Droit douanier : contentieux divers

La chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée, le 18 septembre 2024, sur un redressement en matière de taxe générale sur les activités polluantes sur les carburants ; elle estime que les droits de la défense avaient, en l’espèce, été bien respectés par l’administration des douanes. Elle a rendu le même jour un arrêt à propos du classement tarifaire des marchandises.

Taxe générale sur les activités polluantes (n° 21-11.995)

Encore un arrêt sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les carburants ! Pour rappel, la chambre commerciale a récemment jugé que cette taxe est conforme à la directive européenne 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 sur les accises (Com. 10 juill. 2024, n° 22-17.669 F-B, Dalloz actualité, 17 sept. 2024, obs. X. Delpech). Dans l’affaire jugée, la société PCB, qui exerce une activité d’achat-revente de carburants et de combustibles, est assujettie à ce titre au prélèvement supplémentaire de la TGAP prévu à l’article 266 quindecies du code des douanes. Le 30 juin 2016, soutenant que la société PCB ne justifiait pas de la durabilité des biocarburants contenus dans les carburants qu’elle avait mis à la consommation en France et n’avait pas correctement déclaré la nature et la teneur de ces biocarburants, l’administration des douanes a notifié à cette société PCB un avis de résultat d’enquête portant sur un redressement au titre de la TGAP sur les carburants due pour les années 2014 et 2015. Ce que la société a contesté. Le 28 septembre 2016, l’administration des douanes a notifié à la société PCB un procès-verbal d’infraction confirmant le redressement et a, le 20 octobre 2016, émis un avis de mise en recouvrement (AMR) pour un montant de près de 3 millions d’euros. Après le rejet de sa contestation, la société PCB a assigné l’administration des douanes en annulation de l’AMR et de la décision de rejet, et en décharge des suppléments de taxe mis en recouvrement.

En vain, l’AMR est déclaré régulier à tous les stades de la procédure. Dans son pourvoi, la société PCB se plaint notamment de ce que le principe du contradictoire et le droit pour le contribuable d’être entendu par l’administration fiscale n’ont pas été respectés. L’argument est écarté. La chambre commerciale répond, en effet, en premier lieu, que les articles 296 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sont pas applicables au présent litige, dès lors que l’obligation de motivation qu’ils prévoient s’adresse, non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l’Union européenne. L’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas non plus applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l’espèce, à contester le bien-fondé des suppléments de taxe mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités. Elle ajoute, en second lieu, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, que « le principe du respect des droits de la défense n’impose pas à l’administration d’apporter une réponse distincte et motivée aux observations du redevable, mais d’en prendre connaissance et d’en tenir compte, ce qu’il incombe au juge de rechercher en cas de contestation » (pt 10). En l’occurrence, la chambre commerciale considère que l’administration des douanes avait bien pris connaissance et tenu compte des observations de la société PCB, de telle sorte que la cour d’appel a exactement déduit que les droits de la défense avaient été respectés.

Classement tarifaire des marchandises (n° 21-24.571)

Dans l’affaire jugée, une société importe du Japon des composants destinés à être assemblés en France, transportés dans des caisses en plastique ou dans des modules en métal. Ces emballages sont ensuite réexportés vers le Japon. La société déclare les emballages dans la position tarifaire afférente aux parties et pièces détachées qu’ils contiennent en se fondant sur les dispositions de la règle générale 5 b) de la nomenclature combinée. Après avoir conclu à une importation sans déclaration des emballages plastiques et métalliques importés, l’administration des douanes a émis, le 31 mai 2016, un AMR d’un montant de 5 051 901 € à l’encontre de la société que celle-ci a contesté. Sa contestation ayant été rejetée, la société a assigné l’administration des douanes aux fins d’annulation de l’AMR. Elle obtient gain de cause devant la Cour d’appel de Paris.

Pour cette dernière, en effet, les emballages de la société pouvaient être déclarés à la même position tarifaire que les marchandises qu’ils contenaient, en application de la règle n° 5, b), relative aux critères de classement d’une marchandise importée. Elle ajoute qu’en vertu de l’article 32 du code des douanes communautaire, le coût des emballages ne devait pas être ajouté au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, dès lors qu’il n’était pas supporté par l’acheteur. Elle a, en conséquence, annulé l’AMR litigieux pour son entier montant.

L’administration des douanes forme alors un recours contentieux. Les juges du fond lui donnent tort. Elle considère que la cour d’appel a violé le principe de sécurité juridique, l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun et la règle générale n° 5, b), pour l’interprétation de la nomenclature combinée. Mais la chambre commerciale casse l’arrêt d’appel. Elle se prononce, en substance, en faveur du caractère impératif du classement tarifaire des marchandises.

Elle juge que la règle générale 5, b), pour l’interprétation de la nomenclature combinée, figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 948/2009 de la Commission du 30 septembre 2009, qui est impérative, et dont l’objet est de permettre de déterminer avec précision le classement des emballages contenant des marchandises, ne peut être interprétée comme conférant à l’importateur la faculté de choisir, de façon arbitraire, la position sous laquelle les emballages doivent être déclarés. Viole ce texte la cour d’appel qui énonce que la règle générale 5, b), dispose que les emballages de marchandises sont classés avec ces dernières lorsqu’il sont utilisés pour ce genre de marchandise, mais que ce classement n’est pas obligatoire dès lors que les emballages peuvent être réutilisés de façon répétée, laissant le choix à l’opérateur concerné de s’y conformer ou non, alors que, lorsque les emballages sont susceptibles d’être utilisés valablement d’une façon répétée, et dès lors qu’il ne s’agit pas d’emballages habituellement utilisés pour la commercialisation de boissons, confitures, moutarde, épices ou autres, selon la note explicative de la nomenclature combinée des Communautés européennes (JOCE 23 oct. 2002, C 256, p. 1), ils doivent être déclarés sous la position tarifaire qui leur est propre. 

 

Com. 18 sept. 2024, F-B, n° 21-11.995

Com. 18 sept. 2024, F-B, n° 21-24.571

Lefebvre Dalloz