Éclairage sur la notion d’avantage fiscal

L’option offerte au contribuable entre le paiement différé des droits, assis sur la valeur imposable, au jour de l’ouverture de la succession, de la nue-propriété des biens recueillis, avec versement d’intérêts annuels, et le paiement différé des droits, assis sur la valeur imposable de la propriété entière de ces biens, avec dispense d’intérêts, qui ne constitue pas un avantage fiscal offert au contribuable mais une option pour le paiement d’une imposition, implique un choix irrévocable du contribuable.

Dans l’affaire jugée, une personne est décédée en 2015, en laissant pour lui succéder son épouse et leurs deux enfants. L’épouse du défunt ayant opté pour le bénéfice de l’usufruit des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession, les deux enfants ont reçu la nue-propriété de ces biens, chacun pour moitié. La déclaration de succession était accompagnée d’une demande des nus-propriétaires tendant à obtenir l’autorisation de différer au jour du décès du conjoint survivant le paiement des droits de succession, dans la limite de six mois à compter de la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété, conformément aux dispositions des articles 399 et suivants de l’annexe III du code général des impôts. Les enfants demandaient également à bénéficier d’une dispense du paiement des intérêts ayant couru sur les droits de succession, en contrepartie d’un calcul de leur montant sur la valeur imposable, à la date du décès, de la propriété entière des biens recueillis et non de la seule nue-propriété, en application de l’article 404 B, alinéa 3, de cette annexe. L’administration fiscale a accueilli leur demande.

Quelques mois plus tard, ils ont demandé la rectification de leur demande initiale, en indiquant opter pour le paiement différé des droits calculés sur la valeur de la nue-propriété des biens, sans être dispensés du paiement des intérêts. L’administration fiscale a cette fois rejeté leur demande au motif que l’option prise lors du dépôt de la demande de paiement différé des droits de succession était irrévocable. Après rejet implicite de leur réclamation, les deux enfants ont alors assigné l’administration fiscale aux fins d’obtenir l’annulation de la décision de rejet prise à leur encontre.

Leur demande est rejetée par le tribunal judiciaire, puis par la Cour d’appel de Paris.

Ils forment alors un pourvoi en cassation, mais celui-ci est également rejeté. La Cour de cassation confirme à cette occasion, dans une réponse qui se veut de principe, le caractère irrévocable de l’option fiscale offerte aux héritiers : « L’option offerte au contribuable entre le paiement différé des droits, assis sur la valeur imposable, au jour de l’ouverture de la succession, de la nue-propriété des biens recueillis, avec versement d’intérêts annuels, et le paiement différé des droits, assis sur la valeur imposable de la propriété entière de ces biens, avec dispense d’intérêts, qui ne constitue pas un avantage fiscal offert au contribuable mais une option pour le paiement d’une imposition, implique un choix irrévocable du contribuable ».

Elle valide ainsi la position de la doctrine administrative, dont les héritiers entendaient qu’elle ne puisse leur être opposée par l’administration fiscale à leur détriment (BOI-ENR-DG-50-20-30, § 150). On peut regretter que la Cour de cassation ne précise pas ce qu’il faut entendre par « avantage fiscal ». Ce peut être, par exemple, comme l’a jugé le Conseil d’État, une réduction de ses cotisations de taxe professionnelle au titre du dégrèvement pour investissements nouveaux (DIN).

À cette occasion, la Haute juridiction administrative a d’ailleurs considéré que, sauf disposition expresse de la loi, un contribuable ne peut être privé d’un avantage fiscal du seul fait de l’absence de déclaration dans les délais (CE 11 mai 2015, n° 372924, Lebon  ; Dr. fiscal 2015, n° 539, note C. Ménard et B. Bardet). En l’occurrence, il ne pouvait être question d’avantage fiscal, car rien ne laissait préjuger que l’option fiscale offerte aux contribuables aller leur procurer une économie d’impôt. 

 

Com. 13 mars 2024, F-B, n° 22-16.190

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