’approfondir les règles nouvelles. On sait que l’article 169, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit le fameux « niveau élevé de protection des consommateurs » que l’Union doit contribuer à assurer (v. le consid. n° 2). Cette incise est systématiquement rappelée dans un très grand nombre de renvois préjudiciels sur les textes économiques de l’Union dont l’interprétation est sollicitée par les juridictions des États membres (par ex. en matière de clauses abusives où le taux de renvois préjudiciels est l’un des plus élevés). L’harmonisation des textes dans les différents droits internes concourt à cet objectif, le contexte des contrats conclus à distance étant couvert partiellement par la directive (UE) 2011/83 laquelle ne concernait pas les services financiers (art. 3, 3°, d, de la dir. de 2011).
Le but a été donc, non d’appliquer toutes les règles issues de la directive de 2011 aux contrats de services financiers conclus à distance mais seulement certaines d’entre-elles. Ce faisant, l’harmonisation opérée reste nécessairement cohérente entre les différents types de contrats. Il fallait encore réserver un certain sort aux cas déjà prévus par des actes sectoriels existants. La directive (UE) 2023/2673 ne s’applique pas quand un « double emploi » risque d’être créé (consid. n° 16).
Nous l’aurons compris, le contexte de la directive étudiée reste celui d’une extension de la protection déjà existante à destination du consommateur. Il faut s’interroger maintenant sur son contenu. La directive (UE) 2023/26 vient dans son article 1er modifier la directive (UE) 2011/83 pour y insérer des règles nouvelles sur la fourniture de service financiers dans le cas d’un contrat conclu à distance. Il a fallu donc supprimer l’exclusion de cette dernière directive de ce type de contrats qui était prévue au d), du 3°, de l’article 3. Désormais, la directive s’applique mais seulement pour certains de ses articles qui sont compatibles avec de tels contrats. Il reste, également, certains services financiers non couverts par la directive (UE) 2023/2673 qui sont donc toujours exclus de la directive (UE) 2011/83 comme nous le verrons (nouv. d, du 3°, de l’art. 3).
Le plus important reste l’insertion d’un important chapitre III bis dans la directive de 2011 qui concerne les principaux points majeurs du nouveau texte.
L’obligation d’information
Le nouvel article 16 bis de la directive (UE) 2011/83 comporte l’adjonction de nouvelles obligations d’information au profit des consommateurs concluant des contrats à distance qui portent sur des services financiers. Ces informations doivent être délivrées « en temps utile avant que le consommateur ne soit lié par le contrat ».
On compte une liste égrenant pas moins de vingt-quatre informations plus ou moins importantes pour le destinataire final de celle-ci qui se retrouve, on le sait, bien souvent noyé dans une masse d’informations qu’il finit par ne pas lire faute de lisibilité des documents contractuels proposés par les fournisseurs de services financiers. La liste est, par ailleurs, plus ou moins calquée sur celle de l’article 16 de la directive de 2011, adaptée aux spécificités des services financiers. Nous ne listerons pas tous les items détaillés mais nous retrouvons des éléments classiques de l’information au sens des textes de l’Union européenne (identité et activité du professionnel, adresse géographique, coordonnées pour une réclamation, registre sur lequel le professionnel est inscrit, l’adresse du site internet, la description principale du service financier, son coût total pour le consommateur, etc.). On notera que les coordonnées du professionnel font l’objet d’une attention très particulière avec un résultat final de plusieurs lignes dans le b) de cet article 16 bis car le considérant 27 de la directive (UE) 2023/2673 étudiée nous apprend que le législateur de l’Union a voulu prévoir un texte « adaptées aux évolutions futures ».
Les obligations d’information sont donc (très) épaisses pour les contrats conclus à distance ayant pour objet un service financier destiné au consommateur. Les professionnels devront prendre le pli rapidement une fois le texte transposé. Là-encore, on se demande si une telle obligation d’information permet de réellement remplir son rôle, du moins parfaitement. Plus utile, nous semble la possibilité pour les États membres de prévoir des « exigences linguistiques » pour adapter l’information à la langue du consommateur, ce qui sera un enjeu particulièrement important pour les services financiers à distance. On retrouve également l’importance du support durable pour l’information.
Le contrat conclu à distance commence souvent par du démarchage téléphonique.
Par conséquent, les 3 et 4 prévoient des règles spécifiques permettant de cibler précisément le but commercial de l’appel et surtout, pour le professionnel, de limiter les informations qu’il doit délivrer aux points a (l’identité et l’activité du professionnel), f (la description des principales caractéristiques du service financier), g (le prix total dû par le consommateur), k (l’indication de l’existence d’autres taxes ou frais liés au service) et p (l’existence ou l’absence du droit de rétractation) de l’article 16 bis. On comprend bien que le professionnel ne peut pas égrener la vingtaine de points de cette disposition. Tout ceci rappelle bien évidemment les dispositions déjà en place dans la directive de 2011.
Comme à l’accoutumée, le respect de ces obligations d’information est crucial et la charge de la preuve repose sur le professionnel (n° 8 de l’art. 16 bis). Rien n’empêche les États membres de prendre des dispositions plus strictes même si tout ceci paraît déjà bien suffisant.
Le droit de rétractation est également un point majeur de la directive (UE) 2023/2673.
Le droit de rétractation
La directive prévoit également une harmonisation des règles de rétractation s’agissant des contrats conclus à distance ayant pour objet un service financier destiné au consommateur. Le délai est de quatorze jours calendaires sans pénalité et sans motif (le même donc que l’art. 9 de la dir. [UE] 2011/83), porté toutefois à trente jours quand les opérations portent sur des retraites individuelles (v. le consid. n° 35 sur la question).
Le point important de cet article 16 ter reste le point de départ du délai. Le délai doit normalement expirer après la durée prévue à partir du jour de conclusion du contrat à distance ou après le jour où le consommateur a reçu les informations précontractuelles et les conditions contractuelles quand de telles informations sont délivrées après la conclusion matérielle contrairement à ce que prévoit l’article 16 bis. Que faire si le consommateur n’a pas été destinataire des informations ? Le délai de rétractation expire alors douze mois et quatorze jours après la conclusion du contrat. Il n’expire, par ailleurs, pas du tout quand le consommateur n’a pas été informé de son droit de rétractation sur un support durable. Difficile de ne pas comprendre le lien essentiel entre l’information et la rétractation en pareille situation.
Là-encore, on retrouve la même méthodologie que dans les directives précédentes, ce qui est une bonne chose.
La rétractation est exclue pour les services financiers destinés aux consommateurs « dont le prix dépend des fluctuations des marchés financiers sur lesquelles le professionnel n’a aucune influence, qui seraient susceptibles de se produire pendant le délai de rétractation »…. C’est-à-dire énormément de services financiers ! La directive en donne des exemples comme les opérations de change, les titres négociables, les parts dans les organismes de placement collectif, etc. En somme, le nouveau texte est quelque peu vidé d’une partie de sa substance sur ce point. La rétractation ne s’applique pas non plus aux polices d’assurance de voyage ou de bagages ou aux polices d’assurance similaires à court termes quand elles sont d’une durée inférieure d’un mois ni aux contrats exécutés intégralement par toutes les parties avant l’exercice du droit de rétractation. Il reste tout de même quelques contrats concernés.
Les États membres peuvent tout à la fois prévoir un délai de rétractation et un délai dit « de réflexion » (pt 5) dans la mesure où il s’agirait d’une protection supplémentaire du consommateur. Ils ne peuvent pas, en revanche, se passer du délai de rétractation à ce niveau d’harmonisation. Ils peuvent toutefois choisir d’appliquer :
- l’article 14, 6) de la directive (UE) 2014/17 qui prévoit une période de sept jours au moins pendant laquelle le consommateur dispose d’un délai suffisant pour comparer les offres et prendre une décision sur la conclusion du contrat ;
- les articles 26 et 27 de la directive (UE) 2023/2225 qui prévoit un délai de rétractation de quatorze jours calendaires.
Il serait sans doute plus facile de ne pas se référer à d’autres textes pour la transposition et intégrer ainsi le délai prévu par la directive (UE) 2023/2673, d’autant que les durées de l’article 16 ter ne sont pas, bien heureusement, très originales quand on les compare à ce qui existe déjà dans la directive des contrats conclus hors établissement et à distance.
L’article 16 quater prévoit le cas où le consommateur exerce son droit de rétractation et où un service a déjà été fourni avant la rétractation notamment s’il n’y a pas de délai réflexion prévu par l’État membre du consommateur (v. supra).
Dans cette situation, le consommateur doit évidemment régler ce qui a été effectivement déjà fourni sans pénalité et de manière proportionnée au service en question. Quant au professionnel, celui-ci doit restituer tout ce qui a été versé par le consommateur avant la rétractation dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification de la rétractation. Rien que du très classique en somme.
Finissons par les dispositions diverses.
Autres dispositions diverses
L’article 16 quinquies prévoit ce que le texte appelle des « explications adéquates » (expression déjà connue dans l’art. 5 de la dir. [CE] 2008/48) afin que le consommateur évalue si le contrat conclu à distance lui est adapté tant au niveau de ses besoins personnels que de sa situation financière. On y retrouve les informations précontractuelles précédentes, les caractéristiques essentielles et les effets spécifiques de ce contrat notamment si le consommateur ne paie pas ou paie avec un certain retard. On lit également, pour les services financiers conclus sur internet, la possibilité que le consommateur puisse bénéficier d’une « intervention humaine » afin d’être aidé dans le processus de conclusion. Ceci permet de concourir à des explications, en effet, poussées que l’intelligence artificielle peut présenter sous un jour moins adapté personnellement à la situation du consommateur.
L’article 16 sexies prévoit enfin la protection supplémentaire concernant les interfaces en ligne afin d’éviter que les professionnels n’imaginent pas des présentations de leurs produits financiers « de façon à tromper ou à manipuler les consommateurs destinataires de leur service ou de toute autre façon propre à altérer ou à entraver substantiellement leur capacité à prendre des décisions libres et éclairée ». On pense immédiatement aux publicités trompeuses et plus généralement aux pratiques commerciales déloyales (v. sur la question, l’art. L. 121-1 du c. consom.), d’où par ailleurs la référence à la directive (CE) 2005/29 au fronton de l’article 16 sexies. Les États membres doivent prendre des mesures afin d’éviter des pratiques professionnelles contestables. Des sanctions sont prévues par modification de l’article 24 de la directive de 2011 faisant référence à l’article 21 du règlement (UE) 2017/2394 (amendes administratives et/ou procédures judiciaires).
Voici donc un texte fort complet sur les contrats prévoyant des services financiers conclus à distance. Il ne reste plus qu’à transposer celui-ci en droit interne. Pour ce faire, les États membres ont jusqu’au 19 décembre 2025 pour une entrée en application six mois plus tard au 19 juin 2026. La directive (CE) 2002/65 sera abrogée à cette dernière date afin d’éviter toute difficulté dans le temps de transposition des nouvelles dispositions.
© Lefebvre Dalloz