Du recours de la caution personne morale en matière de surendettement
Dans un arrêt rendu le 13 avril 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation précise que la caution, personne morale, qui est devenue personnellement créancière du débiteur par le règlement de la créance initiale effectué au cours de la procédure de surendettement, peut se voir opposer les mesures rendues exécutoires à l’égard de la créance cautionnée, si la caution a été avisée par la commission de surendettement.
Les arrêts intéressant les recours au stade de la contribution à la dette de la caution sont importants en ce qu’ils viennent préciser une question à la croisée des chemins entre le régime général des obligations et le droit des sûretés, entrecroisement aussi technique que redoutable. Le 13 avril 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu en rendre deux d’une importance indéniable (v. égal., Civ. 1re, 13 avr. 2023, n° 22-16.060 à paraître au Dalloz actualité) qui expliquent leur publication au Bulletin. La décision que nous commentons aujourd’hui s’intéresse aux éléments que peut opposer le débiteur principal à la caution, qui ayant réglé sa dette, souhaite se désintéresser de ce qu’il a payé pour autrui.
Rappelons brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. Un établissement bancaire consent le 18 septembre 2006 un prêt à deux personnes physiques. Ce contrat de crédit est garanti par une caution professionnelle. En avril 2011, l’un des deux codébiteurs saisit la commission de surendettement des particuliers laquelle met en place un plan conventionnel de redressement. Le 3 février 2015, la commission recommande l’effacement total des dettes du débiteur concerné. Le 5 mars 2015, la caution règle la banque. Le 10 décembre suivant, un jugement homologue les mesures recommandées, à savoir l’effacement total des dettes. La caution assigne, par la suite, les débiteurs principaux en paiement des sommes réglées en sa qualité de garant personnel. Les juges du fond condamnent solidairement les débiteurs à régler à la caution la somme de 16 525,66 € assortie des intérêts au taux légal à partir du 17 juin 2015. Les emprunteurs se pourvoient en cassation en arguant qu’une telle décision est privée de base légale dans la mesure où la cour d’appel de Bordeaux n’avait pas vérifié si la commission de surendettement avait informé la caution des mesures recommandées, ce qui aurait ainsi pu rendre opposable le plan de surendettement comportant l’effacement des dettes concernées. Les demandeurs à la cassation reprochaient également une capitalisation des intérêts en pareille situation puisque le prêt était immobilier.
L’arrêt du 13 avril 2023 aboutit à une double cassation pour violation de la loi sur le volet des intérêts et pour défaut de base légale concernant l’opposabilité des mesures de la commission à la caution personne morale devenue créancière. C’est une décision intéressante et importante sur ce second volet qui permet de clarifier les recours au stade de la contribution à la dette et qui amène à choisir le bon moment pour régler la dette d’autrui.
Une méthodologie claire : la caution personne morale doit être avisée des recommandations
La première chambre civile tranche la question de l’opposabilité à la caution des mesures de la commission de surendettement en optant pour un raisonnement en plusieurs temps aux paragraphes nos 8 à 11, signe d’une motivation assez riche pour accompagner le lecteur. Les textes cités au visa, à savoir les articles L. 331-3, II, alinéa 4, L. 331-7-1 et L. 331-8 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 aboutissent à la conséquence suivante, véritable clef de voûte de l’arrêt du 13 avril 2023 : « la caution, personne morale, qui est devenue personnellement créancière du débiteur par le règlement de la créance initiale effectué au cours de la procédure de surendettement, peut se voir opposer les mesures rendues exécutoires par le juge de l’exécution à l’égard de la créance cautionnée, si la caution a été avisée par la commission » (nous soulignons). Par conséquent, le débiteur principal peut opposer cette exception à la caution devenue créancière au stade de la contribution à la dette si la commission a avisé le garant. En somme, nul automatisme mais plutôt la nécessité de rechercher si la caution savait que l’effacement des dette était envisagé.
Si la question posse difficulté c’est en raison de la qualité de tiers de la caution à la procédure de surendettement. Deux conceptions sont alors possibles en pareille situation. Soit le caractère accessoire du cautionnement l’emporte et on pourrait arguer que la garantie consentie par une personne morale doit suivre le sort de l’effacement des dettes homologué, soit on fait prévaloir l’efficacité de la sûreté qui a été consentie, probablement, pour contrer les difficultés d’impécuniosité du débiteur principal. On comprend donc assez mal que l’article L. 331-7-1 du code de la consommation soit cité au visa de la décision car cet article ne s’applique que mal à la situation décrite dans les faits de l’arrêt. En revanche, l’article L. 331-8 du même code trouve toute son application puisque la caution réglant la dette du débiteur principal devient son créancier au stade de la contribution à la dette. Si la commission n’avise pas le garant, alors les mesures recommandées du plan et rendues exécutoire ne sauraient s’appliquer contre lui.
La solution qu’offre la première chambre civile de la Cour de cassation reste alors empreinte d’une certaine prudence.
De la chronologie des opérations
Les juges du fond avaient opté pour une vision plus simple de la question en considérant que le plan de surendettement dont l’un des deux débiteurs principaux avait fait l’objet n’était pas opposable à la caution. Cette position, favorable au désintéressement de la caution au stade de la contribution à la dette, impose de rappeler que la cassation n’est prononcée que pour un défaut de base légale consistant à reprocher à l’arrêt attaqué de ne pas avoir vérifié si la commission avait avisé ou non la caution personnelle des mesures recommandées. En somme, la marge de manœuvre de la cour d’appel de renvoi sera en tout état de cause assez importante dans la mesure où rien ne permet, d’après les faits rappelés par l’arrêt, de savoir si la commission a avisé ou non la caution personne morale. Ce sera la pierre angulaire de l’orientation de la décision après renvoi sur cassation.
Il ressort des faits, en revanche, que la caution a réglé la banque après la recommandation de l’effacement total des dettes du débiteur mais avant le jugement du 10 décembre 2015 homologuant lesdites mesures. Est-ce là suffisant pour dire que la caution personne morale aurait dû attendre avant de régler l’établissement bancaire ? La question en suggère une autre : faut-il accepter qu’en pareille situation la caution supporte définitivement la charge de la dette lorsqu’elle est effectivement avisée des mesures d’effacement ? Le cautionnement personnel, même consenti par un professionnel personne morale, ne saurait pouvoir se contenter d’une réponse positive en ce que la garantie ne peut qu’être l’accessoire de l’engagement principal. L’arrêt laisse place alors à toute une panoplie de questions sur ce qu’il peut impliquer au stade de la contribution à la dette pour ce simple garant qui ne saurait être un codébiteur.
Voici donc une décision nuancée et aux contours complexes. Elle tranche une question assez rarement présentée sous cet angle dans un arrêt publié au Bulletin. Mais elle suggère également de nombreuses hésitations sur le rôle que doit avoir le cautionnement personnel. Pour toutes ces raisons, les praticiens devront s’y intéresser de près.
© Lefebvre Dalloz