Droit d'option du locataire et indemnité d'occupation : prescription de l'action

Le bailleur n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de l'indemnité d'occupation qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de la prescription biennale ne court qu'à compter de cette date et lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

Par cet important arrêt de censure partielle, la haute juridiction parachève sa doctrine sur la nature juridique de l’indemnité d’occupation dont le locataire est redevable à la suite de l’exercice de son droit d’option.

On rappellera que, codifié à l’article L. 145-57 du code de commerce, ce droit d’option est une spécificité du statut des baux commerciaux. Durant l’instance en fixation du prix du nouveau bail, il permet à chacune des parties, pour l’une (le locataire) de renoncer au renouvellement et pour l’autre (le bailleur) de refuser ce dernier. Évidemment, la partie qui opte doit supporter « tous les frais » (entendons par-là, tous les frais de l’instance en renouvellement du bail, v. Civ. 3e, 16 sept. 2009, n° 08-15.741, Dalloz actualité, 23 sept. 2009, obs. Y. Rouquet ; D. 2009. 2278, obs. Y. Rouquet  ; AJDI 2010. 215 , obs. J.-P. Blatter ).

Au-delà du paiement de ces frais de justice, se pose, pour l’ancien locataire, la question de l’indemnité d’occupation dont il est redevable pour avoir usé des lieux au-delà de l’échéance contractuelle.

La qualification de cette indemnité (statutaire ou de droit commun) est importante, puisque, de cette qualification, va découler un régime juridique spécifique, que ce soit en matière de fixation du quantum de l’indemnité ou en ce qui concerne les règles de prescription de l’action en paiement.

Nature juridique de l’indemnité d’occupation et fixation de son quantum

En cas d’option du bailleur, à laquelle va succéder une procédure en fixation de l’indemnité d’éviction, la haute juridiction considère que l’indemnité d’occupation due par le preneur est statutaire et, comme telle, doit correspondre à la valeur locative déterminée en application de l’article L. 145-28 du code de commerce (Civ. 3e, 30 juin 1999, n° 96-21.449, D. 1999. 1 , obs. Y. R.  ; RDI 2000. 257, obs. J. Derruppé  ; précisant que cette indemnité est due à compter de la date d’expiration du bail, v. Civ. 3e, 7 nov. 1984, n° 83-13.550 P).

Lorsque, comme au cas particulier, c’est le locataire qui opte, on observe une évolution notable de la position de la Cour de cassation, le point de bascule ayant eu lieu par un arrêt du 5 février 2003 (Civ. 3e, 5 févr. 2003, n° 01-16.882, D. 2003. 1095 , obs. Y. Rouquet  ; AJDI 2003. 411 , obs. J.-P. Blatter ).

Jusqu’à cet arrêt, il était jugé que le locataire qui renonce au renouvellement se trouve, pour la période postérieure à la date d’expiration du bail, dans la situation d’un occupant sans titre justifiant le paiement d’une indemnité d’occupation de droit commun (compensatoire et indemnitaire) dont le montant peut excéder la valeur locative (Civ. 3e, 8 déc. 1982, n° 81-10.515 P ; AJPI 1983. 308, note D. Talon ; 30 sept. 1998, n° 96-22.764, D. 1998. 227  ; AJDI 1998. 1058 , obs. J.-P. Blatter  ; RDI 1999. 322, obs. J. Derruppé  ; v. aussi l’arrêt de renvoi de l’arrêt de 1998, Paris, 11 oct. 2000, n° 1999/20407, D. 2000. 439 , obs. Y. Rouquet  ; AJDI 2001. 515  ; ibid. 516, obs. J. Derruppé ).

À l’occasion de l’arrêt du 5 février 2003 susmentionné, le juge du droit a fait évoluer sa position, estimant que, pour la période comprise entre la fin du bail et l’exercice du droit d’option l’indemnité trouve son origine dans l’application de l’article L. 145-57 du code de commerce.

L’arrêt du 16 mars 2023 reprend cette formulation, citant d’ailleurs expressément l’arrêt de 2003.

Dans le prolongement de cette décision de 2003, les juges du fond ont fait la distinction entre,

• d’une part, l’indemnité d’occupation due entre la date à laquelle le bail a pris fin et l’exercice du droit d’option : de nature statutaire, elle s’établit au montant de la valeur locative en renouvellement (Paris, 26 févr. 2014, n° 12/05634, AJDI 2014. 782 , obs. C. Denizot et G. Trautmann  ; 20 juin 2012, n° 10/21533, AJDI 2012. 862 , obs. C. Denizot  ; 27 oct. 2007, Loyers et copr. 2008, n° 110, obs. Brault ; Chambéry, 1er juin 2010, Loyers et copr. 2010, n° 320, obs. E.C.),

• et, d’autre part, l’indemnité due dans l’hypothèse où le locataire se maintient dans les lieux après l’exercice de son droit d’option : de droit commun (Paris, 24 oct. 2007, Administrer 2/2008. 21, obs. Lipman-W. Boccara ; RJDA 2008, n° 1230 ; 26 févr. 2014, n° 12/05634 préc.).

Nature juridique de l’indemnité d’occupation et régime de la prescription

La nature juridique de l’indemnité d’occupation rejaillit sur le régime de la prescription de l’action en paiement.

Aux termes de l’arrêt du 5 février 2003 précité, l’indemnité d’occupation due par un locataire pour la période ayant précédé l’exercice de son droit d’option trouvant son origine dans l’application de l’article L. 145-57 du code de commerce elle est, comme telle, enfermée dans le court délai de prescription de l’article L. 145-60 du même code (rappr., lorsque l’option émane du bailleur, v. not. Civ. 3e, 25 juin 1997, n° 95-10.349, Dalloz Affaires 1997. 886).

À notre connaissance, le juge du droit n’avait pas eu à se prononcer sur le régime de la prescription applicable à l’action en paiement de l’indemnité de droit commun, c’est-à-dire celle due par le locataire qui se maintient dans les lieux après l’exercice de son droit d’option.

Sans surprise au regard de l’article 2224 du code civil, l’arrêt du 16 mars 2023 rapporté nous enseigne que l‘action en paiement de cette indemnité de droit commun est soumise au délai de prescription de cinq ans.

Le dernier apport cette décision concerne le point de départ de délais de prescription.

Aux termes de l’arrêt, pour la période ayant précédé l’exercice de son droit d’option du locataire, le délai de prescription biennale ne court qu’à compter du jour où le bailleur est informé de l’exercice par le locataire de son droit d’option (rappr., en matière de sous-location, jugeant que le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en réajustement du loyer du bail principal court du jour où le bailleur a eu connaissance du prix de cette sous-location, Civ. 3e, 1er avr. 1998, n° 96-18.245, D. 1998. 115  ; AJDI 1998. 1054 , obs. J.-P. Blatter  ; RDI 1998. 700, obs. F. Collart-Dutilleul et J. Derruppé ; 9 sept. 2021, n° 20-19.631, AJDI 2022. 282 , obs. T. Brault  ; rappr. aussi, jugeant que lorsque se forme un bail statutaire, à l’issue du bail dérogatoire, le point de départ du délai de prescription de l’action en fixation du prix de ce bail se situe à la date à laquelle le locataire a revendiqué l’existence d’un bail commercial, Civ. 3e, 7 juill. 2016, n° 15-19.485, D. 2016. 1560, obs. Y. Rouquet  ; ibid. 2237, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp  ; ibid. 2017. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand  ; AJDI 2017. 111 , obs. J.-P. Blatter ).

Et pour la période du maintien dans les lieux du locataire après l’exercice de son droit d’option, le délai de prescription quinquennale court à compter de ce même jour. Soit, conformément à l’article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire du droit à percevoir l’indemnité d’occupation (le bailleur) « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

 

© Lefebvre Dalloz